"La Terre des morts" de Jean-Christophe Grangé
L'histoire : Quand le commandant Corso est chargé d'enquêter sur une série de meurtres de strip-teaseuses, il pense avoir affaire à une traque criminelle classique.
Il a tort : c'est d'un duel qu'il s'agit. Un combat à mort avec son principal suspect, Philippe Sobieski, peintre, débauché, assassin.
Mais ce duel est bien plus encore : une plongée dans les méandres du porno, du bondage et de la perversité sous toutes ses formes. Un vertige noir dans lequel Corso se perdra lui-même, apprenant à ses dépens qu'un assassin peut en cacher un autre, et que la réalité d'un flic peut totalement basculer, surtout quand il s'agit de la jouissance par le Mal.
La critique Neslfesque : Ah Grangé, mon auteur chouchou en matière de thrillers. Chaque nouvelle parution est une joie pour moi et, tout comme pour Ellory, je me jette dessus sans même lire la 4ème de couverture. Qu'importe l'histoire, il faut que le lise ! Parce que j'aime sa façon d'écrire, efficace et incisive, ses histoires, tordues et jusqu'au-boutistes et que je sais qu'avec ses romans je passerai un bon moment (non rassurez-vous, je suis tout à fait saine d'esprit (enfin, je crois...) !).
"La Terre des morts" ne déroge pas à la règle, même si on notera tout de même quelques bémols qui ne donnent toutefois pas le ton de l'ensemble et seront éclipsés au fil de la lecture. Comme à son habitude, les chapitres sont courts et la fin de chacun donne irrésistiblement envie de poursuivre. Grangé est un excellent faiseur de suspens et les pages défilent en général très vite. Ici, on regrette quelques longueurs mais l'auteur met tout en oeuvre pour raccrocher les wagons quelques pages plus loin.
Avec Grangé, on ne fait pas dans la finesse, ni des situations, des scènes clés, ni des personnages. Pour ces derniers, ici, on tombe dans la caricature mais peu à peu, s'enlisant dans les bas-fonds on s'y accroche comme à une étrange bouée de sauvetage. Découpé en 3 parties, le début de ce roman est un peu convenu pour qui est habitué à lire ce genre de littérature mais la partie "procès" est vraiment très bien menée. C'est d'ailleurs dans cette dernière que le roman trouve à mon sens tout son intérêt.
Une prostituée est retrouvée morte, ligotée et mise en scène en plein Paris. Puis une deuxième... L'enquête tend vers la recherche d'un serial-killer particulièrement tordu semblant apprécier l'oeuvre de Goya. Déformées, affreusement belles et macabres, comme exposées pour survivre au temps, elles rappellent des peintures du maître espagnol. Captivé par le travail de ce dernier, l'auteur des meurtres est à sa manière un artiste, un esthète, sans cesse à la recherche du Beau, jusqu'à la folie.
Dès le début ou presque, Corso tient son coupable. Sobieski, un artiste au passé à l'opposé de celui d'un ange, est passé par la case prison et tient aujourd'hui son succès, au delà de son talent, à la légende qui s'est construite autour de son personnage. Véritable rédemption ou loup déguisé en brebis, Corso a son idée bien tranché sur la question et, plus qu'à une enquête, c'est à un duel que nous avons affaire. Art et fascination morbide se croisent, se côtoient, s'imbriquent. Le coupable nous le tenons dès le début mais le procès de celui-ci et l'arrivée d'un personnage féminin va changer la donne.
En fin d'ouvrage, tout s'accélère. Le lecteur est balancé de tout côté, mettant à mal ses théories et tout s'imbrique avec la révélation finale. Alors oui "La Terre des morts" est glauque, pouvant choquer parfois par les images qu'il suscite et les détails poisseux qu'il contient (hey, après tout, c'est de Grangé dont on parle là !) mais pour qui aime le genre il remplit bien le contrat. On ne fait pas dans la finesse, on ne ménage pas le lecteur, on y va, on fonce tête baissée dans des univers borderline mais c'est ce que l'on cherche en lisant des ouvrages de cet auteur. Plonger dans l'horrible, l'insoutenable et l'inhumain. Mission accomplie.
Déjà lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- "Congo Requiem"
- "Lontano"
- "Kaïken"
- "Le Passager"
- "La Forêt des Mânes"
- "Le Serment des limbes"
- "Miserere"