"Les Banksters" de Marc Roche
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L'histoire: "Je suis un libéral qui a toujours admiré le monde financier et ses opérateurs. Je n'aurais pas, sinon, choisi de couvrir pour Le Monde depuis vingt-cinq ans l'univers de Wall Street et de la City.
Mais depuis la crise, je suis un libéral qui doute, un déçu du capitalisme, un angoissé de l'avenir. J'ai cherché à comprendre les racines profondes de cette transformation personnelle. Ce carnet de route sans complaisance est à la fois un voyage intérieur et une enquête sur un monde très fermé, celui des banksters, dominé par l'opacité et... l'impunité.
Car tout a changé le 15 septembre 2008."
La critique de Mr K: Chronique un peu particulière aujourd'hui avec un essai économique mâtiné de souvenirs personnels : "Les Banksters" de Marc Roche. Je suis plutôt du genre à m'évader en lecture au travers de romans mais cet opus m'a attiré par son côté vécu qui promettait de montrer une vision différente de l'économie et plus particulièrement des tenants et aboutissants de la crise que nous traversons actuellement. Relativement court (229 pages), il promettait d'être concis et surtout abordable de part la profession de son auteur. L'idée de me retrouver confronté à un livre dogmatique et théorique me faisant horreur, j'ai été très vite rassuré...
Le livre est divisé en deux grandes parties aux titres évocateurs au possible, jugez plutôt: Aveuglements et Résistances. Chacune d'entre elles est divisée en une dizaine de chapitres qui explorent un domaine particulier de la grande finance ou des souvenirs personnels liés à elle. Ainsi, l'auteur débute par son aveuglement à ne pas voir les symptômes d'une crise profonde caractérisée par le sentiment d'impunité qui meut beaucoup de financiers et autres traders. Il fait alors des focus sur les "familles" se partageant les royalties et autres parts de marché notamment les dettes des pays qui sont des marchés forts juteux qu'il faut entretenir (cela donne lieu à des pages des plus effrayantes). Il est aussi question de certains médias complaisants faisant eux-même partie du système et se révélant de puissants soutiens (voir le passage sur la campagne eurosceptique du Financial Times). Tout une série de dysfonctionnements et de mutations de l'esprit capitalistes sont ainsi décryptés et mis à plat par l'auteur.
Très vite, Marc Roche pointe aussi les limites de cette fuite en avant qui a des conséquence catastrophiques dans ces sphères que l'on pense épargnées. Souvent, les traders sont mis au pilori alors qu'en fait ils ne font qu'obéir aux ordres et directives de leurs patrons en bisbille avec les États et autres organisations internationales. Véritables fusibles, ce sont des arbres qui cachent la forêt, des boucs émissaires tout trouvés qui permettent de concentrer les projecteurs sur eux plutôt que sur les vrais coupables protégés dans l'ombre. Pour autant, l'auteur ne crie pas au complot, c'est plus la dénonciation d'une dérive du capitaliste auquel il a cru et continue de croire. D'ailleurs, il termine son essai en proposant dix commandements, dix principes qui pourraient selon lui écarter le spectre d'une nouvelle crise financière (en moyenne, il y en a une tous les huit ans).
Malgré un sujet des plus complexes et pas forcément des plus attirants, j'ai dévoré ce livre. Tout d'abord, j'ai apprécié son accessibilité. Pas besoin d'aller faire des recherches sur le net pour comprendre tel élément de lexique financier, l'auteur limite leur utilisation aux plus importants et fait en sorte que son propos soit intelligible par le plus grand nombre. L'effort est louable et salutaire tant on peut entendre un certain nombre d'énormité dans les médias. Ce qu'il y a aussi de très intéressant dans son approche, c'est que nous ne sommes pas face à une dénonciation caricaturale et dogmatique (on est loin de Mélenchon) ou une éloge du capitalisme (Le Tsar Cosy peut aller se rhabiller!). Certes l'auteur est capitaliste mais il est dépassé par son évolution qui n'a plus grand chose à voir avec ses convictions de jeunesse et le contenu de son livre est pour cela éclairant. Le libéralisme est devenu liberticide, un comble quand on connaît les racines de ce courant de pensée!
La lecture de ce volume fut donc un plaisir de pédagogie et d'éclairage. Il n'y a pas de grosses révélations, beaucoup des choses que vous y lirez sont connues mais l'avantage de cet ouvrage est de toutes les résumer et les rassembler en un seul ouvrage. Un bel exercice de style que je vous conseille grandement si le sujet vous intéresse!