"Probablement" de Vincent Delerm
L'histoire: "Foire Saint-Romain. Quais de la Seine à Rouen. Une après-midi de novembre.
Certains stands déjà ouverts, d'autres pas encore. Allées désertes.
C'est le moment pour repenser à toutes les foires Saint-Romain traversées, au fil des ans.
Le moment pour imaginer ce qu'est la vie de ces hommes et femmes, perpétuellement, obligatoirement, entourés de ce décor de fête triste.
Un bon endroit pour se dire " probablement ".
Comme un prétexte pour quelqu'un qui aime autant imaginer la vie des autres, la deviner, que la "savoir".
Pour quelqu'un qui préfère le probable au certain."
V.D.
La critique Nelfesque: Vincent Delerm est quelqu'un que j'aime beaucoup, quelqu'un que je suis depuis ses débuts et avec lequel j'ai un rapport affectif très particulier. Pas mal de choses dans ma vie découle de ce lien, de cette découverte et de toute une époque que j'ai vécu grâce à lui. Musicalement, on aime ou pas. Vous l'aurez compris, je fais partie de la première catégorie. J'aime ses mots, ses mélodies, son univers, son talent musical... Je ne suis pas là aujourd'hui pour vous parler de ses albums ou ses concerts mais pour sa série photographique "Probablement" que Seuil a édité fin 2011 et que j'ai dans ma bibliothèque depuis pas mal de temps.
Vincent Delerm est un touche à tout. Musique, théâtre, arts visuels, photographie... Lors de sa dernière expo au 104 à Paris, il a été présenté comme un artiste plasticien et là j'ai commencé à tiquer. Je connais ses photos, j'en apprécie certaines mais je ne comprends pas vraiment comment il peut être exposé là où tant d'autres photographes de talent galèrent à trouver des galeries. Il a un certain oeil, un univers propre que l'on retrouve également dans ses photos mais pour beaucoup une grande facilité à surfer sur ce qui fait "la patte Delerm". Ca me fait mal de le dire mais il y a pas mal de foutage de gueule dans tout ça.
Le recueil de photographies qu'est "Probablement" est agrémenté de petites phrases très delermiennes venant apporter une autre dimension au visuel auquel il est associé, chaque affirmation commençant par ce même adverbe. Des photos très moyennes se retrouvent alors avoir un certain charme au regard de la pensée de Vincent.
Avouez quand même que photographier 4 chaises en plastique empilées est à la portée d'un enfant de 4 ans... En revanche, "Probablement à la fin de sa vie il aura consacré davantage de temps à empiler les chaises qu'à aborder des sujets de fond avec sa mère." amène une dimension nostalgique et cruelle à cette image. C'est cette dimension là que j'aime chez Vincent, dans ses chansons, dans ses spectacles. Sa capacité d'émouvoir en quelques mots...
Je me retrouve alors mitigée sur certains clichés et phrases associées. Je trouve cela beau et touchant mis en parallèle (et encore pas toujours) mais les photos prises séparément... M'enfin... A la base, ce sont 4 pauvres chaises en plastique sur fond de bitume!
Et cela continue tout le long du recueil.
Je ne suis pas Doisneau ou Cartier Bresson, je n'ai pas la prétention de faire des photos impressionnantes de justesse et d'émotion mais pour connaître un peu le domaine et en faire depuis quelques années maintenant, il y a quelques règles à respecter pour faire une belle photographie. Ou bien il faut être très doué pour s'en affranchir. Là, comment dire... Où est la composition? C'est quoi ce caddie bord cadre? Ce manège en fond coupé n'importe comment? Aucune recherche graphique, aucune recherche esthétique, juste la possibilité de faire éditer ses photos parce qu'on s'appelle Delerm. J'ai été en colère plus qu'autre chose bien trop souvent ici. Ici, "Probablement ils ne se sont aperçus de rien au Mutant." Mouais... Si tu le dis!
Reste une ambiance pesante, brumeuse, déprimante et un traitement dans les tons froids qui confèrent à l'ensemble de sa série une cohérence. Comme un moment saisi dans un autre temps, une autre époque. Un temps gris, des flaques d'eau, peu de personnages, un constat photographique froid et implacable. Une fête foraine qui ne donne pas franchement envie de s'amuser.
J'ai longtemps hésité à faire ce billet tant, comme je l'ai dit en début d'article, j'aime l'artiste musicien et showman. J'ai tellement été déçue par ces quelques clichés et par son exposition médiatique pour la sortie de son dernier album faisant de lui un semi dieu capable de tout faire avec talent que j'ai eu tout de même envie d'écrire ici ces quelques lignes. Oui, il sait tout faire. Oui, c'est un semi dieu (héhé). Mais tout faire avec talent je ne suis pas tout à fait d'accord... Mais voilà, il s'appelle Delerm...
J'arrête de râler et poste une des rares photos qui m'a plu dans ce ramassis d'objets photographiques non identifiés:
J'en resterai dorénavant aux albums de Vincent qui là par contre n'ont pas fini de me charmer. Je vous parlerai peut être un de ces jours de son dernier, "Les Amants parallèles". Etrangement, dans ses clips où il associent ses photos à sa musique, ça passe mieux. On ne pourra pas me taxer de fan inconditionnelle. Je ne vous conseille pas ce livre-ci, vous l'aurez compris.