"Her" de Spike Jonze
L'histoire: Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l'acquisition d'un programme informatique ultramoderne, capable de s'adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de 'Samantha', une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux…
La critique Nelfesque: Nous avions remarqué ce film bien avant sa sortie. "Her" ayant reçu l'Oscar du Meilleur Scénario cette année, c'est avec encore plus d'impatience que nous nous sommes dirigés mardi soir vers la salle de cinéma.
J'ai été complètement happée par le scénario et la bande annonce de ce film. Je savais que j'allais voir un film à part, le genre de film ovni qui vous fait encore plus aimer le cinéma. J'avais également lu et entendu à la radio d'excellentes chroniques sur lui et vous savez ce que l'on dit, quand on a trop d'attente, plus dure est la chute.
Alors comment fut la chute dans mon cas? Douce, extrêmement douce! Je n'ai pas du tout été déçue et je suis ressortie de la salle après 2 heures, complètement sonnée. Sonnée par l'ambiance, par la puissance du message porté par ce film et surtout sonnée visuellement.
Visuellement, parlons en en premier lieu, "Her" est un bijou. Téléportez moi dans l'époque du film et niveau déco je serai au nirvana! Les décors sont superbes, entre technologies que nous ne connaissons pas encore ou seulement les prémices et un côté vintage épuré très scandinave dans l'esprit. Une sorte de rétro-futurisme qui prendrait sa source dans les années 2000 et serait influencé par l'architecture, le design et la mode des années 50/60. Un petit côté Mad Men des années 2050 en quelque sorte. On est ici bien loin de ce qu'on peut voir d'ordinaire dans les films SF, visuellement très colorés et denses. Rien ne vient agresser le spectateur qui se retrouve bercé lui aussi par la voix de Scarlett Johansson. Les couleurs sont douces et chaudes, l'ambiance est apaisante et sereine... Un paradis de futur? Pas tout à fait car le prix à payer est grand.
Ce qui ressort de "Her" c'est une profonde solitude. Les hommes n'ont que très peu de contact les uns avec les autres. Ils ne semblent pas en souffrir mais dans chaque plan j'ai senti une blessure latente. Ils se croisent sans cesse sans se voir, n'apportent que très peu de considération à ses semblables (ils n'écrivent même plus leurs propres lettres d'amour). Lorsque Theodore commence à éprouver des sentiments pour Samantha, lorsqu'il prend conscience qu'il en tombe amoureux, on ne peut s'empêcher de penser que Samantha n'est pas une femme "comme les autres". Cet amour naissant est voué à l'échec, Samantha n'étant qu'un OS. OK ce n'est pas un programme quelconque, il évolue avec le temps et ses "expériences" mais comment faire sa vie avec un programme?
Certains peuvent considérer que l'amour est une sorte d'aliénation. Ici, elle prend tout son sens même si paradoxalement cet amour va aider Theodore à se reconstruire, à refaire surface et à ouvrir son coeur.
J'ai aimé ce film mais j'en suis sortie assez déprimée, voyant du pathétique là où d'autres verraient de la tendresse. J'ai été touché par le personnage de Theodore, si ancré dans son époque, malheureux et seul, ayant des amis mais ne trouvant un semblant de réconfort que dans des univers artificiels, la technologie moderne en premier plan... Une dérive vers laquelle notre civilisation va tout droit... Scarlett Johansson quant à elle crève l'écran par sa voix. Sans être présente physiquement, elle est partout, sa voix emplissant chaque seconde de solitude.
En résumé, "Her" est un très beau film que je vous conseille vivement de voir. Joaquim Phoenix est époustouflant et nous fait vivre avec lui la moindre des émotions de son personnage. Des émotions qui nous font nous interroger sur nos vies, nos peurs et nos souffrances. Préparez les mouchoirs pour la fin (et pas forcément pour les raisons que l'on pourrait attendre...)
La critique de Mr K: 6/6. On peut dire que celui-là, je l'attendais au tournant, surtout depuis que j'avais vu la bande annonce il y a déjà deux mois. Je n'ai pas été déçu, en même temps la surprise n'est pas grande tant le réalisateur fait partie de mes chouchous depuis ses clips pour ma Björk adorée et l'inclassable et génial Dans la peau de John Malkovitch. Ici, il nous livre un film superbe se partageant entre SF, love story et réflexion plus générale sur l'homme. Attention, le voyage est éprouvant et assez sombre, teinté tout de même parfois par quelques touches de beauté décalée et quelques traits d'humour.
L'histoire se déroule dans un futur qu'on imagine proche. La technologie a évolué mais pas tant que ça, en témoigne une scène avec un taxi qui ne vole pas et fonctionne encore au carburant fossile! La nouveauté se fait essentiellement à travers l'interface informatique/humains que l'on retrouve dans pratiquement tous les aspects de la vie quotidienne. L'Intelligence Artificielle (IA) a fait son apparition et tout le monde communique avec oreillettes et autres vidéophones portables (impossible de décrire autrement l'objet fétiche de Joaquim Phenix). Cela donne une vision du futur plutôt flippante car tous les êtres humains croisés semblent voués à une solitude technologique, ils se croisent mais semblent ne pas se voir, ne pas se parler. C'est avant tout un film sur l'isolement et la douleur qui l'accompagne que nous livre le cinéaste. Cela donne lieu à de magnifiques scènes entre langueur du personnage, musique quasi relaxante et des décors épurés rétro-futuristes (on se croirait dans les sixties, voir la mode des pantalons portés très haut et les motifs des vêtements qui font très vintage!).
Puis c'est la rencontre ou du moins la mise en service d'une OS (IA) par Théodore le héros qui est en instance de divorce et qui n'arrive pas à surmonter sa douleur. Il ne voit plus personne à part un couple d'ami et se renferme dans une routine se partageant entre son travail d'écrivain public (il écrit les lettres intimes de ses commanditaires) et des soirées jeux vidéos dans son salon (mention spéciale à l'alien très "South Park" avec qui il a une petite altercation). L'OS paramétrée et activée, cette dernière qui s'est donnée le nom de Samantha "parce que ça sonne bien" exerce une fascination sans borne sur un Théodore au bord du gouffre. Puis peu à peu, par petites touches, ses sentiments changent envers Samantha et vice et versa. Un amour nait (ou du moins semble naître) et Théodore semble aller mieux... C'est alors une période d'euphorie qui s'ouvre à lui comme souvent dans une histoire d'amour en éclosion. Vous imaginez bien que ce n'est pas aussi simple que cela et que vous n'êtes pas au bout de vos peines... je vous le confirme! A vous d'aller voir le film pour découvrir ce que nous réserve le métrage dans sa deuxième partie.
Tous les acteurs sont parfaits au premier rang desquels on retrouve un Joaquim Phoenix en pleine état de grâce. Décidément, il peut tout jouer et il livre ici une prestation vraiment extraordinaire, tout en finesse et sensibilité. Un regard, une esquisse de sourire à la commissure des lèvres et l'on rit ou l'on fond en larme (pour ma part deux fois pendant ce métrage!). Le personnage prend corps devant nos yeux et on y croit. Mais pourquoi n'a-t-il pas eu l'Oscar d'interprétation? Ils auraient du me demander mon avis! Plus étonnante et par là même bouleversante, est la prestation de Scarlett Johansson que vous ne verrez à aucun moment mais dont vous entendrez la voix. Nous avons eu la chance de pouvoir voir le film en VOST et franchement ça valait le coup. Je ne pensais pas possible de pouvoir ressentir autant de chose à travers une simple voix. Un travail gigantesque a du être fait par l'actrice pour gérer les respirations, les inflexions, le rythme de sa voix. Le résultat est remarquable et rend cette IA à la fois crédible, émouvante et parfois inquiétante. Les seconds couteaux du film sont au diapason avec mention spécial à Rooney Mara et Amy Smart.
On retrouve tout le talent de Sponze une caméra à la main. Peut-être moins virevoltant que sur ces vieilles œuvres, on retrouve son goût étrange dans les décors, les non-dits du scénario qui ne ménagent pas le spectateur. Tout est à l'avenant avec une bande originale vraiment en adéquation parfaite avec les images, une photo, une lumière et des plans à couper le souffle. Tout est ici beauté, épure, calme et réflexion. Il y en a dans ce film. Très souvent, un malaise s'installe car la relation qui se noue ici est artificielle et contre-nature. Pour autant, à aucun moment le plaisir ne m'a quitté durant la projection. Une douce mélancolie m'a envahi, m'a transporté. C'est un peu chamboulé et ému que l'on quitte un film comme cela. La thématique et les réflexions qu'il provoque vous trotteront un certain temps dans la tête et ce n'est que tant mieux!
Une belle œuvre à découvrir au plus vite et au cinéma pour ne rien perdre de son esthétique et de sa profondeur.