"Antichrist" de Lars Von Trier
L'histoire:Un couple en deuil se retire à " Eden ", un chalet isolé dans la forêt, où ils espèrent guérir leurs coeurs et sauver leur mariage. Mais la nature reprend ses droits et les choses vont de mal en pis...
La critique Nelfesque: Là, j'avoue, je suis bien embêtée pour faire une critique de ce film. Antichrist est spécial... très spécial! A tel point qu'une fois le générique de fin déroulé, j'étais incapable de dire si j'ai aimé ou pas ce film. Ce genre de sensation est vraiment étrange car j'y suis peu habituée. Vous qui lisez nos posts, vous avez sûrement remarqué que mes avis sont tranchés et souvent excessifs (soit "c'est génialissime" soit "c'est purement à chier") et là je ne sais pas! Ce film qui a été au centre de la polémique à Cannes sème également le trouble dans mon cerveau...
Ce que je peux en dire c'est que l'histoire banale de départ, à savoir la perte d'un enfant, va se muer en une pathologie psychiatrique dans un climat très glauque. Une véritable descente aux enfers qui entraine le spectateur dans sa chute. C'est une certitude, Lars Von Trier est très bon! Rien n'est laissé au hasard et le visuel est très beau. Les couleurs de ce long métrage sont finement choisies, le rendu est magnifique et les cadrages au plus près des acteurs, comme pour sonder leurs âmes. Ces derniers sont époustouflants (Charlotte Gainsbourg mérite amplement son Prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes et Willem Dafoe n'a pas à en rougir), le rythme du film, très lent, et l'absence de musique (excepté au début du film et à l'épilogue), nous permettent de mieux appréhender ce que les personnages ressentent et le malaise qui s'installe peu à peu.
Mais alors pourquoi ne pas dire "j'ai aimé ce film!"? Sûrement à cause du climat malsain et violent qui est omniprésent, de la façon qu'à Charlotte Gainsbourg d'utiliser le sexe comme exutoire à ses démons intérieurs et celle qu'à le réalisateur de nous les transmettre. Les scènes de sexe sont brutales et dérangeantes. Cette fille est folle! ^^
Assurément, ce film n'est pas à mettre à la portée de tous les yeux. Quant à moi, il me faudra sûrement d'autres visionnages...
La critique de Mr K: 6/6. Il est des films qui côtoient le génie. Ne vous méprenez pas, Lars Von Trier s'apparente davantage à un "génie du mal". Cette oeuvre s'attaque à un sujet hautement difficile, celui du deuil parental face à la disparition d'un enfant (événement tout sauf naturel). En l'occurence ici, le deuil d'ELLE (le personnage de Charlotte G. n'a pas de nom) et la tentative de son mari, thérapeute de profession (Willem Dafoe alias LUI), pour la guider vers un dépassement de son état de prostration (échapattoire à la souffrance quasi autodestructrice). Dès le début le décor est planté par une caméra intimiste (très intimiste même! Le film est très crû...) et une bande son épurée et réaliste. L'impression de malaise déjà perceptible au début ne fait que grandir pour finalement exploser dans le dernier tiers du film.
Cette oeuvre s'apparente à une descente en enfer, celle de cette mère ravagée qui va sombrer de plus en plus dans une folie d'abord intérieure puis quasi meurtrière envers son compagnon. Charlotte Gainsbourg est remarquable de justesse et donc de crédibilité (sa palme est hautement méritée). On retrouve ici tout le talent de Von Trier pour diriger ses actrices (voir Björk dans Dancer in the dark, Émilie Watson dansBreaking the waves et Nicole Kidman dans Dogville). La folie est ici explorée au scalpel et ce n'est pas un vain mot! On fait face à la violence la plus brute, puisant ses forces dans la nature humaine la plus refoulée, la plus brimée par les tabous de nos sociétés (la sang, le sexe, et peut-être l'infanticide...). Pour ma part, je suis resté subjugué par l'interprétation de Willem Dafoe qui n'est pas sans rappeler celle (extraordinaire) qui fut la sienne dans La dernière tentation du Christde Scorsese. Il est particulièrement touchant, tout en subtilité de jeu et magnifique en victime expiatoire de sa "chère" compagne. Ce film prouve (s'il en est besoin) encore qu'il mériterait de se trouver au panthéon des plus grands acteurs.
Le troisième personnage du film est la nature, omniprésente dans le métrage. Tantôt rassurante, tantôt angoissante, figure onirique et métaphysique à la fois dont il est difficile de saisir le sens. S'y greffe des éléments de "sorcellerie", "d'astrologie" et de "possession" qui pour moi ne sont qu'une déviation de l'auteur pour mieux appréhender la folie humaine. Le film mérite qu'on s'y attarde et une seconde vision pourrait nous éclairer davantage sur le propos. Je ne rentrerais pas dans la polémique qui n'a fait qu'enfler depuis l'annonce du projet et sa mise en circulation. Von Trier est quelqu'un que je n'apprécie guère en tant qu'homme mais dont j'admire la virtuosité derrière une caméra et dont les thèmes de prédilection m'intéressent au plus haut point: violence, sexe, instincts, rapports de couples et autres névroses inhérents aux êtres humains. Je suis sorti de cette séance interloqué, un peu à la manière d'un film comme Lost Highwayde Lynch, conscient d'avoir vu une oeuvre hors-norme mais ésotérique. A voir pour ceux qui ont le coeur et l'esprit bien accrochés!