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Le Capharnaüm Éclairé
31 mars 2025

"Le Silence de nos amis" de Nate Powell, Mark Long et Jim Demonakos

 

L’histoire : Houston, 1967. En plein mouvement pour les droits civiques, Jack, reporter cameraman blanc pour une chaîne locale, se lie d'amitié avec Larry, un jeune professeur noir. Les deux hommes et leurs familles vont tenter de se rapprocher malgré les préjugés de toute une société, alors en proie à de grands changements. Alors que Jack couvre le procès d'étudiants noirs, qui risquent la peine de mort pour avoir tiré sur la police lors d'une manifestation, les tensions entre les communautés s'exacerbent, laissant présager du pire...

 

La critique de Mr K : Nouvelle très belle lecture que je vais vous présenter aujourd’hui avec ce roman graphique revenant sur des événements lointains de l’Histoire américaine mais trouvant un nouvel écho dramatique depuis janvier avec le retour de Trump au pouvoir aux USA et la banalisation de la parole extrémiste de droite sur les réseaux et les médias. Dans Le Silence de nos amis, Nate Powell, Mark Long et Jim Demonakos nous plongent dans le Houston de 1967 en plein cœur des événements liés au mouvement de défense des droits civiques. À travers l’exemple de deux trajectoires pas forcément destinées à se rencontrer, les auteurs nous livrent un formidable plaidoyer pour la tolérance et la compréhension de l’autre. Édifiant et passionnant, l’ouvrage se lit d’une traite.

 

 

Jack est donc un journaliste-reporter d’une chaîne locale, marié avec deux enfants, il s’intéresse de près aux événements qui secouent l’université locale. Cette dernière refuse d’accueillir des étudiants noirs, des actions sont alors menées pour faire plier les autorités. Jack y va pour interviewer les manifestants et se fait vertement rabrouer, la séparation raciale n’est pas un vain mot et la bêtise est présente dans les deux camps. Heureusement, il va rencontrer Larry, un jeune professeur afro-américain dont le poste est menacé et il va se créer entre eux un lien unique à l’époque. Pensez donc ! Un noir et un blanc qui fraternisent, échangent, se trouvent des points communs et commencent à se fréquenter... Tout n’est cependant pas gagné, ce lien va être mis à rude épreuve.

 

"Au bout du compte, nous ne nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis... mais du silence de nos amis"
Martin Luther King

 

Bien que court (environ 200 pages), l’ouvrage est d’une force rare. On colle au plus près des personnages notamment de Jack pour commencer. Engagé et militant, très pro, il se heurte à des forces contraires au sein même de sa rédaction gangrenée comme une bonne partie de la société US de l’époque par le racisme. Il doit jouer des coudes pour imposer ses sujets et la censure malheureusement fait son œuvre. Les auteurs croisent sa vie professionnelle et sa vie affective de manière fine, d’ailleurs le point de vue des enfants est aussi exploré avec les désordres qu’occasionnent une éducation sectaire. Cela heurte tout esprit progressiste.

 

 

Le personnage de Larry est intéressant aussi, lui qui a connu la ségrégation depuis toujours à cause de la couleur de sa peau. Ce n’est pas évident non plus pour lui de se lier avec un blanc, on le critique d’ailleurs dans les rangs de son organisation. Les tiraillements sont forts au nom de la Cause mais il va finalement se rapprocher de Jack et cela va donner de belles planches sur la découverte de l’autre. Mais cette collaboration respectueuse pose souci dans le contexte général.

 

 

L’immersion est totale dans cette période critique entre intolérance, angoisse sécuritaire et racisme de tous les jours. Le tout culminera avec l’assassinat de Martin Luther King (événement évoqué en fin d’ouvrage). C’est remarquablement transcrit, les tensions sous-jacentes sont bien mises en valeur et participent à l'instauration d’un climax malsain. À noter d’ailleurs que le récit est en partie basée sur le vécu d’un des auteurs ce qui renforce l'impact de l’œuvre.

 

 

Le noir et blanc convient parfaitement pour mettre en valeur le récit. Contrastée et douce à la fois, les planches se tournent toutes seules et l’on referme cet ouvrage avec l’idée qu’on a lu une pièce essentielle de la défense humaniste. À découvrir absolument.

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