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Le Capharnaüm Éclairé
12 juin 2015

"Le Pauvre nouveau est arrivé !" de Thierry Jonquet

L'histoire : Jésus ! Jésus ! Un chanoine touille de sa canne une tambouille au fumet odorant... Traîne-savates et autres miséreux, gamelles à la main, à la queue leu leu... Jésus ! Jésus ! Allez les gars, Y a du rabiot !

 

Un jour, parmi eux, Etienne Chabot de Vaudricourt de la Muzardière-Huzart, aristocrate déchu, renvoyé au rang des loqueteux. Une malédiction ancestrale ! Il est naïf, Etienne, jusqu'au fond de sa misère...

 

Jusqu'au moment où... dans les nuits froides de Paris, une lame bien aiguisée égorge les vagabonds... Une commande de saint Pierre ? Un désastre médiatique pour le Rassemblement ? Conjuration du sort pour Vaudricourt ! Chantage, couardise et fourberie... Chacun y va de sa recette pour accommoder la soupe populaire et en tirer le meilleur prix !

 

La critique de Mr K : Thierry Jonquet s'invite une fois de plus chez nous aujourd'hui avec cette longue nouvelle publiée chez Librio: Le Pauvre nouveau est arrivé ! Le titre annonce la couleur, ce récit s'avère corrosif à souhait et provocateur par les thèmes abordés. Accrochez-vous, ça va secouer !

 

Tout commence par la descente aux enfers d’Étienne, dernier représentant d'une famille de nobliaux français maudite entre toutes. Depuis des siècles, ils collectionnent faillites, trahisons et exécutions capitales. Pas étonnant donc que le dernier rejeton, cadre supérieur dans une société de fabrication de fleurs factices fasse les frais d'un remaniement économique. Une promesse fallacieuse le projette au ban de la société, dans la rue, où il va se retrouver confronter à la pauvreté extrême, au regard inquisiteur de la masse travailleuse, à un chanoine littéralement possédé et à un tueur en série spécialisé dans le SDF !

 

Une fois de plus, Jonquet nous offre une vision bien sombre de notre société. On explore ainsi les arcanes d'une grande société et les mécanismes en marche lors d'un plan social ou d'une restructuration de service (on ne recule devant rien et aucune parole en l'air pour se débarrasser des gens considérés alors comme des poids morts). C'est l'occasion pour le lecteur de se rappeler que pour certains rien n'est jamais acquis et que l'on peut très vite se retrouver dans la précarité extrême. Il y a certes un peu d'exagération dans l'histoire d'Étienne mais on ne peut s'empêcher d'y trouver un écho réaliste à la triste époque que nous vivons (le livre quant à lui a été écrit en 1990).

 

Une fois déchu, le "pauvre" homme se retrouve immergé dans le monde interlope des SDF où le froid et la faim sont au centre de tout. C'est aussi la violence, la peur et une nouvelle menace. Qui est ce mystérieux tueur qui s'en prend systématiquement aux vagabonds des rues de Paris ? La réponse est assez surprenante et provocatrice, personnellement j'ai adoré ce retournement de situation bien barré et typique de cet écrivain hors norme. Et puis, il y a ce constat amer que nous dresse Jonquet, le spectacle de la misère qui incite le non-pauvre à trimer pour gagner sa pitance, une personne que l'on plaint mais que l'on n'aide vraiment jamais, qui attire les caméras quand un chanoine se met dans la tête de les nourrir et de les sauver avec l'aide d'un parti politique réactionnaire émergent (ça ne vous rappelle rien ?). Vous l'avez compris tout le monde en prend pour son grade, l'humanité ne ressort encore une fois pas grandie de ce récit incisif et sans concession.

 

Inutile de vous dire que l'ensemble se lit en deux petites heures avec pour moi une jubilation de tous les moments face à cette langue pleine de verve, les jeux de mots insolites et les phrases enlevées si caractéristiques de cet auteur. La provocation est ici sauvage mais toujours guidée par le message sous-jacent inhérent à l’œuvre de Jonquet, l'homme est une belle saloperie mais si l'on gratte bien, on peut aussi lui trouver des moments de grâce. Un petit bonheur de lecture que je vous invite à découvrir au plus vite si le cœur vous en dit.

 

Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
Mygale
La vie de ma mère !
La bête et la belle
Mémoire en cage
- Moloch

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