"Paracuellos" de Carlos Giménez
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L’histoire : Carlos Giménez a entrepris de conter les merveilleux souvenirs de sa folle jeunesse dans les foyers de l'Assistance Publique espagnole, à l'époque de la dictature du général Franco. Il a regroupé ses récits sous le titre "Paracuellos", du nom de l'un de ces foyers.
De chaque évènement qui l'a marqué, aussi infime soit-il, de chaque anecdote ou mésaventure, vécus en ces verts paradis, il a tiré des pages bourrées de gags désopilants à se taper la tête contre les murs et à mouiller son froc de rire.
Alors attention les yeux, vous avez intérêt à sortir vos mouchoirs des fois que les larmes se mettent à dégouliner tellement vous allez vous fendre la gueule.
La critique de Mr K : Très bel emprunt à la médiathèque que ce recueil regroupant tous les tomes des Paracuellos de Carlos Giménez que j’avais parcouru il y a bien bien longtemps. Cette réédition est de poids, le contenu dense et le choc toujours aussi percutant. Quelle misère et quelle tristesse ! Et dire que la tendance actuelle en France est de se rapprocher des solutions franquistes évoquées dans cet ouvrage…
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Comme le dit Carlos Giménez en préambule, cette série n’aurait jamais du s’appeler Paracuellos mais plutôt Histoire de l’Assistance Sociale ou Histoire des foyers (Paracuellos est le nom de l’un dentre eux). Les différents recueils compilés ici (au nombre de six) sont constitués de petits strips, histoires comptant deux à six planches dessinées, basés sur des histoires et des anecdotes que l’auteur a pu vivre ou qui lui ont été racontées par des enfants qui ont passé quelques années enfermés dans l’un de ces foyers. L’idée pour l’auteur était de livrer un documentaire réaliste sur la manière dont on (sur)vivait dans ces lieux de claustration régis par un ordre militaire et catholique intégriste.
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L’auteur précise que les faits ont été romancés et que les personnages ne correspondent pas à des protagonistes existants mais derrière chacun d’entre eux se trouve l’histoire vraie d’un véritable enfant. L’Espagne de ces années-là (années 50 et 60 ici) était une société très dure et violente, cela se ressentait à tous les échelons et dans tous les milieux : maris violents, les gradés et les patrons qui tabassaient les aspirants et les apprentis, les professeurs maltraitant beaucoup aussi les élèves. Normal que dans cet état de fait, les enfants n’échappent pas à ce fonctionnement et deviennent violents entre eux. A société monstrueuse, réponse monstrueuse… c’est ce qu’étaient ces foyers de l’enfance.
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On croise donc énormément de monde dans ces planches, à commencer par une ribambelle de mômes de tout horizon et aux caractères bien différents. C’est la loi du plus fort ou du plus malin qui règne parmi eux tant le cadre franquiste laisse peu de place au rêve et à l’évasion. On se chamaille, on se bagarre, on règle ses comptes, on se jauge mais on rit aussi à l’occasion, on partage, on lit, on joue. Ils restent des mômes et leur nature fait d’autant plus ressortir la cruauté de leurs conditions de vie. Le sentiment de faim est omniprésent, les obsède, ils sont en sous-nutrition constante. Malgré des chaleurs insoutenables l’été, on les rationne drastiquement en eau, ils dorment mal… C’est un véritable enfer sur Terre.
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Quant aux adultes qui les encadrent, on est dans le domaine des kapos avec des professeurs tortionnaires, un militaire phalangiste ultra-rigoureux qui leur "enseigne" l’ordre et la discipline à coup de beignes et un prêtre fondamentaliste qui leur promet les Ténèbres éternelles à chaque homélie ou sermon. Nulle trace de confiance entre encadrants et encadrés, presque aucune éclaircie car on côtoie ici la méchanceté, l’incompétence voire même une forme de sadisme. Mention spéciale à l’infirmière myope comme une taupe adepte de la piqûre comme remède universel ! La lecture devient donc très vite angoissante et oppressante, on avance lentement, redoutant de tourner les pages tant elles sont frappées du sceau du malheur. D’ailleurs, j’ai pris mon temps pour le lire, j’ai échelonné ma lecture sur plusieurs semaines.
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Il y a un côté Gotlib dans le dessin, d’ailleurs ce dernier a rédigé la préface du présent recueil. Noir et blanc seyant, petites cases et beaucoup de textes font de cette BD une œuvre dense, riche et exigeante. Il faut avoir le cœur bien accroché et l’esprit focus pour traverser sans encombre un ouvrage marquant à tout point de vue et qu’il serait bon de lire et relire par les temps qui courent...