"Mémoire en cage" de Thierry Jonquet
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L'histoire : Qui ? Pourquoi ? Comment ?
Voilà les trois questions que se posait le commissaire Gabelou. Trois questions pour trois cadavres. Comment en était-on arrivé là ? La fatalité, l'injustice et la vengeance...
Cynthia a beau être prisonnière de son fauteuil roulant et de son corps souffrant, elle n'est peut-être pas si débile qu'il y paraît. Sa vie est fichue alors il ne lui reste plus qu'à réussir la mort de l'ordure qui a tout gâché. Mais comment ?
La critique de Mr K : Voilà un auteur que j'aime tout particulièrement et qui a réussi à chacune de mes lectures à me surprendre et me tenir en haleine. Quand j'ai vu le présent livre dans un bac de chez l'abbé, je n'ai pu résister à la tentation et je l'ai immédiatement adopté. Il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour me plonger dans cette lecture pleine d'espoir et de promesses !
Comme d'habitude avec Jonquet, on est directement plongé dans une histoire par bien des aspects désespérante et sordide. Nous nous retrouvons dans les pensées les plus intimes de Cynthia, une jeune handicapée réduite quasiment à l'état de légume. Elle voue une haine sans borne pour le docteur Mourier qui vient régulièrement consulter au sein de l'institut spécialisé dans laquelle elle végète. Cette hargne contenue par la force des choses nous bouscule dans nos retranchements intérieurs et dès les dix premières pages, on nage en plein roman noir où l'on sait qu'on ne sera pas épargné et dont on ne ressortira pas indemne. Chapitre après chapitre, le procédé du point de vue interne se répète nous plongeant dans des moments de pur voyeurisme malsain. Le lecteur est ainsi placé tour à tour dans la tête du docteur et des autres personnages gravitant autour d'un trio mu par des forces peu recommandables. L'enquête policière est bien présente mais la vérité réside dans ces parcelles de vie exposées qui vont au final livrer une vérité crue et marquante.
On est immédiatement happé par le jeu de piste machiavélique de l'auteur car comme il est de coutume chez lui, les personnages sont soignés à l'extrême, leur âme trifouillée au scalpel, pour finalement en ressortir une explication à la fois clinique et trouble. Attendez-vous à du lourd, du très lourd même, avec cette histoire mêlant drame intime et agissements nauséeux, où les certitudes ne durent que quelques pages pour être mieux remises en cause par les révélations successives. L'auteur se plait à nous balader, les apparences sont trompeuses et les personnages entretiennent à merveille leur face sombre et bien souvent inavouable. Bien malin sera celui qui dénouera les fils d'une intrigue dense, où les faux-semblants sont nombreux. Le commissaire Gabelou aura bien des difficultés pour cerner les tenants et les aboutissants d'un drame sanglant amené par des raisons tortueuses.
On retrouve ici toutes les qualités de l'auteur. La langue est simple, directe comme un uppercut sec. Des mondes antagonistes se rencontrent, celui feutré et cultivé de l'univers de la médecine et le registre plus vulgaire et direct de la jeune fille. Le choc est violent et l'auteur le retranscrit avec justesse et vérité. C'est éprouvant, parfois transcendant tant l'empathie fonctionne et l'acte final est un coup derrière la nuque dont on ressort quelque peu groggy mais heureux. C'est ce côté plaisir pervers que l'on retrouve à chaque lecture de ce type. Que de maestria ici déployée! Que de surprises et de changements d'orientation! Autant de bonheur de retrouver un auteur décidément à part.
Ce fut donc une lecture d'une rare intensité et d'un plaisir extatique que je vous propose d'entreprendre à votre tour. Je la prescrits même de toute urgence aux grands amateurs du genre qui seraient passés à côté ou qui ont laissé jusqu'ici ce merveilleux opus dans leur PAL.
Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Mygale
- La vie de ma mère !
- La bête et la belle