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Le Capharnaüm Éclairé
8 décembre 2024

"Les sentiers de neige" de Kev Lambert

 

L’histoire : C’est le dernier Noël avant la bascule vers l’âge des grands, le dernier Noël où l’on croit à toutes les magies. Zoey retrouve sa cousine Émie-Anne, avec laquelle il partage un pacte et une mission : sauver Skyd, un héros échappé de son jeu vidéo, qui semble en difficulté, et qui va les guider dans la résolution de leurs traumas.


Par haine des repas de famille, et hantise de la solitude, les deux cousins vont se chercher des alliés dans un monde où le doute affleure à chaque pas.

 

La critique de Mr K:  C’est une sacrée découverte littéraire dont je vais vous parler aujourd’hui avec ce titre paru en cette fin d’année chez le Nouvel Attila, une maison d’édition où brio littéraire ne rime jamais avec ennui ou pédantisme. Dans Les sentiers de neige, Kev Lambert nous offre un remarquable voyage aux confins de l’enfance, dans sa fragilité, sa construction et sa disparition à l’aube de l’adolescence. C’est profond, juste et incroyablement addictif avec une langue inventive et chantante tout droit venue d’outre-atlantique.

 

Zoey, huit ans, est un petit garçon qui en cette veille de vacances de Noël ne va pas bien. Déjà qu’il doit jongler entre ses deux parents récemment séparés, il est régulièrement embêté à l’école par une bande de garçons qui prennent un malin plaisir à lui faire des coups tordus. Une chicanerie plus grave que l’ordinaire provoque chez lui une crise et le voila envoyé dans le bureau du psychologue de l’école. En attendant le thérapeute, il aperçoit brièvement le Skyd, un personnage récurrent de son jeu vidéo préféré Zelda. Rêve ou réalité? Il passe à autre chose.
 

Quand arrivent enfin les vacances tant attendues, il parle de son étrange expérience à sa cousine, Emie-Anne, lors de la traditionnelle réunion de famille qui se tient chaque année pour fêter Noël. C’est la seule personne dont il se sent proche, à qui il peut se confier. Il lui parle donc de l’apparition de cet étrange lutin facétieux qui porte un masque effrayant. Les deux gamins décident de partir en quête pour le capturer. Mais difficile de mettre la main sur ce petit démon masqué qui vient d’un jeu vidéo, ne parle pas, reste dans son coin et épie très discrètement.

 

Le récit oscille constamment entre plusieurs genres, fantastique, conte de Noël, chronique sociale et familiale. En premier lieu, c’est une magnifique évocation de l’enfance et l’évolution psychologique éprouvante qu’elle constitue. C’est l’apprentissage difficile de la vie avec son lot de stratagèmes alambiqués sensés permettre d’obtenir ce qu’on veut, contourner les adultes et leurs règles insaisissables et souvent injustes aux yeux des mômes. Le récit se lit à travers les yeux d’enfants de huit / dix ans via un choix d’énonciation judicieux et osé, le discours indirect libre qui offre une liberté de tous les instants et une intériorité totale.

 

On entre dans l’imaginaire débridé de ces enfants confrontés au monde des adultes. Ils ne se comprennent pas et l’on partage les doutes, les inquiétudes, les peurs qui animent Zoeh, un être sensible trop couvé par sa mère et au père brut de décoffrage. La nuit du réveillon et le lendemain vont mettre à mal ses certitudes et les jours qui suivent vont même lui révéler la nature des inquiétudes qui l’habitent et le font souffrir sans qu’il en ait réellement conscience. Lui et sa cousine, comme tous les enfants de leur âge, élaborent des espaces hors du temps et de la réalité pour embellir l’ordinaire, l’univers des adultes, ce qu’on leur sert et les promesses non tenues. Je peux vous dire qu’à de nombreuses reprises, on a le cœur au bord des lèvres. Les scène de famille sont vivantes à souhait, les décors enneigés magnifient l’ensemble et donnent une tonalité décalée entre calme et sauvagerie qui accompagne à merveille le parcours des protagonistes.

 

Le roman est un modèle d’écriture. Il évite bien des écueils à commencer par la niaiserie ou l’évitement. On est dans du brut, dans l’immersif, rien n’est épargné à personne dans cet ouvrage pour une belle quête d’identité et de vérité. L’histoire est rédigée en français du Québec et non en français académique, ce qui donne une verve, un souffle puissant à l’ouvrage. Ah que j’aime ces expressions si emblématique telles que Calice, on s’en tabarnacle, fuck de crisse, pogner !  L’ensemble est compréhensible, on se laisse guider, prendre et littéralement emporter. Les pages se tournent toutes seules et le temps défile sans qu’on ne s’en rende compte.

 

Je n’en dirai pas plus pour ne pas trop en dire, ce roman méritant qu’on le découvre entièrement. C’est un pur chef d’œuvre, on a rarement adopté le point de vue d'enfants avec autant de brio. C'est beau, puissant, émouvant et drôle à la fois, le tout emballé dans une langue gouleyante et poétique. LA claque ! Y’a pas à dire, ils sont forts ces québecois !

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