"Sommeil" d'Haruki Murakami
L'histoire : Une plongée obsédante dans les dix-sept nuits sans sommeil d'une femme...
La critique de Mr K : Petite pause Murakami aujourd'hui avec cette nouvelle parue chez 10-18, accompagnée d'illustrations de Kat Menschik. À travers 95 pages de haute volée, le maitre nous offre un portrait intimiste d'une femme insomniaque perdue entre vie réelle et un univers fantasmé. Cela donne à lire des descriptions de rêves alternées avec les heures routinières de la vie quotidienne. Jamais le lecteur ne saura le nom de l'héroïne ni celui des membres de sa famille. Par ce procédé astucieux, Murakami renforce le côté universaliste de cette histoire à la fois étrange et évocatrice tant elle peut faire écho à des expériences ou des périodes que le commun des mortels a pu éprouver.
On retrouve tout le talent de Murakami à travers ce texte court, premier du genre que je lis de lui. Dans un style qui n'appartient qu'à lui, il arrive à nous transporter dans les strates les plus profondes de l'esprit humain. Les visions chimériques et les hallucinations prennent corps devant nous pour mieux nous éclairer sur cette mystérieuse femme. Le personnage de l'héroïne est remarquablement traité par un auteur orfèvre en matière de caractérisation. La catharsis fonctionne à plein régime et la langueur qui envahit la personnage principale transpire littéralement de l'ouvrage pour s'insinuer chez le lecteur scotché qui ne peut détourner le regard des pages qu'il compulse, hypnotisé par un Murakami une fois de plus au sommet de sa forme.
Malgré des passages oniriques décrivant les délires subconscients de la jeune femme, ce livre s'ancre davantage dans la réalité, un peu à la manière de La ballade de l'impossible. Pas de fantaisie à la Boris Vian ou d'éléments surnaturels dans ce court texte. L'âme humaine est ici mise à nue, livrée au lecteur. Une douce mélancolie m'a prise du début à la fin et l'on ne peut que se prendre d'affection pour cette insomniaque qui ne comprend pas vraiment ce qui lui arrive et qui cherche à s'en sortir. D'une douceur cotonneuse, le récit se fait parfois plus âpre et sous-entend des tensions existant dans la cellule familiale. La fin tient toutes ses promesses, à la fois ouverte et fermée tant l'héroïne semble quitter un cycle pour retourner dans un autre.
D'une lecture rapide (une petite soirée suffit), cette nouvelle merveilleusement illustrée est un petit bijou de plaisir simple qui évoque aussi dans certains passages des questions cruciales concernant la nature humaine et les aspirations de notre espèce. Décidément, il est fort ce Murakami ! Ce serait vraiment dommage de passer à côté !
Livres du même auteur déjà chroniqués :
- "Livre I, Avril-Juin"
- "Livre II, Juillet - Septembre"
- "Livre III, Octobre - Décembre"
- "Kafka sur le rivage"
- "Ballade de l'impossible"