"Pression fatale" de Rita Falk
/image%2F0404534%2F20240512%2Fob_f57ade_pressionfatale.jpg)
L'histoire : Dans le paisible village de Niederkaltenkirchen, le dîner est servi. Là, dans le lit du juge Moratschek, en plein sur ses draps tout blancs, une tête de cochon sanglante, façon Parrain bavarois. Sinistre. Juste après qu’on a signalé l’évasion d’un dangereux prisonnier, à côté de qui les exploits d’Hannibal Lecter ne sont rien. Pour ce psychopathe en cavale, l’heure de la vengeance contre le magistrat qui l’a mis à l’ombre a sonné.
De quoi plonger le commissaire Franz Eberhofer dans une véritable détresse existentielle. Déjà que la belle Susie s’est enfuie en Italie, que le Papa casse les oreilles de tout le monde avec ses chers Beatles, et qu’en cuisine la Mémé leur inflige un Carême plus catholique que le pape... Maintenant, il a un tueur fou à attraper, et un juge fan des Stones à protéger.
La critique de Mr K : J'avais découvert Rita Falk il y a deux ans avec le déjanté Choucroute maudite paru déjà aux Editions Miroboles et que j'avais dévoré - sic -. Entre roman policier et comédie décalée, j'avais été séduit par les personnages complètement branques dont j'avais fait la connaissance et l'écriture tout en verve de l'auteure. Quel bonheur donc de replonger dans cet univers avec Pression fatale qui nous convie aux nouvelles aventures de Franz Eberhofer et des déglingos qui l'entourent. Bienvenue dans un polar rural bien décoiffant à la sauce allemande !
À la base tout commence par l'évasion d'un dangereux psychopathe qui souhaite se venger du juge qui l'a condamné. Franz est chargé de sa protection et de fil en aiguille, la victime potentielle se retrouve hébergée dans la famille Eberhofer où le juge sympathise avec le père du héros, soixante-huitard assumé, amateur de fumette et des Beatles. Mais cette trame n'est en fait qu'un prétexte, le roman s'attardant beaucoup plus sur les mœurs de la famille, les rapports qu'ils entretiennent et les us des habitants de Niederkaltenkirchen. Je peux vous dire que dans le domaine, on en voit des vertes et des pas mûres !
En soi, l'aspect policier de ce roman est plutôt secondaire. Cela ajoute une dose de suspens et de mystère à un texte ouvertement outrancier et drolatique. Pour autant, enquête il y a et même si elle ne réserve pas vraiment de surprises, elle fait son petit effet. On suit les pérégrinations de Franz, de ses amis et de sa famille et au détour d'événements triviaux un indice ou une vérité peut surgir à l'improviste et réorienter l'enquête. Car il faut bien l'avouer, Franz n'est pas du genre courageux, on pourrait le ranger dans la catégorie des grands flemmards qui se contentent du minimum (l'ouvrage commence tout de même avec la nouvelle de sa promotion en tant que commissaire). Mais comme ses supérieurs et tous les personnages peuplant cet ouvrage semblent complètement à côté de leurs pompes, sa lenteur n'a pas de grandes conséquences. Et puis, ça lui laisse tout le temps d'aller boire des coups avec les copains chez Wolfi, déguster les spécialités de son ami boucher et de la Mémé, supporter sa famille de fous, sans oublier ses sorties avec son chien Louis II.
Le plaisir de lire vient donc essentiellement des personnages que l'on côtoie. Le héros désabusé et légèrement cynique a du chien mais ma préférence va sans conteste vers la Mémé. Stakhanoviste de la cuisine au caractère bien trempé, sourde comme un pot, kick-boxeuse accomplie à ses heures perdues (moins dans ce volume par rapport au précédent), chacune de ses apparitions est un bijou de décalage et de drôlerie. Il y a aussi les potes de Franz avec le plombier-chauffagiste coureur de jupon et le charcutier dealer officiel de la table Oberhofer, aux QI respectifs pas très élevés mais à la camaraderie éprouvée. Eux aussi apportent leur pierre à l'édifice et contribuent à l'ambiance de folie douce qui flotte sur l'ouvrage. Il y a aussi la rivalité de Franz avec son frère aîné qui s'exprime notamment via les premiers mots que prononcent la nièce du commissaire et la figure du père qui en prend un coup au passage. Ne pas oublier non plus Susie, la promise du héros qui s'est enfuie avec un bel italien et que Franz n'a jamais oublié. L'amour a donc aussi voix au chapitre entre deux passages rocambolesques et donnera lieu à la fin à un road movie enlevé dans un dernier acte des plus réjouissants.
Le mélange des genres fonctionne à nouveau parfaitement avec une lecture addictive, jubilatoire et complètement déjantée comme je les aime. On ne voit pas le temps passer et il est quasiment impossible de relâcher Pression fatale tant on est pris dans un tourbillon de rire et d'appétence littéraire. Bien écrit, malin dans le développement des situations, tantôt émouvant et drôle, voilà une lecture qui réchauffe le cœur et fait passer un excellent moment. Ce serait vraiment dommage de passer à côté... Quant à moi, j'attends avec impatience les volumes suivants !