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Le Capharnaüm Éclairé
16 mai 2025

"Kiki de Montparnasse" de Catel et Bocquet

 

L’histoire : Compagne et modèle de Man Ray, elle fut l’amie de nombreux artistes, de Cocteau à Modigliani et de Foujita à Picasso. Le fabuleux destin d’Alice Prin, alias Kiki de Montparnasse, est retracé dans cet album qui s’est vu décerner le Prix Essentiel Fnac-SNCF en 2008. Avec ce portrait d’une femme éprise de liberté, Catel et Bocquet entraînent le lecteur au cœur du Paris d’entre-deux-guerres, qui vit éclore une génération exceptionnelle de créateurs.

 

La critique de Mr K : Superbe expérience de lecture à nouveau avec cette biographie dessinée de Kiki de Montparnasse par Catel et Bocquet, les deux auteurs du déjà remarquable ouvrage de la même collection sur Olympe de Gouges. Tout est ici réuni pour passer un excellent moment : un personnage principal au destin incroyable et vrai, un contexte historique plus que riche et une mise en image et en mot parfaite et fidèle.

 

Avant ma lecture, je ne connaissais que vaguement Kiki et uniquement par le prisme de personnages connus avec lesquels elle a travaillé ou partagé des moments de vie, je pense notamment à Man Ray, un homme clef dans son existence. Née pauvre et démunie, prénommée Alice, Kiki est une femme libre, c’est ce qui la caractérise le mieux. Dotée d’un caractère fort, d’un franc parler à toute épreuve et d’une confiance en elle rare, elle va tout faire pour sortir de sa condition, monter à Paris et devenir modèle pour artiste puis chanteuse. Son surnom lui sera alors accolé car c’est dans le quartier de Montparnasse qu’elle atterrit de sa province, qu’elle va errer puis se faire connaître et devenir une artiste incontournable. Comme dans tout parcours de vie, elle va aussi flirter avec de grandes désillusions et vivre des moments difficiles. Sa vie a été un véritable roman et il est impossible d’arrêter sa lecture avant le dénouement. Quel destin !

 

 

On peut dire que la vie ne lui a pas fait de cadeaux, à commencer par une mère distante et rigide qui ne comprend pas sa fille et ceci depuis le début. D’ailleurs Kiki a grandi veillé par sa grand-mère essentiellement et se fait pas mal remarquer à l’école et en dehors. Elle finit par rejoindre sa mère à la capitale et travaille dans divers endroits dont vendeuse en boulangerie où un sculpteur va la complimenter sur ses "rondeurs". Elle finira par poser nue pour lui (ni plus ni moins) et sa mère s’en rendant compte la renie. C’est un choc pour Kiki qui à partir de là va mener entièrement sa vie à sa manière, c’est-à-dire à 100% sans donner matière à des regrets.

 

 

Gouailleuse, sexy, cultivée, drôle et sensible, la personnalité et la plastique de Kiki explosent dans ces planches. On ne peut que l’apprécier et se prendre d’affection pour elle. Qu’il est parfois dur d’être une femme pendant l’entre-deux-guerres y compris dans les milieux dits artistiques ! Femme bout de viande, femme porte manteau, femme potiche, femme objet sexuel, femme être inférieur, Kiki n’en a cure, elle veut percer, s’affirmer et ne dépendre de personne même si elle ne s’interdit pas de tomber amoureuse (Aaaaah ! Elle l’aime son Man Ray !). Elle ne s’aime pas beaucoup, notamment son nez qu’elle déteste mais cela ne l’empêche pas de se produire dans le plus simple appareil chez des artistes et de figurer sur des œuvres qui resteront immortelles ou de donner des tours de chants à faire tourner les têtes. Elle était née pour ça !

 

 

Mais il y a aussi le côté pile avec une dépendance très jeune à l’alcool, elle picole beaucoup et à l’occasion en met dans son nez. Son rythme de vie trépidant, ses rencontres et son caractère parfois jusqu’au-boutiste font qu’elle ne s’occupe pas vraiment d’elle et de sa santé. Au fil de la lecture, un malaise se fait jour à son endroit dans le cœur du lecteur, Kiki est tellement lumineuse, pleine de vie. Mais les fêlures sont bel et bien là, non soignées, et elle vont s’élargir. Une mélancolie la gagne, les addictions prennent de plus en plus de place dans son existence. Cela lui sera fatal, elle s’affaiblit vite et mourra en 1951 de manière précoce. Son portrait est vraiment bouleversant.

 

 

Le background contribue aussi beaucoup au plaisir de lecture, l’époque est passionnante, virevoltante et aussi parfois flippante. Ce sont les années folles avec entre autre l’émergence de nouveaux courants artistiques qui vont marquer l’histoire, l’espoir après la boucherie de 14-18 mais aussi la montée des fascismes et une société française divisée. Le parcours de Kiki s’attarde beaucoup sur la bohème, la vie des artistes qu’ils soient ou non déconnectés de leur époque selon leur personnalité ou leur art. C’est aussi un beau panorama de l’époque dans sa globalité dans ses allers-retours au pays, l’exploration de la capitale et le tout début de la libéralisation des mœurs.

 

L’ouvrage est de toute beauté avec des dessins en noir et blanc contrastés, dynamiques et enveloppant. On tourne les pages avec grand plaisir, curieux de suivre un parcours fascinant et émotionnellement fort. Un ouvrage à découvrir au plus vite.

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