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Le Capharnaüm Éclairé
27 novembre 2012

"Globalia" de Jean-Christophe Rufin

globalia L'histoire: La démocratie dans Globalia est universelle et parfaite, tous les citoyens ont droit au "minimum prospérité" à vie, la liberté d'expression est totale, et la température idéale. Les Globaliens jouissent d'un éternel présent et d'une jeunesse éternelle. Évitez cependant d'en sortir car les non-zones pullulent de terroristes et de mafieux. Évitez aussi d'être, comme Baïkal, atteint d'une funeste "pathologie de la liberté", vous deviendriez vite l'ennemi public numéro un pour servir les objectifs d'une oligarchie vieillissante dont l'une des devises est : "Un bon ennemi est la clef d'une société équilibrée".

 

La critique de Mr K: Cela faisait un petit bout de temps que ce livre me faisait de l'oeil dans ma PAL avant notre déménagement. Le temps a passé, j'ai du me sevrer de lecture pendant un mois à cause des travaux importants que nous devions réaliser et je me suis dit qu'un Rufin serait parfait pour reprendre une des activités que je préfère. Grand bien m'en a pris tant cette incursion dans l'anticipation de cet auteur plutôt spécialiste des romans d'aventures est réussie, inquiétante et prenante.

 

Globalia nous transporte sur Terre dans un futur possible où la démocratie est absolue, tellement d'ailleurs que le lecteur se rend vite compte qu'elle s'apparente davantage à du fascisme car sous le vernis de la liberté totale d'expression des manipulateurs œuvrent. Au centre de cet univers carcéral-libéral émergent dès les premiers chapitres trois personnages clefs qui n'arrivent plus à vivre dans cette société. Baïkal jeune homme rebelle à qui on a refusé de poursuivre ses étude en Histoire (le passé est à bannir, seul le présent compte) tente à tout prix de rejoindre les non-zones, les espaces de la planètes non couvertes par les bulles protectrices de Globalia, espaces sauvages et inconnus qui fascinent notre héros autant que sa copine Kate qui ne rêve elle que de s'échapper pour rejoindre son bel amant. Ils ont à leurs trousses les autorités de Globalia qui vont tout faire pour se servir d'eux pour consolider leur cause. Là-dessus vient se rajouter le personnage de Puig, journaliste viré pour avoir découvert le pot-aux-roses dans une affaire d'attentat terroriste monté de toute pièce par les autorités. Ces trois là sont faits pour se rencontrer, ça tombe bien... c'est ce qu'il va se passer!

 

Pour un retour à la lecture, il s'est avéré payant et distrayant à souhait. La SF est un genre que j'affectionne tout particulièrement et je dois avouer que même si cet auteur ne m'a jamais déçu, j'appréhendais cette incursion dans un genre qu'il n'avait jamais approché auparavant. Dieu m'en garde, Rufin assure autant que dans le romanesque. Bien sûr, en filigrane, il y a cette histoire d'amour remarquablement maîtrisée par l'auteur et son goût pour la description pleine de vie de ces personnages et des lieux qu'ils parcourent. Ce qu'il y a ici de profondément nouveau est sa capacité à nous transporter vers un ailleurs futuriste à la fois réaliste (ce n'est pas antinomique) et propice à l'évasion. On y croit et on est plongé dans un ensemble parfaitement pensé et emboîté. Résultat des courses, les pages se tournent toutes seules et petit à petit notre vision de Globalia s'enrichit pour nous donner une vision d'ensemble riche et très préoccupante. Le background épouse la trame et donne un grand roman d'anticipation mais aussi d'amour et de solidarité.

 

J'ai aussi beaucoup apprécié le personnage de Ron Altman qui se révèle être un personnage complexe et creusé à l'extrême. Plus qu'un simple "méchant", il est le double maléfique de Baïkal, son doppelganger à la fois créatif et destructif. A la manière de la Shiva hindouiste, il crée un univers et même des personnes (voir le contrat qu'il propose au héros) mais peut, quelques temps après détruire ou se détourner de ses créations. La nuance est donc de mise du début à la fin tant au niveau des personnages que de la société globalienne dans sa description et son fonctionnement. Cela laisse amplement le temps au lecteur de douter, de s'interroger, de prendre position, de retourner sa veste, de re-retourner sa veste... Bref, on a face à soi un livre à la fois réflectif et purement récréatif.

 

Je vais me répéter mais il faut lire Jean Christophe Rufin, le gouter, le déguster et le digérer. Il n'a pas son pareil pour littéralement transporter dans son univers le lecteur, le déraciner mais aussi l'interroger sur le monde actuel. Une belle œuvre d'anticipation que je conseille vivement à tous.

 

Lus, appréciés et chroniqués du même auteur:
- Rouge Brésil
- La Salamandre
- Le parfum d'Adam

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Commentaires
T
l'intrigue et les personnages ne m'ont pas hyper convaincue mais l'univers dystopique dépeint (pour une fois assez précisément) mérite le détour!
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E
Je ne connais absolument pas cet auteur mais tu me donnes envie d'y remédier.
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T
j'ai adoré de Ruffin Rouge Brésil, L'abyssin et Sauvez Hispahan, j'ai beaucoup moins aimé Le parfum d'Adam que j'ai trouvé assez banal et vite oubliable même si ça reste une lecture agréable. Globalia est dans ma PAL aussi faudrait que je le lise, mais en ce moment j'en lis un autre Ruffin, Sept histoires qui reviennent de loin, un recueil de nouvelles.
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M
@Cachou: C'est vrai qu'il y a beaucoup de référence et comme la langue de Rufin fait mouche... :)
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C
J'avais beaucoup aimé ce resucé bien pensé de "1984" VS "Brave New World".
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M
@SBM: Eh ben! Deux avis bien divergents. Ne lisant pas la presse spécialisée et ne suivant pas les émissions littéraires, je serai bien incapable de connaître les intentions du sieur Rufin. Je te rejoins sur le fait qu'il n'invente rien mais certains passages m'ont fait penser à du Guy Debord notamment sur l'excès de démocratie et la tyrannie du produit sur l'individu. Mais bon... heureusement que tout le monde ne peut pas être d'accord. :)
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S
Pour moi, c'est un des plus mauvais livres que j'ai lus dans ma vie, ou peut-être le plus mauvais. Au début, je rigolais parce que je pensais que c'était une parodie (tous les clichés y sont). Mais pas du tout : Jean-Christophe Rufin pense réinventer l'eau chaude avec "Globalia" et ce serait drôle s'il ne se prenait tant au sérieux...
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