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Le Capharnaüm Éclairé
30 mai 2015

"La Loi du marché" de Stéphane Brizé

loi du marché affiche

L'histoire : À 51 ans, après 20 mois de chômage, Thierry commence un nouveau travail qui le met bientôt face à un dilemme moral. Pour garder son emploi, peut-il tout accepter ?

La critique Nelfesque : Comme vous le savez, je suis une grande fan du Festival de Cannes. Tous les ans, je suis avec beaucoup d'intérêt cette période 100% dédiée au cinéma. Montées des marches, photocall, conférences de presse : rien n'a de secret pour moi. "La Loi du marché" est un long métrage qui a fait beaucoup parler de lui dès les premiers jours du festival et très vite j'ai eu envie de le découvrir en salle.

Comment parler de "La Loi du marché" sans parler de Vincent Lindon ? Vincent Lindon fait partie de mes acteurs chouchous dans le cinéma français. J'aime aussi beaucoup l'homme et j'ai été très émue à l'annonce de son Prix d'Interprétation Masculine. Je ne doutais pas que cette distinction était méritée mais après avoir vu le film de Stéphane Brizé, je ne peux qu'applaudir des 2 mains et faire une ovation de plus de 9 minutes comme lors de la projection à Cannes. Quelle maîtrise ! Quel acteur !

loi du marché

"La Loi du marché" sans Vincent Lindon ne serait pas ce qu'il est. Tout en intériorité, avec une humilité et une pudeur incroyable, il interprète le rôle de Thierry, un quinquagénaire à la poursuite de sa dignité. Beaucoup de critiques ont mis l'accent sur sa période de chômage. Ceci n'est qu'une partie du film et ce n'est pas au final ce que je retiendrai. Il s'agit plus ici du parcours d'un homme qui dans des moments difficiles de sa vie veut garder la tête haute.

Nous suivons donc Thierry dans sa recherche d'emploi, au quotidien, dans ses combats pour que son fils poursuive ses études, dans ses RDV chez Pôle Emploi et à la banque... Puis dans ses premiers pas de vigiles de supermarché et dans les directives qu'on lui donne. A chaque minute, chaque étape, la pression est palpable. Le spectateur souffre avec cet homme et personnellement, j'ai souvent détourné le regard pendant le visionnage tant certains passages sont durs.

loi du marché 2

Sans jamais tomber dans le pathos (sauf peut être avec un élément du film que Mr K évoquera plus bas), Stéphane Brizé nous donne à voir le quotidien d'un homme d'aujourd'hui. Dans ses peines, dans ses joies simples, dans ses combats de tous les jours. Une belle leçon de vie, un focus sur le quotidien de milliers de personnes avec pudeur et respect. Les autres acteurs (d'un jour ou professionnels) sont aussi très justes. Le réalisateur ayant pris le parti de centrer son film et ses caméras sur Vincent Lindon, ces derniers passent au second plan mais restent tout de même indispensables. Vincent Lindon quant à lui crève l'écran.

"La Loi du marché" restera dans les mémoires comme un témoin de notre époque et je conseille vivement à tout le monde de le voir (particulièrement à ceux qui seraient enclin à critiquer les chômeurs en les traitant d'assistés). En espérant que ce long métrage ouvre certains esprits étroits et redonne à tous la foi en l'être humain... Bravo Vincent Lindon et merci Stéphane Brizé !

festival-de-cannes-2015-vincent-lindon-680x453

La critique de Mr K : 5/6. C'est le lendemain même de la remise des Palmes que nous sommes allés voir La Loi du marché dans notre cinéma préféré. La séance était prévue depuis le mercredi précédent, jour où nous zieutons bien attentivement les programmes des cinémas de la région pour préparer nos plans sortie. Ce fut une belle expérience entre performance d'acteur et thématique sociale maîtrisée et réaliste.

La première partie du film nous montre la lente descente aux enfers de Thierry et de sa famille. Il a perdu son boulot et il vogue de stages inutiles à des entretiens d'embauche ratés. Le monde du travail est rude et il en est le parfait exemple. Peu à peu, le couple rogne dans ses économies et doit faire des choix drastiques surtout que leur fils handicapé doit poursuivre ses études dans un IUT avec l'accompagnement que l'on imagine. Dur dur donc tant le parcours de Thierry ressemble à celui d'un boxer qui encaisse coup après coup sans réel espoir de se relever. La caméra est très proche de ses personnages, rien n'échappe donc au spectateur de ce quotidien sombre et monotone. Et puis, il décroche un travail avec un contrat à la clef. Thierry devient vigile dans un supermarché dont la mission principale est de traquer les voleurs et fraudeurs dans les clients et dans le personnel lui-même. Des dilemmes moraux vont s'imposer à lui, il devra choisir entre sa source de revenu et ses idéaux.

loi du marché 1

On a beaucoup parlé de la performance de Vincent Lindon, de sa Palme et de sa réaction suite à la remise de son prix et rien n'est usurpé. Le jeu est d'un naturel confondant, l'émotion palpable mais sans pathos et le relief du personnage de Thierry incroyable. L'acteur s'efface devant la banalité du personnage tout en crédibilité et en humanité. Un regard, un plissement de lèvre, un geste, une intention et c'est notre cœur qui chavire. Il porte littéralement le film et l'emporte vers des cimes insoupçonnées au détour de scènes pourtant quotidiennes, banales: un cours de danse, un repas de famille, une discussion entre anciens collègues, un entretien avec la banquière… C'est un monsieur tout-le-monde qui se débat dans une vie âpre avec une dignité inouïe. C'est d'ailleurs ce mot qui pour moi représente le mieux Thierry. Les autres acteurs ne sont pas en reste (y compris les non professionnels) renvoyant la balle à merveille au premier rôle et solidifiant ainsi l'ossature de l'ensemble.

loi du marché 4

La technique est plutôt quelconque et au départ, je me suis dit qu'il n'y avait pas forcément grand intérêt à aller au cinéma voir ce métrage filmé caméra à l'épaule par moment et collée aux protagonistes. Et puis, les scènes s’enchaînant, s'imbriquant les unes aux autres, se répondant, on comprend la construction fort intelligente du film. Certains plans prennent alors de l'ampleur notamment les scènes où le héros est confronté à la réalité de sa nouvelle place. Lindon est alors systématiquement filmé de dos, le spectateur se transformant en voyeur que la gène assaille et se transforme en questionnement moral. Peut-on tout accepter? Jusqu'où peut-on aller à l'encontre de notre morale? On ressort profondément chamboulé par cette petite histoire à la dimension universelle et aux implications quasi métaphysiques tant elle questionne nos existences et notre façon de voir les choses.

loi du marché 3

J'émettrai un petit bémol (d'où le 5/6) quant au personnage du fils handicapé que j'ai trouvé par ailleurs touchant et bien caractérisé (là encore pas de pathos). Je trouve que ça faisait un peu too much, que l'on lorgnait presque sur le misérabilisme façon Zola (Dieu sait que j'adore cet auteur!). Le réalisateur charge un peu la barque du couple ce qui pour le coup fait perdre un peu de finesse à l'ensemble qui reste tout de même de très très haut niveau.

Ce film est donc une grande et belle réussite entre drame social et humanité avec un grand H. A voir absolument avec pour les plus sensibles une boites de mouchoir pour esponger les éventuelles émanations lacrymales.

Le petit plus Nelfesque : Une fois n'est pas coutume et parce qu'au Capharnaüm éclairé on est plus que ravi de cette Palme (j'en ai encore la chair de poule), je veux laisser ici une trace de ce grand moment :

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Commentaires
S
Il a l'air vraiment intéressant ! J'ai failli aller le voir hier avec une copine mais on a eu peur qu'il soit trop déprimant pour un samedi soir...
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