"La Seine est pleine de revolvers" de Jean-Pierre Ferrière
L’histoire : Marion et Fanny sont les meilleures amies du monde. Entre elles, pas de secret ! Leur mariage ? Un désastre confortable. Leurs rêves d’enfants ? Un tombeau de regrets. Et leur mari ? De simples obstacles, dont la disparition précoce ne les chagrinerait pas plus que ça...
Justement, ne devrait-on pas toujours pouvoir compter sur sa meilleure amie ? Aussi bien en cas de coup dur, de chagrin d’amour... que d’assassinat ?
Des brasseries parisiennes au Casino de Cannes, entre les deux femmes va se mettre en place une mécanique meurtrière... capable de changer la plus solide des amitiés en polar renversant. Et quand le rideau tombera, quelles que soient les coupables, une chose est sûre : la Seine sera pleine de revolvers.
La critique de Mr K : Nouvelle réédition réussie chez French Pulp éditions avec La Seine est pleine de revolvers de Jean-Pierre Ferrière, auteur connu, prolifique et apprécié des amateurs de polar qui a officié dans la deuxième partie du XXème siècle. Pour ma part, c’est ma première incursion chez lui et je suis tombé littéralement sous le charme entre intrigue diabolique, style fluide et un suspens terrible maintenu jusqu’au dernier chapitre.
Deux copines de lycée se sont retrouvées au hasard d’un après-midi de soldes. Ce hasard heureux leur rappelle des souvenirs de jeunesse, très vite elles se présentent leurs maris et c’est partie pour la grande amitié. Durant cinq ans, ils passent leur temps ensemble. Week-end et vacances se font à quatre entre sorties culturelles, sport et soirées bien arrangées. Malgré quelques rumeurs salaces, pas un nuage dans cette relation collective fusionnelle. Et puis survient un événement dramatique qui bouleverse l’ordre établi et dans l’esprit des deux femmes l’idée germe de se débarrasser de leurs maris respectifs. Elles fomentent un plan quasiment parfait et passent à l’acte. Comme toujours, c’est un minuscule grain de sable qui va enrayer la mécanique infernale mise en place par l’auteur qui va se faire un plaisir de torturer ses personnages et retourner l’estomac du lecteur qui tombe de Charybde en Scylla.
Très vite, le décor planté, l’action démarre dare-dare. À première vue, rien ne prédestinait Marion, une actrice ratée bourgeoise, et Fanny, une traductrice effacée, à commettre un crime. Mais la jalousie, la culpabilité, l’appât du gain et la vengeance guident leurs pas avec une Marion déchaînée qui s’inspire de ce qu’elle peut croiser dans sa vie de comédienne pour créer le double meurtre parfait. On suit avec étonnement et fascination la mise en place du piège, on n’aimerait pas être à la place de Vincent et Edouard ! La mayonnaise prend très vite avec un auteur qui n’a pas son pareil pour décrire les affres des âmes humaines avec notamment deux beaux portraits de femmes blessées qui vont céder à leurs pulsions criminelles et des enquêteurs doués mais dont l’action est contrée par l’absence de preuves tangibles. Puis, au bout d’un moment, les personnages secondaires prennent une importance autre et renversent la situation établie pour le plus grand plaisir du lecteur.
On passe régulièrement d’un point de vue à un autre ce qui rajoute un soupçon de perversité à l’ensemble : la confection du plan, la consolidation des alibis, l’élaboration de fausses pistes, l’enquête policière qui semble tourner court et puis très vite, des révélations fracassantes qui vont changer la donne. Sous ses allures très classiques, l’histoire réserve bien des méandres tortueux à ses personnages et je dois avouer que Jean-Pierre Ferrière m’a surpris plus d‘une fois. Les événements s’accélérant, on commence à soupçonner un peu tout le monde et l’on se demande bien qui va avoir le dernier mot. Suspens, crime, sexe et introspections déviantes peuplent ce livre qui ne laisse pas une seconde de répit et se dévore en moins de temps qu’il faut pour le dire !
Bien que classique dans sa forme mais non dénué de charme bien au contraire, l’écriture est un bijou de simplicité et procure une évasion immédiate. Malgré quelques scories en terme d’impression (mots doublés et fautes de frappes, une dizaine en tout), le contenu est d‘un bel acabit et l’on passe un excellent moment, prisonnier d’un suspens haletant qui procure un plaisir sadique certain. J’adhère totalement et je ne peux que vous conseiller de tenter l’expérience La Seine est pleine de revolvers si le genre vous plaît.