"Les choses" de Georges Pérec
L'histoire: Sylvie et Jérôme habitent un petit appartement de la capitale. Tous les deux psycho-sociologues, ils alternent les boulots. Leur plaisir suprême? Parcourir les brocantes à la recherche de "choses": meubles, objets de la vie quotidienne... Mais le bonheur est-il au bout de cette course à la possession?
La critique de Mr K: Une excellente surprise pour une lecture express. C'est le premier Pérec que je lis en entier! Il faut dire que mon premier essai date du lycée et qu'à l'époque mon prof de philo m'avait fort intrigué en nous parlant d'un ouvrage ne comportant pas la lettre "e" écrit par un fou (La disparition): résultat des courses, un gros mal de tête et une incompréhension totale. Pour Les choses c'est une autre histoire...
L'histoire justement... ne vous laissez pas abuser par le synopsis que j'ai bricolé. Certes, il donne certaines clefs mais il n'est qu'un prétexte. Il ne se passe quasiment rien dans ce roman, d'ailleurs cet écrit s'apparente davantage à un essai sur la naissance de la société consumériste (les années 60', les 30 Glorieuses). Amateurs d'actions, de rebondissements et autres effets de narration passez votre chemin.
Pour autant, je ne me suis point ennuyé. À travers ce couple passé au microscope du sociologue Pérec, c'est une époque qui est passée à la loupe, de nouveaux comportements et les premiers effets de l'installation du capitalisme-libéral sur les consciences et les modes de vie. Même si les descriptions des "choses" ont forcément vieilli, on se retrouve devant un miroir fidèle de notre époque actuelle. On y est! Les choses ont envahi nos vies, travesti nos idéaux de bonheur, les pubs ont remplacé les rêves véhiculés par les livres et les leçons de vie. Notre époque est régie par les choses et c'est impressionnant de le lire dans un texte vieux de plusieurs décennies. Il y a du génie chez cet auteur: précurseur et voyant.
N'y voyez pas pour autant un ouvrage moralisateur, il s'agit plutôt d'une suite d'observations écrites dans un langage simple, la plupart du temps au conditionnel (effet garanti de "vivre une expérience" en lisant ce livre). Les personnages ne parlent pas, on suit leur parcours, leurs rencontres, leurs soirées, leurs trouvailles... Pas d'événements marquants si ce n'est un achat désiré depuis fort longtemps. Une vie centrée donc sur l'accomplissement de leurs désirs matérialistes: Il leur semblerait qu'une vie entière pourrait harmonieusement s'écouler [...] entre ces objets si parfaitement domestiqués, entre ces choses belles, simples, douces et lumineuses. Cependant, peu à peu, l'ennui les guette et un vide métaphysique les envahit. N'ont-ils pas fait fausse route? Quid des relations sociales? De l'humain? La fin du livre, vous vous en doutez, est un brin sombre.
Une lecture très intéressante surtout au regard de notre monde actuel, courte (heureusement car le rythme est assez lent) et remarquable de concision et d'efficacité. Un livre culte qui mérite le détour.