"Aden ou la transparence de l'air" de Olmo
/image%2F0404534%2F20250426%2Fob_82233d_olmo.jpg)
L’histoire : Quand Amalia, excédée par ses absences et ses fréquentations, quitte Aden, jeune peintre fauché, celui-ci s’enlise dans de menus trafics. Errant aux marges de la ville, il croise un personnage énigmatique et hors du commun, le Caló, chaman mexicain androgyne qui l’initie aux mystères du duende, un démon intérieur qui "tourne autour des plaies", s’immisce dans les failles de l’être et va transformer son regard sur les choses et sa perception du réel.
La critique de Mr K : Un ouvrage noir et urbain au programme de la chronique du jour avec Aden ou la transparence de l’air de Olmo paru très récemment aux éditions Le Nouvel Attila. Récit d’une rupture et de ce qui s’en suit mais aussi récit d’une âme en peine et en déshérence, cet ouvrage se lit d’une traite avec un plaisir non dissimulé.
Aden se fait larguer par Amalia. Il tombe des nues. Eux deux étaient à la colle depuis un certain temps, ils se disputaient puis se réconciliaient régulièrement, c’était leur mode de fonctionnement. Ils vivotaient d’amour et d’eau fraîche à défaut de gagner correctement leur vie, notamment Aden qui n’a jamais percé dans le milieu de la peinture. Amalia partie, Aden se retrouve face à ses regrets et à lui-même.
Pour sortir la tête de l’eau (du moins au niveau financier), il se rapproche d’un petit trafiquant du secteur (Flock) et commence à baigner dans divers trafics. Il va côtoyer un monde interlope régit par les circuits parallèles, l’offre et la demande en mode clandestinité et va finir par croiser la route d’un jeune chaman mexicain (le Calo) qui l’initie à ses croyances dont le duende, sorte de démon qui possède son hôte et se raccroche à ses blessures, fêlures intérieures. Aden est mûr pour une introspection et le voyage sera intense et psychédélique.
Ce petit ouvrage d’environ 200 pages se lit d’une traite tant on est happé par l’histoire et séduit par le personnage principal. On a beaucoup écrit sur la rupture amoureuse mais je peux vous dire que cet ouvrage fera date sur le sujet. Il est question d’un amour absolu, total, inconditionnel au départ. La séparation va forcément faire grand effet sur Aden qui s’effondre totalement dans un premier temps. Écrit à la première personne, le récit est immersif au possible et rien ne nous est épargné des atermoiements d’Aden et du chemin qu’il décide de parcourir.
La caractérisation des personnages est un modèle du genre. C’est très fin, bien amené et au fil de la lecture les différents éléments collectés se complètent idéalement. On souffre avec Aden. Qui que ce soit qui a vécu une rupture très douloureuse s’y retrouvera. L’impression d’un grand vide, d’être au milieu du désert (depuis trop longtemps ?), la nécessaire reconstruction de soi, le renouvellement d’un lien avec le monde, se recentrer et se relancer. Vaste programme pour Aden qui est vraiment paumé à sa manière et va expérimenter nombre de choses. On vire donc parfois dans le planant, le délirant, surtout lorsque l’on croise le fameux Calo qui l’initie à des pratiques très éloignées des modèles spirituels occidentaux. On pense à Castaneda dans ces moments-là, à ces expériences de seconde vue et de transport par la pensée. Tout ici reste intelligible, entendable et éclaire le personnage d’Aden de manière surprenante.
Les autres personnages sont traités avec la même justesse. On revient ainsi au personnage d’Amalia via des flash-back bien disséminés aux bons endroits et l’on saisit mieux la situation, la nécessité pour elle de cette séparation. Les rapports d’Aden avec Flock sont aussi très intéressants à suivre, ils mêlent amitié et travail, on ne sait pas forcément sur quel pied danser avec cette relation. Cela donne quelques pages croustillantes, déstabilisantes à l’occasion aussi. Le background urbain rajoute un climax pesant entre lumières de la ville et détours profonds dans des lieux où l’on va rarement. Les descriptions ciselées sont une merveille à lire et provoquent une plongée totale au cœur de l’esprit humain et de Paris, ville d’ombre et de lumière.
Une très belle lecture qui se révélera à vous si vous savez vous laisser porter par le flot d’écriture et votre imagination. On touche ici au sublime, à l’art avec un grand A. Avis aux amateurs !