"Ta putain de vie commence maintenant !" de Louise Pasteau
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Le contenu : T'es où, là ? Dans le bus, dans un train, sur la plage, dans ton lit, sur l'herbe, dans le métro, dans les chiottes ? On s'en fout. Déjà plus de trois secondes pour ouvrir ce bouquin et te mettre à le lire. Presque dix ans maintenant. Tu multiplies par six et ça fera une minute ; par soixante, une heure ; par vingt-quatre, un jour ; par 365, un an ; par 80 et ce sera fini. Game over. Dead. Out.
J'écris pas pour t'emmerder, j'écris pour te faire gagner du TEMPS, donc de l'ARGENT, et du PLAISIR (T.A.P). J'aurais trouvé ça cool qu'on m'écrive une lettre de ce genre. Alors, par principe, à défaut de l'avoir reçue et parce que j'ai mis un paquet de temps pour comprendre tout le bordel dont je vais te parler, je vais la pondre.
La critique de Mr K : Compte-rendu d'une lecture très particulière aujourd’hui car exceptionnellement je ne vais pas vous parler d'un roman. Ta putain de vie commence maintenant ! de Louise Pasteau est une lettre ouverte aux adolescents, une espèce d'essai de développement personnel pour aider nos jeunes pousses à dépasser cet âge que l'on dit souvent ingrat mais qui porte en lui de riches promesses. Jeune professeur au Cours Florent où elle côtoie nombre d'adolescents, elle leur adresse ses conseils sur un ton léger et familier censé réveiller les consciences parfois endormies de nos grands enfants.
On a affaire ici à une œuvre qui dépote, très volontariste et pédagogique à la fois. On sent la professeur qui se cache derrière l'auteure qui utilise un parlé vrai qui fera écho sans aucun doute à un grand nombre d'adolescents. Cette langue familière, très en verve, brasse beaucoup d'idées et de concepts que l'adolescent n'appréhende pas forcément mais qu'il va lui falloir maîtriser pour tout d'abord s'assumer lui-même puis s'intégrer dans le monde suivant le chemin qu'il s'est choisi. Ainsi, il devra d'abord s'accepter et découvrir qu'il est unique, qu'il doit faire donc la part des choses entre les éléments que l'on ne peut modifier et ceux sur lesquels on peut agir. Cette incapacité chronique à faire la différence entre l'essentiel et le négligeable en mine plus d'un et ce nécessaire tri à faire pourra l'amener à se concentrer sur l'essentiel, agir sur sa vie pour la guider là où il le souhaite.
À travers ces multiples développements, l'auteure aborde nombre de sujets qui touchent de près nos enfants terribles : l'apparence et le regard de l'autre, l'acculturation et la culture propre, le corps et l'esprit, l'école et les profs, le sexe, le rapport à l'autorité... Non moralisatrice mais tout de même assez directive, Louise Pasteau appelle à l'action et l'apaisement. Du lâcher-prise, de la réflexion mais aussi parfois de l'effort et de l'abnégation sont nécessaires pour bien mener sa barque. Cela donne de belles pages pleines d'espoir où l'auteure remet au centre de tout l'idée de choix car l'adolescence est un âge de liberté grand ouvert à des êtres pas encore soumis aux devoirs du citoyen et au carcan du monde du travail. Beaucoup l'ignorent et ne profitent pas des opportunités possibles. C'est un peu un réveil des esprits que prône une auteure enflammée par son sujet et qui va très loin parfois dans l'interpellation pour les secouer et créer une réaction saine et constructive.
D'une lecture aisée, cet ouvrage est une incontestable réussite à mes yeux même s'il ne plaira pas à tout le monde, en premier lieu à cause du parti pris d'écriture qui choquera les plus prudes et peut désarçonner par moment par son caractère très oralisant. On est loin du ton docte d'une Dolto avec son cultissime Complexe du homard mais on y trouve nombre d'ingrédients communs : une bienveillance sans borne et un contenu adapté et pédagogique. Je ne suis personnellement pas sûr qu'elle réussira à toucher tous les adolescents (j'ai quelques spécimens bien space dans mes classes) mais elle pourra j'en suis sûr trouver un écho chez bon nombre d'entre eux. Il est d'ailleurs déjà prévu que le CDI de mon établissement en fasse l'acquisition dans les semaines à venir, les élèves trancheront par eux-mêmes. Quand à vous lecteurs du Capharnaüm éclairé, si le sujet vous intéresse, je ne peux que vous conseiller de tenter l'expérience, ça vaut le coup d’œil !