"La Caste des Méta-Barons" de Juan Gimenez et Alexandro Jodorowsky
L’histoire: Il est le Méta-Baron ! La simple évocation de son nom suffit à terrifier des armées entières. Depuis des générations, le Méta-Baron est le plus puissant combattant de l'univers. On a connu le dernier de cette dynastie au cours des aventures du pauvre John Difool et de ses démêlés avec l'Incal. On découvre à présent l'extraordinaire histoire de ses ancêtres, qui commence avec Othon, ancien pirate, qui, par amour et loyauté, devint le premier Méta-Baron. On assiste au terrible rite de passage qui régit cette famille impitoyable, où le fils est mutilé par son père, puis doit le vaincre en un combat singulier d'où il ne reste qu'un seul survivant. Il en est ainsi à chaque génération de la caste des Méta-Barons !
La critique de Mr K: Un bon et grand classique de la SF au programme de ma critique du jour. À l’occasion des grandes vacances, je m’étais entre autre pris les huit tomes de La Caste des Méta-Barons de Juan Gimenez et Alexandro Jodorowsky, deux auteurs qu’on ne présente plus et que j’aime par dessus tout. Cette grande saga de space-opera nous raconte génération après génération la destinée d’une dynastie de guerriers entre grandeur et décadence. Œuvre culte s’il en est, je ne l’avais pour le moment jamais lu, le tort est désormais réparé et c’est rien de dire que c’est un chef d’œuvre qui m’a littéralement soufflé!
Dans un futur très éloigné, dans un univers gouverné par un empereur aux pouvoirs sans limite, le chaos n’est pas loin. Le pouvoir est souvent contesté par des factions et races diverses qui mettent à mal l’ordre établi. Tout débute sur la planète Marmola où depuis des siècles la famille des Castaka exploite le marbre et le manipule comme s’il ne pesait rien grâce à une huile antigravitationnelle miraculeuse: l’épiphyte. Le secret était bien gardé jusque là mais il finit par s’éventer attisant la convoitise de tous les vautours de la galaxie. L’histoire des méta-barons commencent donc dans le sang et la fureur, marquant à jamais la dynastie du sceau du malheur et de l’errance.
Huit volumes pour huit personnalités qui permettent donc d’explorer l’arbre généalogique d’une famille plus que tourmentée où les mâles sont considérés comme les guerriers les plus puissants de l’univers. À chaque génération, la légende veut que le fils ait vocation à devenir plus puissant que son père et pour prouver ce fait, il doit triompher de son géniteur jusqu’à ce que mort s’ensuive! Autre rituel initiatique de cette sympathique famille, la mutilation et la résistance à la douleur font partie intégrante de la «formation» du futur méta-baron: l’un sera castré, d’autres auront pas de pieds, de tête, de main ou d’oreille. Heureusement pour eux à cette époque tout est possible et chaque méta-baron se voit attribué des membres et parties du corps grâce aux techniques avancées de cybernétique.
L’histoire en elle-même est racontée par Tonto, un robot au service du dernier méta-baron qui semble s’être absenté du méta-bunker, forteresse volante imprenable. En compagnie de Lothar, un robot plus limité intellectuellement (certains diront enfantin), ils attendent le retour de leur maître. Le récit s’attarde donc globalement sur les flashbacks que raconte Tonto avec son lot de coups de théâtre, de destinées perverties, de règlements de compte interspatiaux et des scénettes se déroulant au présent qui prendront toute leur importance lors de l’ultime volume avec une révélation des plus fracassante! Inutile de vous dire qu’on ne s’ennuie pas une seconde lors de cette lecture très dense et de toute beauté.
Cette œuvre est avant tout une plongée concession dans un fatum familial funeste. Au delà des traditions terribles qui régissent les rapports pères-fils, il semble que la lignée soit maudite, que le bonheur leur soit interdit d’une manière comme une autre. Le bonheur est souvent fugace même s’il se révèle très intense sur le moment. Finalement, ces méta-barons sont des êtres de pure passion, romantiques à l’extrême entre pulsions de mort et d’amour. Trahisons, vénalités, cruauté parfois mais aussi apprentissages, pédagogie, amour puissant et parfois inceste (gloups) rythment ces existences hors du commun portée par le poids de la lignée et du devoir. Je trouve qu’il y a une dimension cornélienne chez les Castaka, des individus déchirés entre la raison et les élans du cœur, une complexité qui les rend passionnants et très attachants malgré le caractère imprévisible qui peut les caractériser à l’occasion.
L’aspect space opera est très bien rendu lui aussi avec l’exploration de quantités de mondes et de systèmes tous plus beaux les uns que les autres. On voyage donc beaucoup et l’on ne peut que s’incliner devant le foisonnement d’idées qui fourmillent entre ces pages. On croise aussi nombre de personnages plus barrés les uns que les autres avec une mention tout particulière pour la secte des nonnes-putes! Menaces d’invasion, complot pour renverser l’empereur, vendetta anti Méta-Baron, j’en passe volontairement pour vous laisser la surprise. Le scénario n’est vraiment pas avare en rebondissements et l’on passe de Charybde en Scylla avec un plaisir renouvelé limite sadique! On retrouve aussi certaines thématiques purement jodorowskyenne avec l’aspect mystique très présent, le rapport complexe à la religion et l’exploration intérieure des personnages qui peut parfois virer au psychédélisme. Moi qui suis fan de ces trips, j’ai été aussi gâté à ce niveau là!
Et puis, cette œuvre est vraiment magnifique avec des dessins de toute beauté qui ressemblent parfois à de véritables tableaux. Les couleurs, le trait, le découpage des cases tout concourt à offrir un spectacle incroyable, d’un souffle et d’une puissance qui efface tout sur son passage. C’est grandiose vraiment et l’on lit ces huit volumes d’une traite ou presque (il faut bien dormir!). La Caste des Méta-Barons fait partie je pense de ces œuvres immortelles qui resteront gravées à jamais dans le cœur des fans de SF. Culte de chez culte!