"Apocalypse bébé" de Virginie Despentes
L'histoire: Apocalypse Bébé est un road movie électrique entre Paris et Barcelone où deux détectives aux personnalités diamétralement opposées se lancent sur les traces d'une adolescence déstructurée Valentine Gatlan, « adolescente nymphomane, défoncée à la coke et hyper active». Lucie, trentenaire, détective un peu désabusée, empotée et malgrè tout spécialisée dans les filatures d'adolescents, est chargée par la famille Gatlan de surveiller Valentine, adolescente fragile, au comportement autodestructeur et à la sexualité très débridée. La perdant de vue au cours d'une de ses filatures, elle se doit de la retrouver au plus vite. Manquant d'assurance et d'expérience, elle fait appel à une détective free-lance dit la « la hyène » lesbienne sulfureuse, violente, manipulatrice, habituée aux méthodes radicales. Toutes deux se plongent à corps perdu dans l'histoire tourmentée de l'adolescente.
La critique de Mr K: I love you Virginie! Tels avaient été mes derniers mots lors de ma critique de King Kong théorie, il y a quelques mois de cela. Ce livre le confirme, j'aime toujours autant cet auteur qui ici passe encore au cran supérieur nous livrant un livre aussi sulfureux qu'addictif. Le noir et le polar sied parfaitement à notre cherry bomb nationale. Ça fouette, ça "uppercute" et on en redemande! Mon côté maso est comblé et en redemande encore: vous l'avez compris, j'ai méchamment pris une claque avec cette lecture qui n'a eu qu'un défaut... trop courte!
Tout d'abord le genre. On a affaire à un polar drôlement bien ficelé avec sa dose de suspense et de personnages bien trempés. Le choix narratif est très efficace, on a un chapitre sur deux le point de vue de personnages secondaires à l'enquête principale: le père, la belle-doche, le cousin rebeu des quartiers, les potes d'extrême gauche... Tout pour que les pièces du puzzle (Valentine et sa psyché torturée) se révèlent petit à petit, mettant à jour peu à peu le parcours de cette gamine perdue. Les deux personnages principaux antinomiques à souhait se renvoient la balle continuellement créant un lien étrange, non dénoué d'humour (grande nouveauté despentienne!). On s'attache à la hyène, on trépigne face à la vacuité qui se dégage de Lucie... puis les repères deviennent flous et on se rend compte qu'on est balladé joyeusement par Despentes... la fin est effroyable! Pour soupoudrer le tout, rajoutez là dessus un petit air de romance lesbienne avec la découverte de l'amour avec une personne du même sexe (ça sent l'autobiographie), le tout sans en faire trop avec juste ce qu'il faut de beauté pour ne pas tomber dans la sensiblerie bon marché dont on nous abreuve à longueur de temps et vous obtenez un mélange détonnant!
Le style est une fois de plus frontal, hargneux, ironique et direct. Tout ce que j'aime chez l'auteur. Jamais prétentieux, le but est de cerner vite et clairement les protagonistes, les lieux et l'action. J'ai lu chez d'autres blogueurs que la vulgarité est de mise tout au long de l'oeuvre. Je m'inscris en faux face à cette assertion: certes on est dans le familier mais vulgarité rime souvent avec facilité. Ici ce n'est pas le cas, ce roman est un pur reflet de notre époque et l'on voit mal des gosses de cité ou des malfrats parler comme dans le XVIème arrondissement. Alors, sûr, c'est brut de décoffrage mais ça ancre cette oeuvre dans une réalité (peu reluisante je vous l'accorde). Pour résumer, ça se lit comme du petit lait et il est vraiment très difficile de décrocher.
Mais on n'est pas seulement face à un roman classique. Au détour des pages, c'est un portrait de notre société qui nous est révélé. Une fois de plus, c'est la femme, sa féminité, sa sexualité et son rapport à l'homme qui au coeur de l'oeuvre. On retrouve dans Apocalypse bébé les questions qui taraudent l'auteur. Les piques sont nombreuses et les réflexions à l'avenant, on retrouve le féminisme punk propre à l'auteur et son dégoût-déception des hommes. Mais derrière ces éclairs thrash jubilatoires et cyniques se cache une tendresse profonde qui n'échappera à personne. C'est aussi une critique féroce de la bonne société bourgeoise avec notamment le père (François) qui "laisse couler" face à une jeune fille en déséquilibre profond et finalement une gamine que personne ne recherche vraiment.
Une lecture enthousiasmante, un pied intégral, un souvenir littéraire vivace: un grand livre! Je persiste: I love you Virginie!