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Le Capharnaüm Éclairé
13 décembre 2019

"Gare au garou !", anthologie présentée par Barbara Sadoul

L’histoire : Dans la nuit, quelqu'un crie au loup. A-t-il rêvé ? Ou la pleine lune annonce-t-elle le retour d'une créature de légende ? La métamorphose d'un homme, intégrale ou non, consciente ou pas, provoque toujours un sentiment de fascination et d'horreur... Qui sera le garou : un être nouveau, un personnage funeste ou miraculeux ?

 

Huit auteurs (de Pétrone à Brad Strickland) nous présentent leur vision du mythe de l'homme-loup et nous font découvrir ses différentes facettes. Et si Claude Seignolle et Suzy McKee Charnas s'attachent à raconter les confessions de la créature, Robert E. Howard nous plonge dans un univers où transformation rime avec abomination.

 

Mais une question centrale demeure : du bipède ou de l'animal, qui s'avérera le plus enclin à se laisser emporter par ses instincts primitifs ? Car, au final, n'est-il pas plus difficile d'être un homme qu'un loup, comme le suggère Bruce Elliott ?

 

La critique de Mr K : Avis aux amateurs de grandes créatures poilues amatrices de chair fraîche aujourd’hui avec cette anthologie de Barbara Sadoul Gare au garou !. J’avais déjà lu et apprécié trois volumes de nouvelles fantastiques recueillies par ses soins et j’avais apprécié le mix improbable des époques et des styles. On reprend ici la même recette avec nos amis lycanthropes au cœur de tous les textes. De vieux classiques à des visions plus contemporaines, on balaie ici un vaste panorama de focus différents sur cette créature mythique à la fois repoussoir et fascinante. Après une introduction fort instructive sur l’évolution du mythe et la symbolique qu’on peut y déceler, on rentre vite dans le vif du sujet.

 

On commence fort avec un extrait du Satyricon de Petrone où il nous raconte la mésaventure d’un jeune homme accompagnant par mégarde un être hybride. Deux pages seulement composent ce texte qui garde une fraîcheur étonnante vu son âge. Qui a dit que les œuvres du premier siècle avant J.-C. étaient poussiéreuses ? On enchaîne d’ailleurs avec un texte moyenâgeux de Marie de France tiré de ses fameux lais. Dans Bisclavret, elle nous livre un récit chevaleresque typique de l’époque où un homme lycanthrope se fait voler son amour par une traîtresse. Mais la bougresse ne perd rien pour attendre ! Cette nouvelle est terrible, efficace, diablement bien écrite et le final vaut son pesant d’or.

Sur l’autre rive d’Eric Steinbeck est déjà plus récent (mi XIXème siècle) et propose le texte le plus poétique du recueil. Un village se trouve près d’un cours d’eau qui semble séparer le monde en deux. Gare à celui ou celle qui serait tenter de le traverser, attirer par de mystérieuses fleurs au charme vénéneux ! Très beau texte entre onirisme et fantastique pur, on aime se laisser balader par un auteur à la langue gracieuse et au charme intemporel. Un beau coup de cœur ! S’ensuit Le Chien de la mort de Robert E. Howard. L’auteur de Conan de barbare se surpasse en proposant un court texte aussi flippant qu’immersif. Un homme poursuit un fugitif dans une forêt sombre mais le danger ne viendra pas forcément d’où il pense. Ambiance crépusculaire, faux-semblants et coups de théâtre qu’on ne voit pas venir son au RDV. J’ai adoré !

 

Bruce Elliott prend la suite avec Hors de la tanière, un texte terriblement malin où il inverse le phénomène : un loup se réveille dans la peau d‘un humain dans une cage ! Le procédé avait déjà été effectué par Ursula Le Guin par le passé mais ça marche encore. Le texte est très intimiste, on vit littéralement l’expérience à travers les sentiments et perceptions de ce loup totalement désappointé. Le récit bien mené va jusqu’au bout de son concept et l’on ressort vraiment épaté par ce court texte. Le Gâloup de Claude Seignolle n’est pas de la même trempe, j’aime beaucoup l’auteur mais cette chasse au loup-garou m’a semblé pesante et la vingtaine de pages m’a paru bien longue. Je suis un peu déçu étant amateur du monsieur. Mais bon... personne n’est parfait !

 

Malgré un titre des plus rigolos, Nibard de Suzy Mckee Charnas est sans doute la nouvelle la plus réussie du recueil avec cette histoire de jeune fille harcelée pour cause de poitrine prononcée qui va prendre sa revanche car depuis l’apparition de ses règles, elle change d’apparence à chaque pleine lune ! Un récit frais, une héroïne très attachante et des branleurs qu’on aimerait bien punir sévèrement composent un texte âpre, sec et qui claque ne ménageant personne et explorant en profondeur son protagoniste principal. Pour terminer, Brad Strickland avec Et la Lune brille pleine et lumineuse propose un récit SF bien tenu où il nous présente le dernier loup garou dans un monde où la Nature en net recul a laissé la place à l’artificialisation de la Terre par un Homme qui décidément n’a rien compris. Étonnant et déstabilisant, j’ai aimé cette variation peu commune du mythe.

 

On passe donc d’excellents moments avec ces différents textes qui ont tous leur particularité et apportent chacun leur pierre à l’édifice. Le mythe du loup-garou a toujours nourri l’imagination et au-delà de la description d’une créature monstrueuse, aux appétits voraces, on peut y voir de temps à autre un miroir, une introspection sur notre nature profonde et sur la difficulté à être humain tout simplement. Le recueil vaut donc le détour pour tous les amateurs de fantastique et à l’occasion de petits frissons bien sentis. L’hiver se prête bien au jeu je pense, laissez-vous tenter !

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