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Le Capharnaüm Éclairé
31 août 2020

"Soleil de cendres" d'Astrid Monet

L’histoire : L'histoire se déroule à Berlin aujourd'hui et se passe en trois jours : le jour du retour, le jour du tremblement et le jour sans nom. Trois jours durant que va se jouer le destin de trois personnages. Dans une Europe accablée par une chaleur étouffante, Marika, 38 ans, revient à Berlin avec son fils Solal. Ce voyage en Allemagne replonge la jeune française dans une langue étrangère et un passé douloureux : sept ans plus tôt, à la naissance de Solal, elle a quitté la ville brutalement. Aujourd'hui, elle emmène son enfant rencontre pour la première fois son père, Thomas, un célèbre dramaturge et metteur en scène allemand. Elle accepte de laisser seuls tous les deux pour une nuit.

 

Le lendemain, alors qu'elle doit retrouver dans un café, une catastrophe naturelle sans précédent va bouleverser le pays et le destin de cette famille. Dans l'Ouest de l'Allemagne, un vieux volcan s'est réveillé : une éruption d'une intensité terrible laisse échapper une nuée ardente et en quelques heures un nuage de cendres recouvre Berlin de ses flocons noirs. Au même moment, la ville est secouée par un violent tremblement de terre qui coupe la ville en deux. Dans ce décor de fin du monde, Marika part à la recherche de son fils, pris au piège avec son père dans les décombres.

 

La critique de Mr K : Chronique d’un ouvrage de la rentrée littéraire aujourd’hui avec Soleil de cendres d’Astrid Monier, un roman détonant à plus d’un titre paru aux éditions Agullo. Une héroïne bien branque, une atmosphère apocalyptique et une langue inventive sont les ingrédients de ce roman marquant qui fera date.

 

Marika a décidé de revenir à Berlin pour présenter son père à son jeune fils de sept ans. Mère célibataire suite à sa mystérieuse fuite quelques mois après la naissance de Solal, on la sent très vite tendue. Dès le voyage en train, les interrogations et les appréhensions se multiplient dans sa tête. Solal lui est intrigué par cette rencontre à venir. En quelques pages, on cerne bien les tenants et aboutissants de la relation quasi fusionnelle qui unit Marika et son fils. On s’imagine bien que la suite va venir bousculer ce fragile équilibre. Thomas, le père, les accueille à la gare et le premier contact avec son fils se déroule bien. Marika est plus sur la réserve et décide de dormir à l’extérieur, le passé refait surface et elle préfère se ménager.

 

Tout bascule le lendemain avec une irruption volcanique qui provoque un nuage de cendres qui va recouvrir la capitale allemande. Doublé par un tremblement de terre, c’est le début de la panique : coupure d’électricité, eau potable contaminée et exode de masse provoquent un chaos sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Au milieu de tout cela, sans nouvelles de son fils et de son ex amant, Marika entreprend des recherches qui semblent désespérées au milieu de la folie ambiante.

 

La principale force de ce roman réside dans le personnage principal. Marika par sa fragilité m’a plu de suite. La mère ultra-protectrice veille sur son garçon comme une louve et cela peut même virer à l’obsession. Au fil du récit et des péripéties, on découvre des éléments clefs de son passé qui éclairent son comportement présent : ses relations avec ses frères et sœurs, des disparitions de proches qui la hantent, sa relation avec Thomas et sa fuite originelle... autant d’expériences de vie, d’éléments qui construisent une personnalité et une existence. Personnage complexe par excellence, Marika a cette fougue, ce côté borderline qui a accroché et touché au plus profond le jeune papa que je suis.

 

En parallèle, l’auteure nous fait suivre le parcours du fils et l’on accompagne Solal et son père durant cette période de séparation forcée si douloureuse pour lui aussi. Là encore, on retrouve cette finesse de caractérisation, cette délicatesse et amour qu’Astrid Monet porte à ses personnages. Solal en jeune garçon curieux de découvrir enfin son géniteur et Thomas (dramaturge et écrivain en vogue) prenant conscience de son rôle de père sont des personnages eux aussi très charismatiques et profondément humains. Par leurs hésitations, leurs non-dits et quelques paroles emplies d’émotion, la machine à empathie fonctionne à plein régime et l’addiction grandit d’autant plus. Impossible de relâcher un tel ouvrage, l’émotion gagne crescendo le cœur du lecteur, emprisonné dans ces pages par le drame qui se joue.

 

Pour enrober le tout, le background se révèle pour le moins saisissant. Sous fond de crise climatique généralisée (il fait chaud, très chaud au moment des faits), l’auteure s’en donne à cœur joie pour décortiquer les vicissitudes humaines et les négligences de notre espèce. Jamais didactiques ou moralisatrices, ces piqûres de rappel font mouche et densifient un contenu émotionnel déjà puissant. L’orgueil de l’homme à l’encontre de la Nature, le phénomène de panique et de foules incontrôlables, les violences policières, l’égoïsme qui prime sur l’intérêt général... autant d’éléments abordés plus ou moins en sous-texte et qui ne sont pas sans rappeler des événements récents que nous subissons de plein fouet. Au milieu de ce chaos et de cette société en pleine déliquescence, l’amour de Marika et de Solal éclaire d’un peu d’espoir ce roman crépusculaire d’une rare force évocatrice.

 

Soleil de cendres se lit vraiment tout seul et il me semble avoir découvert aussi une écrivaine à part, dotée d’une écriture séduisante en diable. Belle, très belle lecture que celle-ci qui conjugue récit intimiste poignant et réflexion plus générale sur l’être humain. À lire !

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