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Le Capharnaüm Éclairé
19 septembre 2015

"Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil" de Haruki Murakami

L'histoire: A douze ans, Hajime rencontre Shimamoto-San, sa petite voisine. Avec elle, il découvre la musique, les sourires complices, les premiers frissons sensuels ... Et puis celle-ci déménage, laissant à son ami le goût amer de l'abandon. Lorsque, trente ans plus tard, elle réapparaît, Hajime, rongé par le désir et la nostalgie, est envoûté par cette femme énigmatique, reflet de ses rêves perdus. Mais sous les traits délicats du visage de Shimamoto-San se cachent la souffrance, la folie et la destruction.

 

La critique de Mr K: Quoi de mieux qu'un petit Murakami en cette fin de période estivale à la météo changeante? Pas grand-chose je vous dirai tant j'aime cet auteur, son univers et son écriture si particulière. J'avais dégoté celui-ci lors d'une razzia mémorable à notre cher Emmaüs et le responsable du rayon livre me l'avait offert tant la couverture était bien abîmée. Et dire que j'ai failli remettre Au sud de la frontière, à louest du soleil en rayon! Quitte à me répéter, j'ai pris une grande et belle claque. Suivez le guide!

 

Hajime est enfant unique. C'est un solitaire qui aime plus que tout lire et écouter de la musique. A douze ans, il rencontre Shimamoto-San avec qui il se lie d'amitié. Ce lien est fort et bien qu'ils soient encore trop jeunes pour comprendre ce qu'implique le sentiment amoureux, ils sentent que quelque chose de spécial est né entre eux. La vie les sépare quand la jeune fille doit déménager, le temps et la distance les éloignent à priori définitivement. Hajime grandit, fait ses études, expérimente l'amour, trouve la femme qu'il va épouser et à qui il va faire deux enfants et mène une vie professionnelle d'abord monotone dans une maison d'édition de manuels scolaires puis exaltante quand il peut ouvrir un club de jazz grâce à son beau-père. Sa vie lui convient même si elle n'est pas extraordinaire. Un jour, Shimamoto-San re-débarque dans sa vie et remet en cause tout l'équilibre qu'il s'est évertué à bâtir. Certitudes et habitudes sont bouleversées pour un avenir incertain…

 

La structure de ce roman est plus classique qu'à son habitude quand on pratique régulièrement Haruki Murakami. Écrit à la première personne pour une complète immersion du lecteur dans son histoire, Hajime nous raconte tout dans les moindres détails. Depuis sa naissance, à ses parents et tous ses états d'âmes successifs, sa vie est décortiquée à travers le prisme de son esprit déductif et quasi obsessionnel sur son état mental. Le personnage est complexe et tour à tour m'a touché et agacé. Cela le rend profondément humain par son côté perfectible. J'ai apprécié ce héros ambivalent et j'ai partagé son intimisme entre attirance et une légère gêne parfois. Quand on aime être bousculé, on est ici servi. De sa condition d'enfant unique (fait rare lors de ses premières années), ses premiers émois de pré-ado, la découverte de la souffrance que l'on peut infliger à l'autre sans le vouloir, la révélation amoureuse, la solitude dans la détresse, les joies de la paternité… autant d'aspects de la condition humaine qui prennent ici un caractère universel dans la langue inégalable de cet auteur.

 

Autant nous en savons bien long sur Hajime, autant Shimamoto-San fait planer autour d'elle un mystère grandissant. Je vous l'annonce de suite, certains éléments de réponse sont à déduire voir imaginer tant Murakami se plaît à envelopper son personnage féminin phare d'une aura nébuleuse et troublante. La jeune-fille a grandi et même si elle garde un charme incroyable, elle cache mystérieusement ses conditions d'existence et ses expériences passées. Cette redécouverte de l'autre, la rencontre de ses deux enfants qui se sont aimés très fort donnent lieu à des passages absolument divins, lourds de sous-entendus. Je pense ici notamment à la scène se déroulant près du fleuve quand les deux amis s'en vont effectuer une tâche douloureuse pour Shimamoto. C'est un moment clef de l'intrigue où l'on sent que le destin des deux personnages va basculer.

 

Bien que réaliste dans son traitement (l'histoire en elle-même est plutôt classique), on retrouve l'onirisme et le style si étonnant de Murakami. Images stylistiques nouvelles, rythme haché et évocations naturalistes à la japonaise contribuent à un climat cotonneux et déroutant complété par la mentalité et les actes propres à la culture de ce pays. L'intensité des sentiments est très forte malgré la pudeur et le retrait dont font souvent preuve les nippons dans leur vie de tous les jours. Le mélange est détonnant, l'alchimie fonctionne à plein régime et je n'ai pu relâcher cet ouvrage tant l'addiction fut totale. Un très bon roman qui me paraît d'ailleurs idéal pour découvrir un auteur qui décidément ne m'a jamais déçu. Vous savez ce qu'il vous reste à faire!

 

Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
"1Q84 : Livre I, Avril-Juin"
"1Q84 : Livre II, Juillet - Septembre"
"1Q84 : Livre III, Octobre - Décembre"
"Kafka sur le rivage"
"La Ballade de l'impossible"
"Sommeil"
"La Course au mouton sauvage"
- "L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage"

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Commentaires
B
J'ai absolument adoré ce roman. C'est une très belle histoire magnifiquement racontée. Il faudra que j'en lise d'autres de lui, c'est sûr...
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E
Je n'ai jamais lu Murakami mais une autre blogueuse (Juliette) dit que celui-ci était son préféré et je comprends pourquoi ! je regarderais cette fois-ci à deux fois en allant à Emmaüs ou en trocante !
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F
C'était mon premier Murakami et ce fut une entrée dans son univers absolument délicieuse... J'ai adoré lire ton billet et me resouvenir de cette ambiance... Merki !
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M
Le seul que j'ai réussi à lire de Murakami mais j'en garde un excellent souvenir, une histoire magnifique (^-^)
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