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Le Capharnaüm Éclairé
9 juin 2010

"Porteurs d'âmes" de Pierre Bordage

bordageL'histoire: Léonie, achetée au Libéria, alors qu'elle n'était qu'une enfant, sequestrée, prostituée, s'enfuit à vingt ans de son enfer pour se retrouver clandestine et sans papiers dans les rues de Paris. Edmé, un inspecteur de la Crim', déprimé par les violences, la misère et le cynisme qu'il côtoie chaque jour, découvre un étrange charnier dans la Marne. Cyrian, fils de famille en mal de raisons de vivre, se prête à un voyage expérimental d'un genre nouveau, pour trouver le frisson de l'extrême: le transfert de l'âme dans un corps d'emprunt...

Leur point commun? Tous trois sont porteurs d'âmes, comme tous les êtres humains. Mais parfois les âmes ne sont pas où elles devraient être...

La critique de Mr K: Et un Bordage de plus! Une bonne lecture une fois de plus sur un genre un peu différent de ce à quoi le "Balzac de la Science Fiction" (selon certains) m'avait habitué. Ici, l'auteur rentre pleinement dans le domaine du thriller matiné d'anticipation et d'histoire d'amour. Cependant, cela reste du Bordage avec ses qualités mais aussi ses menus défauts...

Dans Porteurs d'âmes, nous suivons les destins de trois personnages totalement différents les uns des autres. Vous l'avez compris, ces trois trajectoires vont finir par se rejoindre! À défaut d'être original, ce procédé narratif permet au vendéen de nous immerger dans une histoire très sombre où tout espoir semble absent sauf peut-être dans le personnage de Cyrian, jeune fils de bourges avide d'expérience frappant à la porte d'un mystérieux groupe: les Titans. Léonie quant à elle, est une sans papier. On est ici loin de l'image édulcorée et consensuelle qui nous est régulièrement présentée au JT de Pujadas ou de Chazal. À travers les yeux et l'âme de cette jeune africaine en perdition, ce sont toutes les souffrances liées à cette situation que l'auteur nous donne à voir, à ressentir et finalement à partager (la faim, le froid, la peur de se faire prendre par les forces de l'ordre, les mauvaises rencontres...). Et puis, il y a Edmé, figure classique du flic désabusé, au bord de la rupture, qui ne sait plus à quoi ou à qui se raccrocher. Personnage sensible sous une carapace épaisse, il va se réouvrir au monde via une intéraction émotionnelle vieille comme le monde (et un peu cucul pour le coup dans ce livre). C'est en grande partie grâce à ces trois figures que ce livre s'avère être fort, porteur d'émotions et de sensations. Des passages entiers vous resteront en mémoire un certain temps vu la charge qu'ils impriment sur le lecteur.

Autre point fort de ce livre, pour la première fois, Bordage nous livre au détour de quelques pages sa vision du monde et de notre société occidentale. Portrait au vitriol (cela va sans dire) d'un modèle de vie et de pensée qu'il trouve abjecte et créateur de désespoir. Personnellement, je me suis régalé et m'y suis retrouvé. J'ai même relevé les meilleurs passages pour ensuite les étudier avec mes chères têtes blondes. Je vous livre ici un passage concernant la télévision avec en ligne de mire la télé-réalité, c'est un peu long mais ça vaut son pesant d'or: "Les acteurs, chanteurs, artistes, écrivains et autres intellectuels n'avaient plus d'autre cause à défendre qu'eux-mêmes, un travail à plein temps avec la multiplication des célébrités vomies par la télé-réalité. Les programmes n'offraient plus que des défilés ininterrompus d'individus de tous âges et de toutes conditions qui venaient partager leurs expériences, leurs obsessions, leurs maladies, leurs goûts, leurs petites et grandes misères. L'assurance, la volubilité, la crudité avec lesquelles ils parlaient d'eux-mêmes sidéraient Léonie. Ils adoraient s'exposer, se plaindre, se disputer, revendiquer, exiger, caqueter, des poules. Fallait voir comment ils se dressaient sur leurs ergots, ébouriffés, si un intervenant émettait le moindre soupçon de doute sur leur sincérité. Ils venaient du réel, eux, pas de ces officines parisiennes où l'on faisait et défaisait les opinions, ils étaient vrais, inattaquables. Ils s'exhibaient, main sur le coeur, pour susciter compassion ou admiration, et Léonie n'éprouvait pour eux qu'une indifférence teintée de pitié. Elle voyait bien qu'ils ne racontaient pas la vérité, ou racontaient une vérité qui arrangeait tout le monde. [...] La télé était devenu un confessionnal géant où l'on s'accusait en grande pompe de fautes vénielles afin de recevoir l'absolution solennelle du public, le souverain des âmes" page 176. Tour à tour, Bordage aligne avec la même verve la société de consommation, le ministère de l'immigration avec force mais néanmoins nuance (le contraire du NPA si vous préférez!).

Une bonne lecture donc pour un auteur que j'apprécie et pratique depuis maintenant un temps certain. À ce titre d'ailleurs, j'émets cependant quelques réserves concernant deux points. Un sentiment de redite quant à certaines situations présentes dans cet opus (les scènes d'amour-charnel fusionnel lues et relues dans l'oeuvre du maître et qui à force lassent, la redite quant aux impressions et sentiments que ressentent les héros qui alourdissent le roman qui aurait gagné en efficacité en perdant une vingtaine de pages vraiment inutiles) et une histoire qui bien que prenante n'est pas originale et dont on capte les tenants et les aboutissants dès la moitié du livre ce qui peut s'avérer génant! Mais que ces dernières remarques ne vous rebutent pas pour autant, c'est un grincheux et un ronchonchon fan de Bordage qui les expose. Vous passerez un agréable moment (quoiqu'un peu rude par moment) en compagnie de Léonie and co, Porteurs d'âmes est idéal pour découvrir cet auteur qui reste à mes yeux un des meilleurs conteurs d'histoire de sa génération.

La critique Nelfesque (edit du 01/06/12): Le challenge "Un mot, des titres..." de Calypso ayant ce mois ci l'"Ame" en thème, c'était l'occasion rêvée de découvrir ce roman de Bordage que Mr K aime tant.

J'ai été surprise de découvrir cet auteur dans le genre thriller. Je n'avais lu jusqu'alors que "Abzalon" (excellent d'ailleurs) et je sais que la SF est son genre de prédilection. Ici, on ne s'en éloigne pas totalement, Bordage n'ayant pas pu s'empêcher d'en insérer quelques touches de-ci de-là mais à bon escient et de façon crédible.

Le lecteur suit tour à tour les histoires de Léonie, Cyrian et Edmé. Léonie est une jeune sans papier au passif lourd qui se voit administrer ce qu'elle croit être un médicament pour gagner quelques centaines d'euros. Cyrian est un jeune bourgeois appartenant à une confrérie qui va lui proposer un voyage hors du commun. Enfin Edmé est un policier de la Criminelle qui enquête sur un mystérieux charnier fluvial en périphérie de Paris. On s'imagine très vite que ces destins parralèles vont un jour se croiser mais Bordage, très finaud, amène les indices au compte goutte.

Ce thriller est efficace et se lit aisément. Dans le genre, il y a d'autres auteurs bien plus talentueux car moins prévisibles mais Bordage n'a pas à rougir de cette semi-infidélité à la SF car le lecteur croit vraiment ce qu'il lit. Une histoire possible, des faits malheureusement emprunts de la réalité (clandestinité, esclavage sexuel, suprématie de l'argent, confrérie secrète, meurtres atroces...) et une dose du "Voyage intérieur" qui donne à "Porteurs d'âmes" son originalité: voici les ingrédients nécessaires pour un roman plaisant.

Le lecteur est tour à tour dégouté par l'atrocité des actes de torture que subissent les victimes avant leur mort, inquiet pour tel ou tel personnage aux détours de certaines situations (difficile d'en parler sans trop en dire), révolté par la façon d'être de la "tante" de Léonie qui profite de son jeune âge en la prostituant dans des conditions abjectes... Les différents milieux sont très bien représentés, que ce soit le milieu bourgeois, celui des clandestins squattant des immeubles vacants, celui du crime organisé, celui de la police... Bordage n'est pas un jeune premier de l'écriture et ça se sent. Il ne prend pas ses lecteurs pour des jambons et nous livre un thriller efficace.

Je ne suis pas autant emballée que Mr K par ce roman. Je lis beaucoup de thriller et il faut avouer que celui ci n'est pas le thriller du siècle mais je suis de son avis quand il dit que "Porteurs d'âmes" est idéal pour découvrir l'auteur. Il y a ici une juste dose de science-fiction qui ne rebutera pas ceux qui n'en sont pas fana et surprendra les amateurs de thrillers plus ancrés dans la noirceur de la réalité.

Un-mot-des-titres

Cette lecture entre dans le cadre du challenge "Un mot, des titres..." auquel Nelfe participe.

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Commentaires
N
@Naelline: Ca me fait rire de te voir m'appeler Nelfesque. C'est l'"adjectif" de "Nelfe" ;)<br /> <br /> Tu l'as lu alors celui ci ou tu le découvres avec mon billet? Si tel est le cas, je te souhaite bonne lecture ^^
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N
Tout comme Nelfesque je ne connaissais pas Bordage dans le genre thriller, voila une découverte intéressante.
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N
@Natiora: Tu m'en diras des nouvelles ;)<br /> <br /> <br /> <br /> @calypso: Oui il y a une petite touche de SF qui change des thrillers classiques mais ce n'est en rien un roman 100% SF.<br /> <br /> <br /> <br /> @fleurdusoleil: Mr K et moi sommes d'accord sur ce point, c'est un bon premier pas pour découvrir Bordage. Tu sais ce qu'il te reste à faire ;)
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F
J'ai envie de découvrir Bordage et je pense que je vais commencer par celui-ci. Quand penses-tu ?
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C
En voyant la couverture, j'ai cru qu'il s'agissait d'un roman SF (j'ai sans doute été influencée par le nom de l'auteur). Il est vrai qu'à force de lire des thrillers, on devient très exigeant. Mais celui-ci a l'air plutôt sympa.<br /> <br /> <br /> <br /> Merci !
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N
Eh bien ça me branche pas mal, à voir ^^
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M
@corelie: mais tu fais bien!^^
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C
Je vais passer outre les remarques du grincheux et ronchonchon fan de Bordage pour ne garder que le positif, et inscrire directement ce bouquin dans ma LAL. Je ne connais pas encore cet auteur mais ça ne saurait tarder :)
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D
J'ai également ce livre à lire dans ma bibliothèque et je découvrirais cet auteur grâce à ce titre ! A priori j'ai donc tout juste ;-)
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E
Oui Bordage est et reste un acteur maheur de l'imaginaire Français. PAs encore eu le temps de m'attaquer à celui ci, mais cela viendra c'est une certitude.
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M
Après Les Fables de l'Humpur, je me suis promise de poursuivre avec cet auteur... ce livre n'est pas le premier sur ma liste mais je le considère sérieusement, et ce n'est pas avec un bon avis de plus que je vais le laisser de côté !
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N
Il suffit de demander: http://cafardsathome.canalblog.com/archives/2009/11/02/15658445.html<br /> <br /> ;)
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M
@Val: Les "derniers hommes" est pas mal du tout aussi. Je l'ai chroniqué mais je retrouve plus le lien! Nelfe réussira sans doute à retrouver le lien!
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V
Ce passage m'avait marqué aussi. Je trouve que c'est un mariage réussi entre la SF et le thriller.<br /> <br /> Je vais prochainement m'attaquer aux Guerriers du silence... Pour ma part, le Bordage qui m'a marqué c'est "Les derniers hommes". Un peu sombre mais tellement réaliste.
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M
@belledenuit: bonne lecture alors! <br /> <br /> @paikanne: son meilleur reste "Les guerriers du silence", trilogie SF typée space-opéra, aventure picaresque et expérience chamanique dans l'espace... C'est vrai que ca fait bizarre comme présentation mais c'est vraiment SON chef d'oeuvre! Puis il y a aussi "Les fables de l'Humpur" qui est pas mal... Bon j'arrête parce qu'en fait il n'a pas écrit beaucoup de bouquins moyens!^^
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P
Je l'ai lu il y a peu et l'ai apprécié ; je précise que c'est la première fois que je lisais cet auteur, "découverte idéale" donc :-)
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B
"Porteurs d'âmes est idéal pour découvrir cet auteur" : tant mieux pour moi parce que je ne connais pas du tout cet auteur et j'ai ce livre dans ma PAL. Je vais d'ailleurs bientôt me lancer dans cette lecture. J'espère que ça va me plaire :)
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