"Un Été sans dormir" de Bram Dehouck
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L'histoire : C’est arrivé près de chez vous, un été étouffant, à Windhoek, petit village belge sans histoire...
Jusqu’au jour où la municipalité fait installer des éoliennes. Ce bruit de pales ! Flap, flap, flap. Le boucher en perd le sommeil. Plusieurs nuits d’insomnie et il pique du nez dans sa spécialité, une recette dont les clients raffolent. Dès lors, par un effet domino aussi logique qu’absurde, les catastrophes s’enchaînent, les instincts se libèrent, et les vengeances s’exercent... Pour le pharmacien, les amants cachés, le jeune désœuvré ou la femme du facteur, rien ne sera plus pareil à Windhoek.
La critique de Mr K : Direction le plat pays aujourd'hui avec une chronique consacrée à Un Été sans dormir de Bram Dehouck tout juste sorti aux éditions Mirobole à l'occasion de la rentrée littéraire. Il s'agit d'un polar belge servi bien noir qui m'a totalement emporté, ne me laissant pas d'autre choix que de continuer ma lecture jusqu'à la dernière page tant j'ai été pris par les personnages et l'histoire. Attention, petite bombe littéraire !
Bienvenue dans la charmante localité de Windhoeck, petit village flamand ne dépassant pas la centaine d'habitants et où tout le monde se connaît. La localité vit au rythme des saisons et des habitudes de chacun, il ne s'y passe pas grand chose et d'ailleurs cela contente tout le monde. L'installation d'un parc éolien de production électrique va bouleverser la donne. Certains protagonistes ne supportent pas ce changement qui bouleverse leurs habitudes (le bruit des pâles qui devient obsédant pour le boucher, l'ombre des infrastructures qui dénature le jardin du vétérinaire...) et au fil du texte, on sent que le pétage de plomb n'est pas bien loin. Surtout que l'auteur gratte là où ça fait mal et très vite le vernis des apparences laisse apparaître un tableau bien moins reluisant avec son lot de frustrations, vexations, jalousies et tromperies qui vont mener cette communauté bien sous tous rapports à première vue vers un chaos indescriptible et tétanisant.
Petit ouvrage d'à peine 250 pages, Un Été sans dormir s'avère être une redoutable machine infernale pour tous les personnages. C'est par petites touches, à la manière des pointillistes en leurs temps que l'auteur brode un canevas de plus en plus dense qui fait monter la pression méthodiquement et de manière implacable. Pour cela, Bram Dehouck déroule une galerie de personnages décalés comme par exemple le boucher qui n'arrive plus à dormir et commence à confondre réalité et imagination, une femme qui a raté sa vie et qui se met à espérer ruiner celle de sa plus grande rivale, un homme passionné de jardinage voit son œuvre gâtée par les nouvelles installations et commence à se demander s'il va pouvoir le supporter, une jeune fille timide et diminuée tente de commencer enfin sa vie après avoir subi le joug d'un grand-père fermier despotique, le pharmacien perfectionniste qui peut déraper très vite, l'adolescent boutonneux épris d'une beauté inatteignable et qui a du mal à ne pas céder à certains pulsions et bien d'autres que vous découvrirez lors de votre future lecture. Rajoutez par dessus, un soleil de plomb qui n'aide pas à la sérénité et vous obtenez un climax bien pesant qui n'attend qu'une chose : que les éléments se déchaînent !
Page après page, détail après détail, conversation après conversation, la mayonnaise monte. On sent bien que l'on va droit dans le mur, que l'équilibre précaire va se rompre et que les chevaux vont être lâchés ! La trame se densifie, les êtres se croisent, ne se comprennent pas toujours, psychotent énormément et l'ensemble mène à une construction mentale très élaborée qui ne peut que mener au drame. Le pire, c'est qu'on en redemande malgré un malaise qui s'installe progressivement et sûrement. Personnages malmenés autant que le lecteur, cette lecture marque par son côté banal (les destins décrits n'ont rien d'extraordinaire en soi) mais la concomitance des faits et les hasards qui s'y ajoutent donnent à voir une humanité engoncée dans un certain individualisme et un égocentrisme qui souvent la mène à sa perte. Quand les événements finissent par se précipiter, je peux vous dire qu'on souffre. Un conseil, ne vous attachez pas trop aux personnages car loin de les épargner, l'auteur réserve pour certains d'entre eux un sort peu enviable.
Un Été sans dormir est remarquable aussi dans sa forme. Excellemment construit, possédant un rythme et une force peu commune, il est très accessible et superbement rédigé provoquant une addiction qui devient très vite insurmontable. Langage courant mâtiné parfois d'explosions plus familières, on baigne vraiment dans une ambiance étrange et l'immersion est totale. Se lisant très simplement et avec une joie renouvelée, même si la fin cueille littéralement le lecteur et le laisse à genou, on prend sacrément son pied à découvrir les affres des habitants de Windhoeck. À lire absolument, vous ne le regretterez pas !