"Le Passager" Jean-Christophe Grangé
L'histoire:
Je suis l'ombre.
Je suis la proie.
Je suis le tueur.
Je suis la cible.
Pour m'en sortir,
Une seule option: fuir l'autre.
La critique Nelfesque : Ah ! Un nouveau Grangé en rayon ! Cela faisait des mois que je l'attendais celui là ! A sa sortie le 1er septembre, en sortant du boulot, j'étais chez le libraire. Moi, folle ? Oh, si peu !
C'est donc avec une joie non dissimulée que je me suis plongée dans la lecture du "Passager". Après une déception concernant son précédent roman, "La Forêt des Mânes", je suis partie dans l'optique que ce roman ci signerait soit la fin de mon engouement concernant cet auteur, soit le verdict que "La Forêt des Mânes" était une simple baisse de régime et que Grangé repartait de plus belle.
Résultat des courses ? Grangé revient en force avec "Le passager" et ça fait plaisir. Déçue par son personnage principal dans son roman précédent, j'avais écrit à l'époque que cet auteur ne savait pas écrire des personnages féminins sans rentrer dans le cliché débile et stéréotypé. Ce roman ci m'a fait mentir. Ici le personnage principal est une femme, Anaïs Chatelet, flic de 29 ans qui va traquer un tueur en série s'inspirant de scènes mythologiques et mener une enquête en marge. Elle partage le haut de l'affiche avec celui qui se nomme au début du roman Mathias Freire, psychiatre au CHS de Bordeaux. La quatrième de couverture ne dit pas grand chose sur l'histoire du "Passager" et au fil des pages, la surprise est totale. Je ne souhaite pas trop en dire sur la trame du roman si ce n'est qu'il est ici question de mythologie, de psychologie, d'enquête à la "Avant d'aller dormir" de Steve Watson mais en 1.000 fois mieux, de recherches médicales et de complot militaire.
Le lecteur est complètement pris dans l'histoire, happé par la plume dynamique de Grangé, avec ses chapitres courts et ses phrases incisives. Cet auteur n'a pas son pareil pour mener en bateau son lecteur et il est impossible de deviner quoi que ce soit avant la fin. Une fin qui est un peu en deçà de l'ensemble du roman. Les vingts dernières pages et la scène finale semblent un peu baclées, arrivant comme un cheveu sur la soupe mais les dernières lignes du roman récupèrent la légère déception finale. Et puis sur un roman de 750 pages, n'en jeter que 20 et être en haleine avec les 730 autres, c'est négligeable...
D'habitude, Grangé nous fait voyager à travers le monde, aimant scinder ses romans en deux entre une enquête en France et un dénouement dans un pays lointain. Ici, "Le Passager" est découpé en cinq parties mais reste sur le territoire français. Bordeaux, le Pays Basque, Marseille, Paris... C'est aux quatre coins de l'hexagone que le lecteur est baladé dans des milieux sociaux aussi disparates que les milieux artistiques, la médecine, le monde de la pêche ou encore la vie des sans domiciles fixes. Cette dernière approche est une des plus marquantes et les scènes dans les foyers de SDF sont difficilement soutenables, non pas pour la violence des actes mais pour l'idée même que cela puisse exister à notre époque...
Là où généralement Grangé aime le gore et les scènes violentes et sanguinolantes, dans "Le Passager" l'accent est davantage mis sur le côté psychologique de l'histoire et sur la personnalité des personnages. Attention tout de même, on reste dans du Grangé et çà et là, certaines scènes pourront choquer les plus sensibles (je pense notamment à une histoire de lavabo qui fait bien dresser les poils sur les bras).
En bref un excellent thriller dont je conseille vivement la lecture. Quant à moi, j'attends déjà 2012 et un prochain roman!
La critique de Mr K (edit du 12/12/15) : Ça faisait un bail que je n'avais pas lu un ouvrage de cet auteur que Nelfe adore et que j'apprécie beaucoup notamment les topissimes Le Serment des limbes et Miserere. Un soir de débauche c'est à dire devant la télévision (très peu allumée à la maison), Nelfe et moi sommes tombés devant la bande annonce d'une adaptation tv sous forme de mini-série de ce roman avec Jean-Hugues Anglade dans le rôle principal (I love you mec!). Ne l'ayant pas lu et fortement tenté de regarder la série, je proposais à Nelfe de lire l'ouvrage rapidement pour que nous puissions regarder la version télé. J'ai vraiment bien fait, j'ai passé un excellent moment et j'ai surtout pu mesurer ensuite la vacuité et la trahison éhontée que représente la version télé. Je t'aime quand même Jean-Hugues...
Tout commence par un meurtre affreux dont Grangé a le secret. Un homme est retrouvé mort dans une voie de garage d'une gare avec une tête de taureau à la place de la tête. Anaïs Chatelet une jeune flic écorchée vive est dépêchée sur place et chargée de l'enquête. En parallèle, un géant amnésique est trouvé près des lieux et confié aux bons soins de Thomas Freire, psychiatre solitaire qui se prend de suite d'affection pour ce bon grand géant pour paraphraser Roald Dahl. Difficile d'en dire plus sans trahir quelques secrets et déroulements de l'histoire qui mêle joyeusement amnésie, fugue psychique, meurtres basés sur la mythologie, secrets de famille peu ragoûtants, descente en Enfer et révélations multiples… Du Grangé quoi!
Une fois de plus, je suis resté bluffé par la capacité de cet auteur à scotcher son lecteur chapitre avec chapitre. Vous avez sans doute connu ce syndrome du lecteur compulsif qui regrette de tomber dans les bras de Morphée alors qu'il n'attend qu'une chose… lire la suite de son bouquin! Étonnamment, rien de tout ça ici, la tension et l'attente étaient tellement fortes que j'ai réussi à tenir un peu plus que d'habitude. Il faut dire que Grangé n'a pas d'égal dans le domaine des punchlines qui tuent en fin de chapitre. Et comme ceux-ci n'excèdent jamais 8 pages… Impossible de relâcher le livre et même quand la nécessité fait loi, on se prend à penser à l'histoire que l'on a abandonné et qu'on a hâte de retrouver une fois la journée de taf terminée.
J'ai adoré le personnage du psychiatre qui pour moi fait partie des plus charismatiques de l’œuvre de Grangé. Opiniâtre, bienveillant, il va voir son quotidien tomber dans l'inconnu et va devoir se forger de nouvelles attitudes et capacités. Le basculement est remarquablement bien rendu et l'on est emporté par le flot des révélations qu'il doit assimiler. Le pauvre, il en prend vraiment plein la tête. Anaïs quant à elle m'a agacé au plus haut point au début, la faute à un traitement légèrement caricatural. Heureusement, l'histoire lui réserve bien des surprises (Oh que oui!), livrée à elle-même, seule contre tous, le personnage décolle et accroche vraiment le lecteur. Encore un bon point! On ne s'ennuie donc pas une seconde surtout que Grangé n'a plus à prouver son sens du rythme et de la surprise. Dès que l'on pense avoir une certitude, un twist nous retourne le cerveau et l'on se retrouve ainsi 5 à 6 fois complètement paumé à l'image du duo principal. Je dois avouer que j'ai pris un pied monstrueux à me laisser berner, balader par un auteur au sommet de sa forme.
L'édifice finit par révéler son secret et clairement ça tient la route. Par contre, encore une fois j'ai trouvé la fin abrupte, comme précipitée par l'urgence, laissant un peu de côté des éléments attachants et des zones d'ombre (défaut récurrent de l'auteur selon certains). C'est vraiment dommage car on a frôlé la perfection en terme de contenu. Au niveau de la forme pure, on reste sur du Grangé: simple et efficace. Sûr que ce n'est pas de la grande littérature mais le style épouse à merveille le fond et contribue à la paranoïa ambiante. Les 750 pages se tournent toutes seules et sans difficulté avec l'addiction évoquée auparavant qui ne redescend jamais.
Au final, voici un thriller rondement mené entre gore, exploration des abysses de l'âme humaine et course contre la montre. Amateurs de suspens, de machiavélisme et de révélations multiples, cet ouvrage est pour vous.