"Pars vite et reviens tard" de Fred Vargas
L’histoire : Ce sont des signes étranges, tracés à la peinture noire sur des portes d'appartements, dans des immeubles situés d'un bout à l'autre de Paris. Une sorte de grand 4 inversé, muni de deux barres sur la branche basse. En dessous, trois lettres : CTL. A première vue, on pourrait croire à l'œuvre d'un tagueur. Le commissaire Adamsberg, lui, y décèle une menace sourde, un relent maléfique. De son côté, Joss Le Guern, le Crieur de la place Edgar-Quinet, se demande qui glisse dans sa boîte à messages d'incompréhensibles annonces accompagnées d'un paiement bien au-dessus du tarif. Un plaisantin ou un cinglé ? Certains textes sont en latin, d'autres semblent copiés dans des ouvrages vieux de plusieurs siècles. Mais tous prédisent le retour d'un fléau venu du fond des âges...
La critique de Mr K : Ça faisait déjà deux ans que je n’avais pas lu Fred Vargas, une auteure que j’aime tout particulièrement et dont je recherche régulièrement les titres qui me manquent dans nos séances de chinage. À part les deux derniers volumes sortis qu’il me reste à trouver, celui-ci est un ancien titre qui m’avait jusque là échappé. Le tort est désormais réparé avec Pars vite et reviens tard que j’ai dégoté par un heureux hasard il y a peu. L’attente avait été longue, je n’ai donc pas attendu longtemps avant de le sortir de ma PAL. À l’instar des précédents opus mettant en avant le commissaire Adamsberg, je l’ai dévoré en un temps record.
Dans ce volume, je reviens en arrière dans la chronologie. En effet, Adamsberg vient d’être nommé à la tête du commissariat où il officie par la suite. Il doit prendre ses marques, à commencer par se rappeler le nom de ses hommes. Bon, il est toujours accompagné de Danglard son second qui ne tourne pour le moment qu’à la bière, il croise pour la première fois les pas d’Estalère et surtout de Violette Rettancourt, une enquêtrice de choc à la langue bien pendue (ma chouchoute). C’est aussi dans ce roman que l’on nous apprend les origines de La Boule, le chat qui par la suite passe son temps à flemmarder sur la photocopieuse des lieux (je suis un inconditionnel). Il y a un côté jubilatoire à retrouver toute cette troupe d’enquêteurs aux caractères bien trempés, très divers mais qui ensemble fonctionnent très bien dans les recherches qu’ils doivent mener. C’est aussi l’époque où Adamsberg et Camille ont encore une relation plus ou moins suivie même si ça finit par se gâter. Le commissaire reste toujours aussi charismatique entre réflexions nébuleuses, petites promenades méditatives et intuitions d’une acuité extraordinaire. Pas de doute, on est bien à la maison !
L’enquête en elle-même commence lentement. Le chiffre 4 peint à la mode ancienne sur des portes, des annonces étranges proclamées en pleine rue et des cadavres qui commencent à s’accumuler et finissent par semer la panique dans tout Paris. On croise d’étranges personnages dans des quartiers populaires qui cachent une Histoire trouble, de celles que les autorités ont étouffées par peur des représailles. L’ombre de la Peste ressurgit dans les esprits car les cadavres ont été noirci au charbon, des puces de rats sont retrouvés sur les lieux des crimes et une menace sourde plane. Comme à son habitude, Vargas prend son temps, détaille ses personnages secondaires, nous donne à voir l’âme à vif de protagonistes à l’apparence simple, basique mais qui au fil du déroulé s’enrichissent et montrent des trajectoires de vie torturées mais toujours crédibles. Impossible de se détacher de son étreinte, de son talent de conteuse emprunt d’amour pour ses personnages et d’un don de la narration somme toute rare.
L’Histoire se mêle donc à la danse étrange que se livrent les personnages avec des révélations fracassantes, des scènes de vie d’une truculence et d’une justesse de tous les instants, un Adamsberg qui a fort à faire avec un assassin retors et une vie personnelle des plus compliquée. L’addiction est immédiate en tout cas, on rentre dans un roman de Vargas comme on s’installe dans un bon fauteuil moelleux, enveloppant. Quel plaisir de lecture, quelle langue exquise à la lecture et au final quel beau moment passé entre ces pages ! Décidément, je ne me lasse pas des aventures d’Adamsberg.
Déjà lus, appréciés et chroniqués du même auteur :
- L'Homme à l'envers
- Sous les vents de Neptune
- Dans les bois éternels
- Un lieu incertain
- L'homme aux cercles bleus
- Coule la Seine
- Sans feu ni lieu
- Ceux qui vont mourir te saluent
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