Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Capharnaüm Éclairé
18 janvier 2025

"Quatre couleurs" de Thomas Terraqué

 

L’histoire : Obi est un enfant livré à lui-même, à l’imaginaire bien trempé, "idiot tellement qu’il en oublierait jusqu’à son prénom " Il traîne son ennui et son complexe d’infériorité dans les couloirs de son collège, toujours où on ne l’attend pas, toujours où il ne faut pas. Quand il perd son stylo quatre couleurs, auquel il prête des pouvoirs magiques, tout se mélange : l’impuissance et la brutalité des professeurs, son amour pour Candice, le rejet de ses camarades. Et le monde commence à buguer.

 

La critique de Mr K : C’est une fois de plus un très bel ouvrage dont je vais vous parler aujourd’hui. Il y est question de l’école au sens large, un thème qui me touche tout particulièrement étant moi-même de la maison Éducation Nationale et dont la passion n’a jamais faibli malgré les obstacles et la bêtise de nos dirigeants décennie après décennie. Dans Quatre couleurs, Thomas Terraqué nous propose un voyage intense au cœur du collège dans la diversité de ceux qui le fréquentent et les soucis qu’on peut y rencontrer. Volontiers poétique et incisif, cet ouvrage se lit d’une traite et avec un plaisir sans bornes malgré un constat implacable à sa manière.

 

L’auteur invite donc le lecteur à suivre plusieurs personnages en parallèle suivant les chapitres qu’il parcourt. Il y a Obi, un petit jeune issu des quartiers populaires aux difficultés prégnantes mais à l’imagination folle qui voue un culte à son stylo quatre couleurs qui donne son titre au roman, Monsieur V un professeur passionné par son métier devenu aigri par le temps et la maltraitance institutionnelle, Madame E la jeune prof frais émoulue de l’école qui veut changer le monde et doit trouver ses marques, Jocelyne l’agente de maintenance attachée à son bâtiment mais qui peste contre l’incurie de tous… Eux et quelques autres fréquentent le même établissement, se croisent, échangent, se heurtent et tout cela va mener à un dénouement des plus marquants.

 

Tous les personnages sont remarquablement traités et amenés. Les passages avec Obi sont touchants au possible, on y retrouve complètement les pré-ados d’aujourd’hui avec leurs questionnements et la quête de sens. Mal considéré par beaucoup - adultes et camarades -, il vit littéralement dans son monde, la vie ne lui a pas fait beaucoup de cadeaux jusque là mais Candice, une copine qu’il aime beaucoup, illumine sa vie. Son stylo quatre couleurs, c’est quelque chose, un objet qui à ses yeux pourrait changer le monde surtout que son univers bugue depuis quelques temps. L’objet fétiche disparaissant, il se met en quête pour le retrouver, il va pousser des portes, redécouvrir certains adultes et finir par prendre une décision pour le moins radicale.

 

En suivant Monsieur V et Madame E, l’auteur nous parle de nos enseignants, de mes collègues. De l’amour du métier, du plaisir du face à face pédagogique mais aussi parfois des renoncements et de la souffrance. Ces deux personnages se complètent à merveille, j’y ai retrouvé des petits morceaux de collègues et de moi-même. En toile de fond, la grande maison Éducation Nationale qui manque clairement de reconnaissance avec ses personnels, qui peut broyer les esprits - jeunes et vieux - et qui n’arrive jamais réellement à faire son examen de conscience. Cet aspect ne tombe pas dans la caricature, jamais. L’auteur épris de liberté par ses mots et son sous-texte, offre juste une vision équilibrée sur sans aucun doute le plus beau métier du monde contrarié et empêché par les politiques successives mais aussi l’usure du temps.

 

On alterne passé et présent, les destins se mêlent, se construit une étrange trame où l’on traverse pas mal d’états émotionnels. Nos personnages sont éprouvés, les temps changent, les idées et perceptions aussi. L’écriture est une pure merveille, la poésie est à fleur de mot tant dans la forme mais aussi les situations avec des visions bien souvent puissantes et évocatrices. Les pages se tournent toutes seules, nous habitent, nous transportent et lorsque l’on referme l’ouvrage, on a vraiment conscience d’avoir lu un livre à part, bouleversant et profondément humain. Une vraie petite bombe !

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Suivez-moi
Archives
Publicité