"La route" de Cormac McCarthy
L'histoire: L'apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres et de cadavres. Parmi les survivants, un père et son fils errent sur une route, poussant un Caddie rempli d'objets hétéroclites. Dans la pluie, la neige et le froid, ils avancent vers les côtes du Sud, la peur au ventre: des hordes de sauvages cannibales terrorisent ce qui reste de l'humanité. Survivront-ils à leur voyage?
La critique de Mr K: Nelfe et moi avions mis l'adaptation de cette oeuvre en pôle position de notre hall of fame cinématographique 2010. À cette occasion, nous avions lu sur la blogosphère nombre d'avis positifs sur le récit littéraire original. Le tort est aujourd'hui réparé car j'ai littéralement dévoré ce volume tant sa puissance évocatrice est forte et sa langue si adéquate avec le récit proposé.
Point d'exposition lourde et pesante sur la catastrophe qui a fait périr le monde, pas d'explication donc de ce qui s'est déroulé: on plonge directement dans le récit de cette "fugue", de cette fuite vers un ailleurs prometteur mais purement chimérique, fruit de tous les espoirs que nourrit l'homme pour l'avenir de son fils. Les deux principaux personnages n'ont pas d'identité, se pourrait être vous ou moi, ils sont un symbole de la subsistance de ce qu'il y a de meilleur en l'humanité (malgré les tentations grandes de tuer ou de détrousser) dans un monde post-apocalyptique.
Traversant un monde morne, grisâtre , quasiment dépourvu de vie, on assiste à un chemin de croix, le calvaire d'un homme qui connaît déjà son destin et qui n'a que peu de temps pour parfaire l'éducation de la chair de sa chair, pour le mener vers le chemin de la maturité. Il y a dans ce roman un côté initiatique qui vous prend à la gorge et qui malgré vos efforts ne peut que vous émouvoir. C'est éprouvant parce que le réalisme est poussé à l'extrême, ce père et ce fils sont crédibles, s'aiment, se disputent, se rassurent, rient (mais très peu), pleurent... On est plongé avec eux dans cette histoire où l'espoir n'est qu'une petite lumière frémissante à l'horizon.
La langue est simple et efficace, les paragraphes courts. Une merveille de concision et de poésie tant l'esprit du lecteur est captivé par les images employées. C'est un auteur que je vais refréquenter très vite car son style m'a vraiment impressionné. Pour conclure, je dirais que ce livre est un classique de l'anticipation et que le film de 2009 en est une excellente adaptation avec les trahisons et les rajoûts que cela implique.
La critique Nelfesque (edit du 18/01/12): Ca y est! Je l'ai lu! J'avais adoré l'adaptation (et adorer et un mot encore trop faible...), j'avais beaucoup pleuré surtout, je me souvenais de l'avis de Mr K ci-dessus et je n'arrêtais pas de me dire qu'il fallait que je lise ce roman. C'est maintenant chose faite grâce au Book Club de ce mois ci ayant pour thème l'apocalypse.
Quelle claque! Quelle originalité! L'écriture demande certes un effort de lecture au départ et ce roman ne plaira pas à tout le monde mais une fois habitué, cette oeuvre est un vrai régal. Mais quelles sont exactement ces "bizarreries" d'écriture? Les personnages sont "dépersonnifiés", ils n'ont pas de prénoms et sont seulement désignés par les termes "l'homme" et "l'enfant". La ponctuation est rare et les descriptions pauvres de détails. En d'autres termes, tout est mis en oeuvre pour rendre l'écriture plate et ne laisser aux lecteurs que l'essentiel, à savoir l'histoire en elle-même. Pas d'empathie, pas d'emphase, seulement un père et son fils, une relation privilégiée dans ce monde dur et froid, livrée dans son plus simple appareil aux personnes tenant ce livre entre leurs mains.
A la lecture de "La Route", on ressent le désespoir, la tristesse, la fragilité de la vie mais aussi et surtout le "non renoncement". L'homme sait que plus rien n'est possible mais il met un point d'honneur à éduquer son fils dans le respect et la croyance (pas forcément à un Dieu mais à une flamme). Toujours croire que l'on peut avancer, ne pas se laisser décourager et avancer coûte que coûte. Par cette éducation et la façon dont l'enfant grandit, ce récit est poignant. Ce petit bonhomme a tout compris de la vie et sait faire la part des choses et prendre les bonnes décisions quand il le faut.
Mieux vaut avoir un moral d'acier pour lire "La Route" (sans ça, on frôlerait le suicide) et ne pas s'attendre à un roman de SF pure sous peine d'être déçu car l'apocalypse n'est ici qu'un contexte (on ne saura rien de ce qui s'est vraiment passé). "La Route" est avant tout un roman sur les épreuves que nous fait rencontrer la vie et sur l'amour entre un père et son fils. Une belle leçon qui m'a vraiment touchée.
Ce roman entre aussi dans le cadre du Challenge [Fins du Monde] de Tigger Lilly auquel Nelfe participe.