"Tout seul" de Chabouté
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L’histoire : 50 ans qu'il vit ici, sur ce caillou, dans son vaisseau de granit. Bateau immobile qui ne l'emmène nulle part et qui ne rejoindra jamais aucun port... Et pourquoi quitter ce lieu alors que le monde au-delà de cette satanée ligne d'horizon fait si peur ? Où s'évader lorsqu'on n’a nulle part où aller ? Comment combattre la solitude et empêcher que ce silence perpétuel ne devienne assourdissant ?... Des années passées sur son rocher, avec l'imagination comme seule compagne...
La critique de Mr K : Quel bonheur de lecture une fois de plus avec Chabouté, un de mes auteurs de BD préférés ! Dans Tout seul, il nous offre un remarquable récit sur la solitude avec une poésie de chaque instant, de chaque planche ou case. L’ouvrage se lit d’une traite avec un plaisir indéfectible.
Toute les semaines, le patron du chalutier le Dahlia se rend au phare automatisé pour déposer quelques caisses de vivres au bord du débarcadère. Il tient ainsi une promesse passée il y a longtemps auprès des anciens occupants des lieux dont le fils difforme survit seul dans ce microcosme perdu au milieu de l’océan, des vagues et des mouettes. Cela interroge son nouveau mousse, un gars au passé nébuleux, qui va s’intéresser de près à cette histoire pour le moins peu ordinaire.
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Nous alternons aussi avec des chapitres où nous suivons le naufragé de la vie qui vit sa vie par procuration, à travers sa lecture aléatoire du dictionnaire et la puissance de son imagination. Il n’a jamais mis les pieds à terre et ne connaît du monde que son environnement immédiat et les rêves et pensées qui l’habitent. Les deux personnages n’ont aucun lien mais la trame va les rapprocher et nous emmener vers un dénouement que j’ai trouvé pour ma part tout bonnement fabuleux.
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Je n’en dirai pas beaucoup plus pour ne pas en dévoiler trop mais sachez qu’on se laisse porter par la science millimétrée du récit de Chabouté qui n’a pas forcément besoin de mots pour nous guider. En témoigne les dix premières pages qui suivent le vol d’une mouette jusqu’au phare et qui plantent idéalement le contexte. On a affaire ici à des taiseux, on économise les mots mais les regards et postures en disent longs. Le noir et blanc sublime le sujet, lui rajoutant une gravité et une densité assez incroyable.
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Les thématiques abordées sont universelles avec la dureté d’une existence humaine, le travail ingrat mais aussi la solitude profonde qui s’imposent aux êtres différents, non adaptés à un monde souvent injuste et cruel. On traverse de nombreux états, on éprouve de multiples émotions dont une mélancolie envoûtante. La fin aurait pu être sombre mais elle est au contraire lumineuse et source d’espoir. J’ai refermé cet ouvrage avec un grand sourire aux lèvres, conscient d’avoir lu je pense, le meilleur ouvrage de son auteur.
Déjà lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Terre-neuvas
- Construire un feu
- Yellow cab
- La Bête