"L'homme aux cercles bleus" de Fred Vargas
L'histoire: "Victor, mauvais sort, que fais-tu dehors?" depuis quatre mois, cette phrase accompagne des cercles bleus qui surgissent la nuit, tracés à la craie sur les trottoirs de Paris. Au centre de ces cercles, prisonniers, un débris, un déchet, un objet perdu: trombone, bougie, pince à épiler, patte de pigeon...
Le phénomène fait les délices des journalistes et de quelques psychiatres qui théorisent: un maniaque, un joueur.
Le commissaire Adamsberg, lui, ne rit pas. Ces cercles et leur contenu hétéroclite sont de mauvais augure. Il le sait, il le sent: bientôt, de l'anodin saugrenu on passera au tragique.
La critique de Mr K: Retour aujourd'hui dans l'univers si particulier de Fred Vargas avec cet ouvrage qui est le premier où apparaît le commissaire Adamsberg, figure tutélaire de l'oeuvre de cette écrivain qui n'a pas son pareil pour planter un décor et distiller une ambiance. Dans cette première enquête, l'accent est mis sur la figure de ce policier pas comme les autres, sur son second Danglard et sur les rapports qui vont s'instaurer entre eux deux. Finalement l'enquête passe au second plan donc si vous cherchez une histoire haletante, passez votre tour... L'intérêt ici est tout autre.
Pour autant, l'enquête est là. Elle est loin d'être inintéressante, on se demande bien qui a cette idée saugrenue de tracer des cercles à la craie bleue pour cerner des objets et des débris sans importance. On pense tout d'abord à un artiste amateur de happening ou avide de faire le buzz comme on dit désormais. Mais voilà, le sang finit par couler et on se doute qu'un esprit dérangé se cache derrière cet individu à la manie étrange. La révélation est réussie même si le cheminement de la réflexion d'Adamsberg est ici tortueux et elliptique. Clairement, Vargas s'intéressait à autre chose qu'à ces cadavres égorgés...
L'intérêt principal de l'auteur se porte sur ses personnages comme d'ailleurs dans l'ensemble de son oeuvre. Comme ce volume est plutôt court (220 pages), il a fallu qu'elle fasse des choix et au centre de ceux ci on retrouve Adamsberg. Première apparition pour lui, comme je le disais plus haut, on le retrouve toujours aussi brumeux et perché, semant la confusion dans l'esprit de ses subordonnés, en premier lieu dans la tête de Danglard son fidèle lieutenant amateur forcené de vin blanc et de savoir livresque. On retrouve cette étrange alchimie qui fera la gloire de ce duo atypique dont les liens sont aussi étroits que difficiles à cerner: attirance / répulsion, admiration / consternation... Toujours est-il qu'on ne s'ennuie jamais en leur compagnie et qu'il est difficile de lâcher le livre avant sa dernière page. Rajoutez à cela un bel aveugle ronchon, une chercheuse en faune sous-marine retorse et une ex-fantôme d'Adamsberg (la fameuse Camille) et vous avez une bien belle galerie de personnages hauts en couleur.
J'ai donc passé un excellent moment en compagnie de ces êtres de papier, pas de réelle originalité dans l'histoire mais toujours le même talent de conteuse pour Vargas avec son écriture si particulière entre simplicité et humour fin. On sourit donc, on s'interroge, on cherche avec les héros... bref, on est immergé, le piège se referme sur le pauvre lecteur qui ne peut que constater impuissant son addiction! Que demander de plus?
Déjà lus, appréciés et chroniqués du même auteur:
- L'Homme à l'envers
- Sous les vents de Neptune
- Dans les bois éternels
- Un lieu incertain