"L'Outrage fait à Sarah Ikker" de Yasmina Khadra
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L’histoire : "Sarah aurait tant aimé que son mari se réveille et qu’il la surprenne penchée sur lui, pareille à une étoile veillant sur son berger. Mais Driss ne se réveillerait pas. Restitué à lui-même, il s’était verrouillé dans un sommeil où les hantises et les soupçons se neutralisaient, et Sarah lui en voulait de se mettre ainsi à l’abri des tourments qui la persécutaient. Aucun ange ne t’arrive à la cheville, lorsque tu dors, mon amour, pensa-t-elle. Pourquoi faut-il qu’à ton réveil tu convoques tes vieux démons, alors qu’il te suffit d’un sourire pour les tenir à distance ?"
Couple comblé, Sarah et Driss Ikker mènent la belle vie à Tanger jusqu’au jour où l’outrage s’invite à leur table. Dès lors, Driss n’a plus qu’une seule obsession : identifier l’intrus qui a profané son bonheur conjugal.
La critique de Mr K : Cela faisait un petit bout de temps que je n’avais pas lu un Yasmina Khadra, un auteur que j’affectionne tout particulièrement. Conteur hors pair, fin observateur critique de notre monde, j’étais bien content de tomber sur ce titre par hasard. Dans L’Outrage fait à Sarah Ikker, il nous invite à une plongée sans concession dans le Maroc moderne entre violence, corruption et folie galopante.
Sarah et Driss Ikker forment un couple parfait. Elle est l’héritière d’une famille en vue de Tanger, il est un jeune flic très prometteur en pleine ascension. Un soir, Driss retrouve Sarah ligotée sur le lit nuptial. Elle a été violée par un inconnu et l’infamie le frappe de plein fouet. Son monde s’écroule et il n’a plus qu’une idée, retrouver le coupable et le faire payer. Mais quid de Sarah qui se mure dans le silence ? Commence un étrange ballet entre les différents personnages et les apparences pourraient bien être trompeuses…
Comme souvent avec cet auteur, on ne perd pas de temps. Tout est posé en une trentaine de pages et c’est parti pour une lente et longue descente aux enfers pour Driss que l’on suit de près. La vengeance l’aveugle, lui le policier plutôt intègre qui collabore avec des agents dont la morale n’est pas très claire. Il devient impulsif, dépasse les lignes rouges et la paranoïa le gagne sous prétexte de quête de vérité. En parallèle d’une enquête retorse où les fausses pistes vont s’avérer nombreuses, l’auteur nous offre des flash-back réguliers sur le passé du couple, leur rencontre, leur relation et le contexte général dans la Police.
Tout est mené une fois de plus par Khadra avec une grande finesse. La caractérisation des personnages est à nouveau un modèle du genre avec un traitement léché pour tous, y compris certains personnages secondaires. Rien ne nous échappe de l’évolution de chacun avec une mention spéciale pour un Driss en roue libre, habité par le doute, le chagrin et la honte. Il n’est pas au bout de ses surprises, la fin lui réservant une révélation que je n’avais pour ma part pas vu venir. Et puis en parallèle, le roman emprunte un chemin bien noir avec la dissection du couple et les atermoiements qui l’accompagnent lors d’un choc si important.
Rapports de pouvoir, corruption, petits coups de main entre amis ou en famille... On se balade aussi dans la société tangerine entre palais mirifiques et quartiers déshérités où le danger rode dans les ruelles mal éclairées. Les scènes s’enchaînent avec un réalisme et une puissance d’évocation forts, l’immersion est totale et rajoute à la tension qui habite le personnage principal. Il n’y a pas de quoi être rassuré face à certaines habitudes mais on retrouve aussi la joie de vivre et le sens du partage marocain au détour de quelques pages.
Ce livre est un petit bijou d’addiction, ce polar dépote et se lit tout seul. Certes la trame est plutôt classique, ce n’est certainement pas le meilleur titre de l’auteur mais on retrouve à nouveau sa patte, son talent pour raconter une histoire. On passe donc un bon moment et les amateurs peuvent y aller les yeux fermés, c’est du bon.
Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm Éclairé :
- L'Attentat
- Les Hirondelles de Kaboul
- Les Agneaux du seigneur
- Ce que le jour doit à la nuit
- L'Équation africaine