"La Fille du capitaine" d'Alexandre Pouchkine
L'histoire : Nous sommes en 1773 : en route pour un fortin perdu au milieu de la steppe, où il doit faire ses premières armes d'officier, Piotr Griniov voit surgir de la tempête de neige un vagabond dans lequel il reconnaîtra bientôt l'usurpateur Pougatchov. Les aventures alors s'enchaînent.
La critique de Mr K : Pourtant grand fan de littérature russe, Alexandre Pouchkine m'avait évité jusque là. C'est au hasard d'une déambulation à notre Emmaüs chéri que je tombai sur le présent ouvrage qui me tendait ses petites pages implorantes. Considéré comme un des premiers grands classiques russes, La Fille du capitaine fait la part belle à l'Histoire, l'aventure et le romanesque. Autant de points qui ne pouvaient que me séduire. Je suis ressorti enchanté de cette lecture.
Âgé de 17 ans, Piotr Andréievitch Griniov est envoyé par son père rejoindre l'armée de l'impératrice russe loin de sa ville natale dans les confins de l'empire au sud de l'Oural. Il est accompagné pour cela par son fidèle serviteur et ensemble ils débutent un voyage difficile. Après quelques péripéties et une rencontre impromptue, les voilà arrivés au fort de Biélogorsk dans la province d'Orenbourg, lieu de son affectation. Il y fera la connaissance de Maria, la fameuse fille du capitaine et très vite de doux sentiments naissent entre les deux jeunes âmes. Mais le destin est capricieux et va continuellement leur jouer des tours sous fond de révolte cosaque ne laissant aucun répit au lecteur durant les 129 pages qui composent ce livre.
Ce qui m'a étonné et aussi plu au final dans cet ouvrage, c'est sa simplicité. Gros lecteur de Tolstoï et Dostoïevski, je m'attendais à quelque chose de très dense, à des descriptions dithyrambiques, caractéristiques langagières que j'affectionne tout particulièrement chez les grands auteurs russes. On est aux antipodes de cela ici avec un texte plutôt léger, avec très peu de caractérisation des personnages et une priorité donnée à l'action et aux péripéties. Il y a presque un aspect "conte" dans ce récit mouvementé, qui enchaîne les rebondissements. Pas le temps de s'ennuyer, l'auteur allant à l'essentiel et prenant un malin plaisir à jouer avec ses personnages comme Nana (notre chat) avec les souris du jardin. Il n'y a donc pas de détours ou de digressions, l'histoire se concentrant sur les aventures hautes en couleur, palpitantes et touchantes de Piotr, jeune homme fougueux un peu niais et emprunté qui va au fil du récit découvrir beaucoup sur lui-même.
Un charme désuet se dégage de cette lecture où l'on a l'impression de voyager dans le temps avec des personnages bien marqués par leur époque. On ne plaisante pas avec l'honneur par exemple et chacun semble mû par des convictions fortes quelque soit le côté de la barrière où l'on se trouve. Tout le monde est aussi perfectible et Pouchkine s'amuse à croquer ses errances fugitives qui ne manquent pas de rajouter du piment à l'ensemble. Bien que caricaturaux pour la plupart (le jeune héros a toute les qualités, le serviteur est vraiment d'une dévotion extrême pour un serf), les personnages restent attachants et donnent un grand intérêt à ce récit enlevé. J'ai tout particulièrement apprécié Pougatchov qui pour le coup est plus nuancé car capable à la fois de grande cruauté mais aussi de clémence. Son évolution est intéressante surtout qu'il s'agit d'un personnage qui a vraiment existé.
Se lisant extrêmement bien avec un plaisir renouvelé, j'ai aimé cette première incursion chez Pouchkine qui à travers une histoire classique dresse en filigrane un portrait de la société russe de l'époque et procure une addiction immédiate. Un bel essai pour un premier contact qui appelle d'autres lectures. Qui sait... Peut-être d'autres ouvrages m'attendent au détour d'un futur chinage ?