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Le Capharnaüm Éclairé
10 janvier 2025

"Le Feu et la fureur" de Michael Wolff

 

L’histoire : Dans ce livre qui a mis le feu à l'Amérique et que Donald Trump a cherché à interdire, Michael Wolff nous entraîne dans les coulisses de la Maison Blanche et multiplie les révélations. Luttes de pouvoir, favoritisme, amateurisme, trahisons, scènes de famille... L'enquête démontre comment l'entourage intime et professionnel de Trump déploie une énergie considérable à camoufler l'ignorance, le manque de sang-froid et de scrupules du 45e président des États-Unis.


Difficile de ne pas être saisi d'effroi pour la marche du monde quand les principaux conseillers de la Maison Blanche se vouent une haine froide, quand les efforts des diplomates sont anéantis en quelques tweets présidentiels, quand les collaborateurs jettent l'éponge ou sont renvoyés sur un coup de tête, quand la First Lady et sa belle-fille sont à couteaux tirés... Difficile d'être président des États-Unis quand on est le premier surpris par son élection.

 

La critique de Mr K : Le 5 novembre dernier, les Américains élisaient à nouveau et de manière nette Donald Trump comme Président des États-Unis. Le choc passé (même si je m’y attendais), je repensais à cette ouvrage que j’avais dégoté lors d’un troc et puces et qui séjournait depuis trop longtemps dans ma PAL. L’occasion faisant le larron, je décidai de l’exhumer afin de me replonger dans le début du premier mandat de cet homme qui n’a jamais cru alors qu’il pourrait être élu. Michael Wolff, journaliste hors pair qui s’est livré à un travail de fourmi en terme de documentation et a récupéré un grand nombre de témoignages clefs, livre avec Le Feu et la fureur un document unique et marquant, révélateur de la défaillance morale et civique de la plus grande démocratie du monde. Nous devrions nous français en prendre de la graine d’ailleurs…

 

Loin d’être rébarbatif, ce livre se lit comme un feuilleton à rebondissements. L’écrivain a fait un travail remarquable pour rendre l’ensemble digeste et passionnant. Bien sûr on flippe, on se demande comment parfois c’est possible que des personnes telles que celles que l’on rencontre dans ces pages puissent atteindre de si hauts sommets, comment certains arbitrages ne sont liés qu’à des manœuvres de manipulation ou des impulsions soudaines d’un homme malade à sa manière. Mais finalement, quand on explore les arcanes du pouvoir à travers l’histoire, beaucoup de logiques et de rouages ne sont que la reproduction de modèles déjà présents dans les pratiques politiques depuis l’Antiquité.

 

Trump ne devait, ne pouvait pas être Président. Candidat anti-système, honni des démocrates mais aussi par un bon nombre des ténors du Parti républicain, l’outsider devient d’un coup le candidat du Old Party et finit par décrocher la timbale. L’auteur sur les premiers chapitres revient sur cette ascension avec des sources de premier choix et des lignes très intimistes où l’on voit le candidat dans le plus simple appareil, face à ses doutes, son incapacité aussi à se remettre en question. Puis c’est le choc, la nécessité de constituer une équipe alors qu’on a presque pas de réseau politique, la passation du pouvoir avec Obama et les premières semaines chaotiques. Défilent ensuite les mois.

 

Rien n’échappe au regard acéré de Michael Wolff. Ce dernier insiste notamment sur l’entourage de Trump. Ces proches qui se livrent des guerres intestines, une femme pragmatique qui ne tient vraiment pas à être la first lady, le lobbying des uns et des autres qui tentent d’infléchir un homme imprévisible au caractère bouillonnant et aux réactions très souvent puériles. Garçon brimé, dirigé d’une main de fer par son père, Trump est avant tout un héritier, un aventurier de l’économie qui a d’ailleurs raté le coche et attiré les problèmes. En tant que Président c’est la même chose même si son statut et sa position le protègent.

 

On mélange ici allégrement le pouvoir, la famille, le business. Ligne directrice : détruire systématiquement l’héritage de son prédécesseur, rendre l’Amérique grande à nouveau en détruisant l’État fédéral, source de tous les maux (avec l’immigration) selon la doctrine trumpiste. Ces problèmes sociétaux essentiels ne sont que des vitrines vides pour un Président souvent en roue libre, impulsif, qui ne semble pas toujours mesurer les effets à long terme que telle ou telle décision pourrait provoquer. Peu de personnes peuvent réellement l’influencer, certains appuient sur le bouton pour le faire réagir mais le fera-t-il dans leur sens ? Bien peu s’en remettent et des jours d’efforts peuvent partir en fumée en un tweet rageur d’un Trump insomniaque accro au réseau social et à l’auto-apitoiement.

 

Valse des conseillers, crises familiales, premières interventions internationales se mêlent dans un chaos parfois indescriptible où la préparation n’est pas la priorité. Gouverner n’est pas un jeu et les approximations qui s’enchaînent bouleversent les équilibres et montrent une montée des tensions terrible que ce soit en interne à la Maison Blanche, dans le pays ou même le monde. Sans compter le déchaînement de la presse, de l’opinion internationale et des dirigeants des pays alliés, les affaires qui remontent, les liens obscurs avec la Russie… Ce drama est riche, très riche et mon suivi régulier de l’actualité m’a bien aidé pour tout remettre en perspective.

 

Cela se lit d’une traite, sans bavure. On tombe littéralement de Charybde en Scylla et l’on se dit à la vue des nominations que Trump égraine depuis la mi novembre aux postes clefs de son administration pour janvier 2025 et les rapprochements pragmatiques de ces derniers jours des tenors du numérique que le pire est à venir. Cette lecture fut donc instructive, éprouvante mais aussi nécessaire et éclairante. À lire absolument si vous êtes amateur du genre et passionné des USA comme je peux l’être.

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Commentaires
E
Merci pour cet article très riche (comme toujours) et très intéressant (comme toujours).<br /> Je ne le lirai surement jamais, mais j'ai pris beaucoup de plaisir à te lire.
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M
Merci pour ces compliments. Je peux comprendre qu'un tel livre n'attire pas, c'est vraiment flippant. Mais je crois que le Trump version 2025 sera encore pire... Et là, je me rends compte que je te fais encore plus angoisser... désolé. ;)
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