"Rebecca" de Daphné Du Maurier
L'histoire: Dès les premières heures à Manderley, somptueuse demeure de l'ouest de l'Angleterre, le souvenir de celle qu'elle a remplacée s'impose à la jeune femme que vient d'épouser Maxim de Winter. Rebecca, morte noyée, continue d'exercer sur tous une influence à la limite du morbide. La nouvelle madame de Winter, timide, effacée, inexpérimentée, se débat de son mieux contre l'angoisse qui l'envahit, mais la lutte contre le fantôme de Rebecca est par trop inégale.
La critique de Mr K: Une fois de plus, c'est chez l'abbé que je suis tombé sur ce livre. Considéré comme un classique par de nombreux lecteurs et lectrices, je sautais le pas en l'acquérant et il y a peu en le lisant. C'était le début d'une plongée enivrante dans le domaine de Manderley où je faisais la connaissance de personnages bien mystérieux au centre d'une histoire nébuleuse à souhait.
Le livre commence par la rencontre et le début d'idylle entre Maxime de Winter, riche aristocrate anglais veuf et de la jeune narratrice. Tout commence comme un conte de fée et très vite ils célèbrent leur union dans la plus stricte intimité et partent pour l'Italie pour leur voyage de noce. L'histoire débute vraiment quand ils rentrent à Manderley, la maison familiale des De Winter. Une menace plane sur la frêle épouse, Rebecca l'ancienne maîtresse de maison bien que morte dans de mystérieuses circonstances semble encore là. Son aura et sa personnalité ont tellement marqué les lieux que la jeune nouvelle épouse de Maxime De Winter étouffe et ne peut s'imposer de part sa nature effacée et humble (peut-être trop diront certains). C'est le début d'un étrange récit mêlant à la fois la description de la vie quotidienne de la nouvelle Madame De Winter et une enquête pour lever le voile sur les circonstances de la noyade de Rebecca.
J'avais vu, il y a déjà quelques années, l'adaptation brillante qu'en a tiré Hitchcock même si à l'époque je n'avais pas lu le roman originel. Je connaissais donc le twist final de ce roman avant de le lire mais malgré cela, j'ai adoré cette lecture qui me marquera pour longtemps. L'écriture de Daphné Du Maurier est une merveille de finesse, de raffinement et de douceur. Pas une lourdeur, mais une langue qui fond dans la bouche comme un excellent chocolat de Noël, les lignes et les phrases s'enchaînent avec délice pour le lecteur qui tombe immédiatement sous le charme de la vieille demeure de famille, ce manoir fleuri à outrance au bord de la mer qui a connu bien des événements durant son existence. Manderley est un personnage à lui tout seul et on en explore le moindre recoin au fil des rebondissements de ce récit dense. L'auteur nous présente des personnages ciselés à merveille au premier rang d'entre eux, l'épouvantable Miss Danvers (la domestique en chef de Manderley) qui ne s'est jamais remise de la disparition de son ancienne maîtresse. Avec elle, on oscille toujours entre interrogation et répulsion, ceci jusqu'à la toute fin du roman. Le personnage de Maxime est lui aussi fort intriguant et là encore, c'est à la toute fin de l'ouvrage que nous pouvons saisir sa psychologie dans son intégralité. L'héroïne quant à elle navigue à vue et comme elle peut dans cet univers qui lui est étranger et qui semble la rejeter. On suit ses états d'âme et sa lente descente aux enfers (aaah la scène du bal masqué est terrible!). N'oublions pas évidemment Rebecca sur la personnalité de laquelle le voile se lève peu à peu et qui continue à vivre à travers le regard et les actes des habitants de Manderley (jamais un fantôme n'aura été aussi vivant!).
J'ai pris littéralement mon pied avec cette lecture. Daphné Du Maurier n'a pas son pareil pour décrire l'humain dans toute sa complexité et maîtrise son histoire du début à la fin. Cette dernière m'a littéralement cueilli comme lors du visionnage de son adaptation précédemment citée et il en restera longtemps quelque chose dans ma mémoire. Un petit bémol cependant, la fin est trop abrupte à mon goût et j'aurais sans doute prolongé le plaisir sur une vingtaine de pages en plus pour clôturer le récit plus définitivement. Mais je ne vais pas bouder mon plaisir et je ne peux que vous inciter très très fortement à lire cette oeuvre à nulle autre pareille qui vous enchantera par la forme et vous fera frémir (un peu seulement je vous rassure) sur le fond. Un must de plus à mon actif.