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Le Capharnaüm Éclairé
8 juillet 2017

"Les Technopères - Intégrale" de Jodorowsky, Janjetov et Beltran

L’histoire : L'histoire d'Albino, créateur de jeu devenu dieu dans une anticipation régie par la violence, le rêve et le commerce.

 

La critique de Mr K : C’est un sacré monument de la BD que je vous convie à découvrir ce soir avec la chronique de l’intégrale des Technopères de Jodorowsky. Merci à l’ami Franck de m’avoir permis de découvrir cette saga SF haute en couleur tant au sens propre qu’au sens figuré. Même si elle n’est pas exempte de défauts, ce fut une vraie claque visuelle et une belle mise en abîme des déviances du monde actuel. Attendez-vous à un voyage hallucinant dans l’espace spatial, cyber et cervical.

 

Fruit non désiré d’un viol atroce, Albino n’a qu’un rêve devenir développeur de jeu virtuel pour changer le monde. Les galaxies sont en effet régies par des castes de privilégiés pour qui le rêve virtuel permet de contrôler les peuples et civilisations par la violence et la rapacité. La quête de ce jeune homme hors du commun sera longue et difficile, chaque étape lui imposera des sacrifices mais l’élèvera encore un peu plus. En parallèle, nous suivons le parcours de sa famille à savoir sa vestale-rebelle de mère assoiffée de vengeance et ses frères et sœurs. Nombreux seront les périls qu’ils affronteront avant le chapitre final.

 

En terme de scénario, on en prend plein la tête comme c’est d’ailleurs l’habitude avec Jodorowsky adepte d’ésotérisme et de spiritualités diverses. Il nous sert ici un plat bien garni, qui perdra sans doute quelques âmes en route, mais totalement pensé pour crédibiliser un univers gigantesque et cohérent. Dieux et esprits côtoient les machines et systèmes artificiels dans un mélange de cyberculture et d’influences plus tribales. C’est plutôt osé mais très intéressant car finalement, on pourrait résumer le conflit principal décrit dans ce volume comme l’éternel conflit entre les anciens et les modernes sauf qu’ici les réactionnaires sont plus les tenants de la technologie à tout va qui emprisonne les êtres plutôt qu'elle les libère. Prônant un retour au bio (dans son sens premier, la vie) Albino va devoir feinter, faire croire à son anoblissement technologique pour mieux ensuite conduire un nouvelle exode pour recréer le monde.

 

1

 

Ce côté volontiers biblique (un peu too much parfois il faut bien l’avouer) est contrecarré par une histoire virevoltante à souhait. Certes le schéma narratif se répète concernant le héros qui à chaque étape a tendance à douter, puis trouver une solution et enfin vaincre une espèce d’adversaire terrifiant (style boss de fin de niveau ou chevalier d’or pour les amateurs des Chevaliers du Zodiaque) et la répétition peut lasser certains (j’ai lu quelques chroniques peu amènes sur le sujet avant d’écrire la mienne) mais au final, derrière ce parcours plutôt balisé et sans surprise se cache un véritable rite initiatique, une découverte de soi qui se fait progressivement et sous différents angles. J’ai aimé cette transformation menant à une révélation cruciale pour le destin de l’humanité. Le tout alterne séances mystiques avec passages d’action bien hard boiled, ça saigne, ça interpelle et l’amateur de récits bien speed est lui aussi convaincu par des scènes dantesques et complètement délirantes (la planète des guerrières, les comètes folles, la planète arbre amatrice de chair humaine...). Les symboles sont forts, les analogies nombreuses et on se plaît à essayer de comprendre les références énoncées ou seulement évoquées. Il y a un côté ludique certain dans cette lecture.

 

3

 

La critique est acerbe, et l’on reconnaît volontiers dans les maux décrits dans cet ouvrage ceux qui émergent dans nos sociétés occidentales. L’individualisme forcené, l’attrait du virtuel qui nous fait parfois passer à côté de l’essentiel, la course au profit au détriment de l’humain et l’avilissement qui attend les peuples soumis à une dictature. C’est grandiloquent et extrême dans cette BD mais tout a un début et le mécanisme de fonctionnement du pouvoir autoritaire est très bien expliqué à travers les différentes phases de découverte du héros : le contrôle des âmes, du portefeuille, de l’opinion et même des rêves fait que l’homme ne possède plus aucun libre arbitre ni sens commun. Cela donne lieu ici à des images abominables et des perspectives bien funestes pour qui aime s’exercer à l’anticipation à partir des derniers développements de l’Histoire. Pas rassurant mais toujours enrichissant.

 

4

 

Et puis, c’est sacrément beau et bien écrit. On en prend plein les mirettes et même si ici la couleur a été numérisée, franchement le résultat flatte mon sens de l’esthétique et la poésie est loin d’être absente entre deux cases choc. Certaines planches sont de véritables tableaux et illustre à merveille un univers foisonnant et dépaysant. Clairement, je placerai cette intégrale en haut de mon étagère en compagnie de mes Druillet, Caza et Moébius. En terme de SF ça vaut son pesant d’or. Alors certes, la fin m’a un peu laissé sur ma faim, le dernier volume (le huitième dans l’édition originelle) est plus plat, limite décevant mais quelle épopée et que de rebondissements entre temps ! Tout amateur de SF se doit d'avoir lu Les Technopères au moins une fois dans sa vie mais ceci n’est que mon modeste avis...

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Commentaires
G
Jodorowsky est une de mes récentes découvertes et quelle découverte!! J'adore! J'ai déjà lu les trois premiers tomes de La caste des Meta-barons et le premier de Les Technopères et je me lance bientôt dans le restant des tomes.
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