"La Belle mort" de Mathieu Bablet
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L’histoire : La fin de l'humanité a eu lieu. Les insectes venus de l'espace infini sont maintenant les maîtres de la terre. À quoi bon résister ? Voilà ce que se répètent jour après jour Wayne, Jeremiah et Scham, uniques survivants de l'invasion dévastatrice. Cherchant un but, une destinée justifiant leur futile présence dans un monde en ruine, ils ne se doutent pas qu'ils font partie d'un plan bien plus vaste, quelque chose qui les dépasse complètement et qui implique un autre survivant...
La critique de Mr K : C’est notre séjour aux Utopiales en octobre dernier qui m’a donné envie d’aller farfouiller dans notre bibliothèque BD à la recherche de La Belle mort de Mathieu Bablet, un ouvrage que Nelfe a lu il y a déjà un certain temps et qui d’ailleurs n’en a jamais écrit la chronique (Bouuuuh la vilaine !). Ce jeune dessinateur est l’auteur de l’affiche de l’édition 2019 du festival SF nantais et le personnage est attachant et très doué (superbe expo le concernant cette année). De plus, je ne crache jamais sur de la post-apo surtout si celle-ci est précédée de bonnes critiques. Au final, ce fut une très belle lecture, pas parfaite mais très prenante et surtout très belle.
L’humanité a quasiment disparu suite à la prolifération des insectes et la destruction des villes par des vers géants. Dans ce contexte apocalyptique, l’auteur nous invite à suivre trois survivants qui subsistent comme ils peuvent dans un monde mort et très dangereux. L’essentiel est avant tout de trouver à manger (déjà 5 ans que la catastrophe a eu lieu et les denrées se font de plus en plus rares) et de ne pas tomber malade car sinon c’est la mort assurée. Ces trois gars partagent tout, se soutiennent et s’engueulent, dans une routine devenue désespérante et peut provoquer à l’occasion quelques beaux pétages de plomb.
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Au détour d’une sempiternelle expédition ravitaillement, ils vont tomber sur un autre survivant, une femme de surcroît ! Cela va rebattre les cartes, redessiner les relations entre les trois hommes et créer de nouveaux rapports de force. Cette mystérieuse inconnue l’est-elle vraiment pour tout le monde ? Que cherche-t-elle réellement ? En effet, ce personnage est étrange, tient des propos parfois inquiétants et parle d’un événement à venir qui achèverait ce qui a déjà été accompli... Le récit de survie laisse place alors à quelque chose de plus initiatique où l’on en apprend plus sur le passé de chacun des protagonistes et la trajectoire finale qu’ils vont devoir emprunter de façon plus ou moins choisie car les rouages du destin sont parfois impénétrables...
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On a ici affaire à un bon récit post-apo. Il faut bien avouer qu’au départ, on est dans quelque chose de très balisé. Il n’y a rien de vraiment original tant dans le déroulé des événements et la caractérisation des personnages. Pour autant, le lecteur est pris par la trame très vite et plonge avec délice dans ce monde en pleine déliquescence où les parcelles d’humanité sont de plus en plus rares dans le peu de rapports humains qui subsistent. L’histoire décolle vraiment lors de la fameuse rencontre avec la survivante, le récit prend une ampleur insoupçonnée quasi métaphysique. J’ai adoré cet aspect à la fois mystique et philosophique. Au delà d’une histoire de fin du monde, l’auteur propose une vraie réflexion sur l’humain, sa place et ses aspirations. Alors oui, c’est totalement barré, limite subliminal par moment mais quel pied, quel jusqu’au-boutisme ! On est bien loin de la production lambda qui rabâche les mêmes éléments prémâchés, ici le lecteur est roi mais n’est pas pour autant pris pour un abruti. Bravo !
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Et quel écrin ! La Belle mort est tout bonnement magnifique ? Un seul bémol : le choix opéré au niveau des personnages, très géométriques et manquant parfois d’expressivité ou de clarté dans leurs mouvements. Les décors, les couleurs, l’environnement global est magnifique. Bablet excelle dans l’évocation d’une ville en à l'abandon, détruite. Chaque case, chaque planche fourmille de détails avec un art de la perspective renversant. À l’inverse de certaines BD où l’on parcourt rapidement les pages, on se plaît ici à s’attarder sur chacune des images proposées, à scruter les détails qui en rajoutent en terme de réalisme et nourrissant un imaginaire de toute beauté. On ne sort pas indemne d’une telle expérience et dans son genre, Mathieu Bablet est un des auteurs de BD les plus talentueux de sa génération.
Tout cela donne vraiment envie de poursuivre ma découverte de cet auteur, j’ai déjà repéré deux autres titres qui pourraient me plaire. En attendant ces bons moments de la lecture à venir, je ne peux que vous conseiller de tenter l’aventure à votre tour avec ce récit dynamique, intelligent et remarquablement réalisé. À bon entendeur...