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Le Capharnaüm Éclairé
25 mai 2020

"Ils partiront dans l'ivresse" de Lucie Aubrac

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L’histoire : Ce livre est le journal d'une résistante. Neuf mois de la vie d'une mère de famille, enceinte d'un second enfant, professeur d'histoire et de géographie qui, à ses heures perdues, fait évader quatorze personnes (dont son mari arrêté avec Jean Moulin par Klaus Barbie), passe les douanes avec des silencieux de revolvers, ravitaille les clandestins en faux papiers et les collabos en confiture au cyanure. Une femme qui n'a jamais perdu son sang froid ni son humour, sauf le jour de son accouchement à Londres.

La critique de Mr K : Voilà encore un ouvrage qui errait depuis trop longtemps dans ma PAL. C’est à l’occasion du 8 mai que je décidai de l’en sortir, c’est un grand classique que je n’avais jamais lu et dont j’avais volontairement refusé de voir l’adaptation cinéma (je préfère faire les choses dans le sens inverse). Journal de vie résistante et amoureuse s’étalant sur quasiment une année, voila un ouvrage que j’ai dévoré, emporté que j’ai été par le souffle de l’Histoire et de cette destinée hors du commun !

Lucie et Raymond s’aiment comme au premier jour mais qu’il est dur de s’aimer en ces temps de conflit fratricide pendant l’occupation allemande. Membres actifs d’une cellule de Résistance, le couple multiplie les coups et actions pour libérer des amis, diffuser de la presse clandestine ou accueillir des réfugiés. Mais voila, en ces temps incertains, le danger guette à chaque coin de rue et Raymond après une première libération est de nouveau arrêté avec Max (le représentant de De Gaulle en France, aka Jean Moulin). Il va falloir tout le courage et l’abnégation de Lucie pour le faire libérer et s’exiler ensuite en Angleterre.

Quelle femme cette Lucie ! Je connaissais globalement son histoire pour l’avoir étudiée à la fac lors d’un module sur la Résistance mais là, plongé dans la matière première, les jours s’égrainent et il se forge dans l’esprit du lecteur une image très forte, naturelle, parfois drôle d’une résistante de premier ordre. Il y a évidemment les longs passages où Lucie Aubrac nous décrit les journées de la femme engagée avec ses rendez-vous secrets avec les conciliabules et divers préparatifs, les actions en elles-mêmes, les discussions / débats passionnés qui donnent vie au quotidien de la Résistance dans une langue neuve et simple à la fois. Le livre fourmille de détails qui nous immergent totalement dans cette vie clandestine ô combien exaltante et stressante à la fois où l’on doit constamment être sur ses gardes et se méfier de tout le monde ou presque.

En filigrane, ce journal nous décrit bien la vie au jour le jour de Lucie Aubrac en tant que femme et mère. Ses inquiétudes, ses espoirs, ses peurs sont disséqués et on la suit dans la gestion de la maisonnée avec les restrictions alimentaires, les solidarités qui se mettent en place entre famille, voisins et amis, ses cours en tant que professeur d’Histoire-Géo dans un lycée pour jeunes filles (pas de mixité à l’époque) et ses pensées intimes. Elle a un sacré caractère, se laisse rarement abattre et garde un sens de l’humour parfois mordant. Elle a une énergie peu commune alors qu’elle est toute jeune mère et attend son prochain enfant (dont elle accouchera quelques jours après leur arrivée à Londres). Sans en faire étalage et avec une grande humilité, cette femme a des qualités incroyables qu’elle expose avec simplicité et chaleur.

Bien que centrale, elle n’éclipse par pour autant tous les autres protagonistes du récit avec son Raymond engagé et droit en première ligne pour qui elle ne lâchera jamais rien et pléthore d’hommes et de femmes héros du quotidien, du boulanger en passant par le fermier ou l’enseignant. Empli d‘humanisme, le récit fait la part belle au partage, l’entraide dans une époque vraiment pas évidente, où la France était vraiment en guerre (à réviser par Micron Ier en ces pseudos temps de guerre contre le Coronavirus) et où l’on croise d’infâmes salopards prêts à tout pour grimper les échelons. Les passages avec Klaus Barbie sont particulièrement éprouvants et rendent bien compte de la folie collaborationniste. Le tout est écrit avec finesse et simplicité ce qui explique son étude régulière en collège (encore aujourd’hui).

À noter qu’Ils partiront dans l'ivresse n'est pas vraiment un journal intime, le récit ayant été écrit à posteriori, Lucie Aubrac a délibérément choisi cette forme pour gagner en clarté et en impact. Le pari est complètement réussi des dizaines d’années plus tard, le texte marque toujours autant les esprits et procure un plaisir de lecture intact. Un incontournable.

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