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Le Capharnaüm Éclairé
15 janvier 2025

"Le Plus vieux métier du monde" de Myriam Gallot

 

L’histoire : La conseillère d’orientation, ses parents ont décidé pour lui : il sera boucher.


Il a la carrure et surtout il n’a pas le choix. Pas au niveau pour le bac. Manuel par défaut. Mais ne dit-on pas que les bouchers ne sont jamais au chômage et gagnent bien leur vie ! Pourtant, la viande morte, ça le dégoûte.


Il commence son apprentissage chez Monsieur Pascal. Il accepte passivement son destin alors qu’à l’intérieur il brûle, il aspire à un monde où il pourra enfin vivre pour lui et non pour les autres.

 

La critique de Mr K : Nouvelle très belle expérience de lecture avec ce volume de la collection "D’une seule voix" de chez Actes sud junior pioché dans le CDI de mon établissement. Dans Le plus vieux métier du monde, Myriam Gallot fait parler un jeune homme apprenti boucher et nous explose au visage la souffrance d’une certaine partie de la jeunesse, les ambiguïtés du système scolaire et la quête de sens qui nous anime tous. C’est court, intense et rudement bien mené.

 

Toujours sous le principe du monologue intérieur comme les autres titres de la collection, cette fois-ci nous faisons la connaissance d’un apprenti perclus de doute et de colère. Estime de soi au niveau zéro et après un parcours scolaire chaotique, le voilà "orienté" vers les métiers de bouche parce que ça recrute, que ça touche bien et qu’il faut bien aller quelque part. Plus spectateur qu’acteur de ce process, on le perçoit dégoûté, désemparé et enfiévré.

 

Pourtant, il va chez M. Pascal, son boucher, maître de stage. Ce dernier par sa bienveillance et son attention (y compris les coups de gueule qui vont avec) l’accroche et même si ce n’est pas la grande passion, il s’intéresse et il s’applique. Les cadavres trop peu pour lui, la viande il aime mais ce n’est pas la folie non plus et il a peur des vaches depuis un incident arrivé petit… Tout semble aller contre lui mais il se passe quelque chose. Quelque chose qui le fait échapper à l’emprise de ses parents, à ce cercle vicieux d’échecs et de frustrations auxquels il échappait uniquement auparavant grâce aux jeux vidéos.

 

J’ai retrouvé beaucoup de mes gamins de 3PM dans cet ouvrage. La caractérisation de cet ado un peu perdu est une merveille de précision et de réalisme. L’entendre parler, s’exprimer sans filtre est frais, fun mais aussi dramatique parfois. On mesure bien la séparation abyssale entre ses aspirations floues et un système qui veut l’enfermer dans une case, dans une trajectoire qui pourrait ne pas lui convenir. C’est assez bouleversant et le narrateur / héros est touchant au possible. Le gouffre immense aussi entre les parents et leur progéniture, ces relations distendues par des années de tension, de reculs successifs et d’accompagnement mal dosé font de certaines scènes des moment âpres, épris de vérité.

 

La langue coule toute seule, l’ouvrage se lit en moins d’une heure avec un plaisir qui va crescendo. C’est brut de décoffrage mais empli de nuances et l’on se plaît à suivre ce destin pas encore totalement ligoté. La fin m’a paru un peu précipitée mais l’image finale est belle et représente bien en elle-même le combat que doivent livrer nombre de jeunes issus des quartiers populaires.

 

Une très belle lecture que je lirai sans doute à voix haute à mes jeunes pousses, nul doute qu’ils y trouveront un bel écho de leurs existences, pour faciliter l’émergence de nombreux questionnements.

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Commentaires
E
Merci pour ce partage qui m'intéresse tout particulièrement. Mon fils veut aller en 3PM, mais ne sait pas quoi choisir. Moi, je veux juste qu'il se sente bien car il est en train de perdre pied et je ne sais comment l'aider. Tu évoques des jeunes issus de quartiers populaires, ce n'est pas notre cas et ce n'est pas le cas de beaucoup d'élèves. Mon fils m'aime pas lire, il déteste les livres hormis les mangas, alors ton idée de le lire pour lui ne m'était pas venu à l'esprit et je te remercie pour ce conseil avisé.
Répondre
M
La lecture à voix haute est vraiment un bon biais pour refaire découvrir le plaisir de partager des histoires, le plaisir de la langue aussi. Souvent avec ma collègue prof-doc, on amorce une lecture puis les jeunes nous relaient et certains finissent même par emprunter des livres! ;)<br /> Je suis responsable de 3PM depuis 18 ans désormais et franchement c'est un super choix pour les mômes en perte de repères scolaires, qui souhaitent s'engager dans la voie pro (Lycée Pro ou apprentissage), il y a plein de filières et de passerelles. Par contre, il ne faut pas y aller pour retourner ensuite dans la voie générale. :)
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