"1Q84, Livre I, Avril-Juin" d'Haruki Murakami
L'histoire: Le passé – tel qu'il était peut-être – fait surgir sur le miroir l'ombre d'un présent – différent de ce qu'il fut?
Une oeuvre hypnotique et troublante
Un roman d'aventures
Une histoire d'amour
Deux êtres unis par un pacte secret
Dans le monde réel de 1984 et dans celui dangereusement séduisant de 1Q84 va se nouer le destin de Tengo et d'Aomamé...
La critique de Mr K: Sans doute ma claque littéraire la plus importante depuis un sacré bout de temps. Je suis venu à Murakami par hasard lors de la lecture d'un hors série de la revue Trois Couleurs. Ne suivant pas vraiment l'actualité littéraire, je ne connaissais même pas cet auteur avant le portrait que j'ai pu découvrir de lui. Anticonformiste, ce qui est plutôt original pour un japonais, l'aura de mystère qui planait autour de la trilogie 1Q84 a attisé ma curiosité. L'accroche a été immédiate et deux jours seulement m'ont suffi pour dévorer ce premier volume.
La construction de l'ouvrage est simple. On change de point de vue à chaque nouveau chapitre. Un coup nous suivons Tengo, trentenaire japonais, professeur de mathématiques et apprenti écrivain à qui un ami éditeur va confier un travail de réécriture d'un texte rédigé par une jeune fille étrange de 17 ans. En devenant le ghostwriter d'une œuvre envoutante et étrange La Chrysalide de l'air, il met les pieds dans un univers décalé et inquiétant. Le chapitre suivant, on suit Aomamé, jeune femme de 29 ans qui s'acquitte de missions bien spéciales: elle supprime des êtres ignobles pour le compte d'une vieille dame énigmatique. Je n'en dirai pas plus pour ne pas lever les nombreux secrets qui composent ce premier tome mais sachez qu'on navigue constamment entre plusieurs genres: l'étude de caractère, l'histoire d'amour, le thriller par moment ou encore le fantastique, voir l'anticipation pour certains thèmes évoqués.
Il faut le savoir, ce livre est un piège pour tout amateur de bonne littérature contemporaine. Aussitôt avez vous fait connaissance avec Tengo et Aomamé que la mécanique infernale chère à Cocteau se referme sur vous et il est tout bonnement impossible de s'échapper et de quitter cet univers aussi étrange qu'attirant. Haruki Murakami a le don de l'écriture simple, aérienne et évocatrice qui englobe, cisèle ses personnages et les actions qu'ils mènent. Une ambiance purement japonaise sans pour autant tomber dans les clichés et la lenteur exacerbée. Certes, le démarrage prend du temps mais c'est pour mieux cerner les protagonistes, leurs caractères et leurs espérances. Loin de se contenter de s'occuper des deux principaux héros, les personnages secondaires sont aussi traités avec beaucoup d'attention, de Tamaru le garde du corps gay de la vieille dame, en passant par la mystérieuse Fakaeri, l'auteur tisse une gigantesque toile d'araignée et une série de liens plus déroutants les uns que les autres. Sachez qu'à la fin du présent volume, nombre d'interrogations restent en suspens et que dans le deuxième d'autres se rajoutent (je chroniquerai le volume 2 d'ici peu et je devrais attendre 2012 pour lire le troisième et ultime volet).
Autre point très intéressant, le balancement presque imperceptible parfois entre rêve et réalité. Quid du monde réel? Quid d'un pseudo univers parallèle? Les descriptions des lieux sont remarquables de justesse mais aussi d'étrangeté. C'est seulement au détour d'une phrase, d'une formule voir d'un mot que parfois tout semble basculer pour ces deux êtres esseulés que sont Tengo et Aomamé. Franchement, j'ai rarement été scotché à ce point par une œuvre qui, à bien des égards, se rapproche des travaux de David Lynch. On voit percer certaines obsessions de l'auteur (il paraît qu'on les retrouve dans ses autres livres) comme le sexe (l'érotisme est omniprésent dans cet ouvrage), le rapport à la violence et la domination, la religion, l'ordre établi... Autant de thèmes en filigrane qui enrichissent une histoire déjà fort développée aux méandres innombrables.
Un grand moment de lecture donc qui n'est pas simplement un événement éditorial comme claironné en quatrième de couverture mais pour moi un renouveau certain de la littérature, un mélange des genres hors norme et une rencontre culturelle époustouflante. Ce serait dommage de passer à côté...