"Les petits pains de la pleine lune" de Gu Byeong-mo
L'histoire: Comme dans toute bonne boulangerie-pâtisserie, il y en a pour tous les goûts dans ce petit livre : du mystère, des choses graves, de l'humour (noir), de la tendresse (cachée).
Le héros est un jeune garçon coréen, sa mère s'est suicidée quand il était enfant et sa belle-mère le harcèle moralement. Un jour, il s'enfuit de chez lui et trouve refuge dans une pâtisserie, lui qui n'était pourtant pas fan de gâteaux !
Là il fera la connaissance d'une fille pas comme les autres, Oiseau-Bleu, et d'un pâtissier un peu sorcier.
Car dans cette boutique vraiment banale en apparence, on confectionne des gâteaux aux pouvoirs étonnants, qui sont vendus sur Internet. Mais attention ! N'oubliez pas que la magie peut toujours se retourner contre vous.
La critique de Mr K: La lecture de ce livre est un pur hasard. Nous déambulions Nelfe et moi dans un magasin discount quand je tombai sur un bac remplis de livres brochés de chez Picquier qui est réputé pour la traduction et l'édition de livres asiatiques (Corée, Japon, Inde, Pakistan essentiellement). J'ai bien accroché à la quatrième de couverture et ne lisant pas beaucoup de littérature jeunesse (tant de livres à lire et si peu de temps!), j'y vis un signe et me portai acquéreur du présent titre pour un prix modique.
Un jeune coréen marqué durement par l'existence va trouver refuge dans un magasin pas comme les autres. Tout est résumé en ces quelques mots mais n'allez pas croire que vous vous trouvez devant un conte pour enfants classique. D'ailleurs, je m'étonne encore d'avoir lu au dos de l'ouvrage, "niveau de lecture collège" tant certains passages sont d'une dureté et crudité estomaquantes pour un adulte. Certainement, les différences culturelles y sont pour quelque chose, peut-être parle-t-on plus librement de certaines choses aux enfants par là-bas... Ainsi, lors des flashback qui parsèment les 200 pages de ce livre, des sujets très graves sont abordés comme le suicide, la pédophilie et la violence domestique. Loin d'être seulement évoqués, l'auteure a décidé de les traiter frontalement. Le choix est osé, le résultat est formidable d'intelligence et d'ingéniosité malgré des propos rudes et des passages éprouvants. J'ai adoré détester la belle-mère qui s'apparente aux marâtres classiques de Cendrillon ou Blanche Neige, j'ai vomi l'attitude détestable du père à la fois absent et responsable du mal être de son fils. D'une manière générale, les adultes qui entourent le héros sont soit lâches, soit cyniques, soit profondément mauvais (mention spéciale aux professeurs du collège).
Tout est contrebalancé par l'irruption du merveilleux qui prend ici la forme d'un pâtissier et de son employée. Que se cache-t-il derrière ces étranges produits vendus sur internet? Hébergé pendant un temps dans la boutique, il va pouvoir se reconstruire intérieurement et grâce à la gestion du site web de la pâtisserie, il va comprendre un peu mieux la nature humaine. En effet, quoi de mieux pour connaître nos penchants secrets que la vente de filtres d'amour, de poupées vaudous et autres sorts-pâtissiers. Cela donne lieu à de merveilleuses pages de littérature pour enfants qui m'ont irrémédiablement fait penser au Roal Dahn de Charlie et la chocolaterie. Le personnage de Oiseau-bleu est une merveille de tendresse et de douceur que vient contrebalancer le personnage de bourru au grand cœur du pâtissier. Bien évidemment, ces deux là savent ce qui arrive au héros et vont l'aider à affronter sa vie.
Très bien écrit, le langage est ici mis au service de deux causes pourtant radicalement opposées: le réalisme et le merveilleux. L'auteure réussit sur les deux tableaux et nous offre un portrait d'une beauté et d'une mélancolie rare avec ce jeune coréen bègue et esseulé. On est pas loin de verser sa larme par moment même si certains passages plus fantastiques nous arrachent par moment un sourire. Une lecture atypique que je vous conseille vivement malgré les passages parfois cruels qu'elle contient.