"Terreur" de Dan Simmons
L'histoire: 1845, Vétéran de l'exploration polaire, Sir John Franklin se déclare certain de percer le mystère du passage du Nord-Ouest. Mais l'équipée, mal préparée, tourne court; le Grand Nord referme ses glaces sur Erebus et Terror, les deux navires de la Marine royale anglaise commandés par Sir John.
Tenaillés par le froid et la faim, les cent vingt-neuf hommes de l'expédition se retrouvent pris au piège des ténèbres arctiques. L'équipage est, en outre, en butte aux assauts d'une sorte d'ours polaire à l'aspect prodigieux, qui transforme la vie à bord en cauchemar éveillé. Quel lien unit cette "chose des glaces" à Lady Silence, jeune Inuit à la langue coupée et passagère clandestine du Terror? Serait-il possible que l'étrange créature ait une influence sur les épouvantables conditions climatiques rencontrées par l'expédition? le capitaine Crozier, promu commandant en chef dans des circonstances tragiques, parviendra-t-il à réprimer la mutinerie qui couve?
La critique de Mr K: Dan Simmons frappe de nouveau très fort avec ce thriller historique teinté de surnaturel. De lui, j'avais adoré ses œuvres de science-fiction comme les cycles d'Hypérion et d'Endymion, le diptyque Ilium et Olympos et le chef d'œuvre de thriller d'anticipation L'échiquier du mal. C'est donc avec confiance et envie que j'ai débuté ce pavé (700 pages quand même) qui retrace une histoire vraie, celle de l'expédition Franklin partie du Royaume Uni au milieu du XIXème siècle pour découvrir le passage du Nord-Ouest, une route permettant de traverser l'Arctique. Sur ce canevas déjà existant, Simmons a greffé des éléments surréels qui permettent de relever l'ensemble et lui donner une dimension quasi métaphysique par moment (la fin est un vrai bonheur à ce niveau là).
Il ne m'a fallu qu'une quarantaine de pages pour me faire emporter par un récit à la fois prenant et détaillé. D'un chapitre à l'autre, on passe d'un point de vue à un autre. Ainsi l'on peut suivre l'évolution de l'histoire à travers les yeux des capitaines de vaisseau Franklin et Crozier, du Dr Goodsir, de l'enseigne Irving (officier de la marine), du mousse Golding et de nombreux autres personnages. On se retrouve plongé dans l'univers masculin et rude des voyages de découverte, thématique qui m'a fasciné dès mon plus jeune âge (j'avais particulièrement frémi à la lecture du périple fatal de Robert Falcon Scott pour arriver le premier au pôle sud, doublé par Amundsen, il mourra gelé ainsi que toute son équipe!). À ce propos, on ne peut que saluer le travail de recherche que l'auteur a du effectuer pour pouvoir écrire ce roman. Impressionnant de bout en bout, le récit épouse à merveille la réalité historique tout en la mêlant d'éléments fantastiques. On en apprend beaucoup sur les conditions matérielles et les mœurs de l'époque sans pour autant tomber dans l'overdose de termes techniques et de descriptions à n'en plus finir.
À travers les différentes scènes qui se succèdent, on suit le destin tragique de cette expédition qui semble vouée à l'échec dès la prise par les glaces de leurs deux vaisseaux (à ce propos deux cartes sont fournies en début d'ouvrage pour suivre les pérégrinations de l'Erebus et du Terror, les deux navires de l'expédition et elles se révèlent très pratiques). Véritable et grandiose roman d'aventure, pendant la lecture de Terreur, on ne peut s'empêcher de tourner les pages pour savoir la suite. Les relations entre les membres de l'expédition sont admirablement rendues et les tensions ne tardent pas à se faire sentir, d'abord insidieusement puis de façon plus frontale (vers le dernier tiers, on atteint vraiment des sommets avec des passages peu ragoûtants). Il ressort de ce livre, une impression de «fatum», un destin implacable qui s'acharne sur les voyageurs, Simmons prenant un malin plaisir à abattre ses cartes les unes après les autres comme autant de coups du sort.
Parallèlement à cela, une mystérieuse inuit a été recueilli au sein de l'équipage du Terror. Muette suite à une mutilation, depuis son apparition une mystérieuse apparition rode autour de l'expédition et élague peu à peu les rangs des marins anglais. Cela donne de bons moments de frisson surtout que l'auteur s'évertue à ne pas trop en dire sur cette «créature» se contentant de vagues descriptions, fruits de témoignages des hommes affolés. Impressions, illusions, travestissement des sens... il n'en faut pas moins pour égarer le lecteur à l'image de ces hommes perdus en pleine mer des glaces... car le véritable ennemi est là et il est blanc! Comme Spielberg à son époque dans son superbe Dents de la mer, le blanc est synonyme de danger et de mort. Simmons décrit à merveille les rigueurs de l'Arctique entre vents violents, températures extrêmes, glaces flottantes, mers gelées. L'ensemble est saisissant à l'image de ses corps éreintés et diminués par ces conditions extrêmes. C'est à une véritable plongée en Enfer que nous convie l'auteur, un Enfer blanc mais aussi profondément humain.
Vous l'avez compris, j'ai adoré ce livre qui rentre dans mon panthéon personnel tant je me suis retrouvé happé par l'univers que propose Simmons entre Histoire, suspens et fantastique. Un voyage éprouvant certes, mais une expérience à nulle autre pareille. Un must!