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Le Capharnaüm Éclairé
9 octobre 2024

"Megalopolis" de Francis Ford Coppola

 

L’histoire : Megalopolis est une épopée romaine dans une Amérique moderne imaginaire en pleine décadence. La ville de New Rome doit absolument changer, ce qui crée un conflit majeur entre César Catilina, artiste de génie ayant le pouvoir d’arrêter le temps, et le maire archi-conservateur Franklyn Cicero. Le premier rêve d’un avenir utopique idéal alors que le second reste très attaché à un statu quo régressif protecteur de la cupidité, des privilèges et des milices privées. La fille du maire et jet-setteuse Julia Cicero, amoureuse de César Catilina, est tiraillée entre les deux hommes et devra découvrir ce qui lui semble le meilleur pour l’avenir de l’humanité.

 

La critique de Mr K : 6/6. Quelle claque ! Je suis allé voir ce film sans avis préconçu et seulement après avoir vu la bande annonce au cinoche lors d’une séance précédente. Je savais juste que le film donnait lieu à des avis tranchés, on adore ou on déteste… Vous savez désormais à quel camp j’appartiens.

 

 

Nouvelle Rome est la cité État la plus puissante du monde et l’on se bat pour la contrôler et la développer selon ses envies, ses relations, ses rêves. Différents clans, familles et individus se disputent le morceau à travers leurs réseaux d’influence entre politique, mafia, réseaux médiatiques et rêves utopiques. Il y a les Cicero dont le patriarche est le maire actuel de Nouvelle Rome, un politicien qui utilise de vieilles recettes. Crassus banquier richissime dont le fils aîné se voit bien devenir le premier magistrat de la ville via une stratégie trumpiste. Vow Platinum, journaliste / influenceuse issue de la plèbe qui ne recule devant aucun sacrifice pour monter les échelons et enfin Caesar, architecte utopiste, qui souhaite avant tout le bonheur et la félicité pour tous. Ce film nous conte (et ce n’est pas un vain mot, le mot "fable" étant apposé sous le titre) les luttes d‘influence et de pouvoir, la chute d’un modèle sociétal arrivé à bout de souffle.

 

 

J’ai ouï-dire que le film était complexe à comprendre, ésotérique. Visiblement l’ami Franck et moi-même n’avons pas vu le même métrage, franchement cela se regarde sans souci, tout est compréhensible, assez classique même dans le rapport des forces en présence et le déroulé de l’intrigue. Certes la forme est étrange parfois (j’y reviendrai) mais clairement, ce film est purement mainstream en terme de narration. Quelle densité d’ailleurs ! Il ne dure que 2h16 mais on assiste vraiment au changement d’un paradigme, d’un monde. Entre les tenants de l’ancien système, les rapaces avides de plus de pouvoir et de richesse et un Adam Driver qui plane (dans tous le sens du terme), on ne s’ennuie pas une seconde et l’on en prend plein les mirettes.

 

 

Le réalisateur a son âge et pourtant il est plus révolutionnaire et rebelle que jamais. La critique de notre monde est fine et franche. L’espèce humaine d’ailleurs n’en ressort pas forcément grandie tant nos pulsions et penchants sont exposés au grand jour : la politique politicienne, la toute puissance dédaigneuse des élites, l’asservissement du plus grand nombre par le rêve consumériste et les médias aux ordres, la cupidité qui verse dans la cruauté avec un Shia Le Boeuf plus chien fou que jamais (si si c’est possible), la manipulation des faits et des êtres par des moyens multiples et variés. Pour mieux souligner ces tares, Coppola choisi la métaphore filée de l’époque romaine avec des interludes gravés dans la pierre du plus bel effet et une gradation saisissante dans la chute et peut-être ensuite la relève.

 

 

Ce film c’est aussi le rêve fou d’un monde parfait où chacun aurait ce dont il a besoin sans nécessairement écraser les autres. Ce rêve est incarné par César, Adam Driver excelle une fois de plus mais cela ne m’étonne plus tant il est pour moi un des acteurs les plus doués de sa génération, un personnage complètement à l’ouest, déterminé et fou de douleur suite à la perte de sa femme. Son rapprochement et son amour avec la fille du maire Cicéro va le remettre en selle et le conduire à aller plus loin dans son projet. Belle histoire d’amour que celle-ci, pure, sans chichis, la fleur bleue que je suis a apprécié aussi cet aspect du film. Cela contraste avec les horreurs que César peut subir et les tractations / stratagèmes secrets mis en place par ses opposants. Le métrage est porteur d’un très beau message, nous restons dans l’utopie ne l’oublions pas et les phrases gravées dans le marbre en fin de film restent longtemps en tête d'un spectateur sur les fesses face à un tel spectacle.

 

 

Le film est magnifique en terme technique, quelle maestria ! Il a un aspect très seventies dans le découpage, la manière de mêler actions, scènes, manchettes de journaux, gros titres des JT, dessins évolutifs. Les passages planants sont légion avec des scènes déjà cultes comme la méga charge que se prend César lors d’une soirée, les joutes verbales nombreuses qui émaillent le film, la vision finale. L’inventivité est ici le maître mot avec des plans, des mouvements de caméra que je n’avais pas forcément vu auparavant. Ce réalisateur est un génie. Musique, image, son, acteurs (quel casting !), tout concourt pour passer un moment mémorable. On est dans le grandiose, le métaphorique, parfois le grandiloquent mais quand on capte le projet dans son ensemble, on ne peut que souscrire aux partis pris adoptés.

 

 

Ce film sera sans aucun doute mon préféré de l’année (il me reste encore quelques films à voir). Certes il ne plaira pas à tout le monde, il a un côté ovni mais heureusement que des films comme ceux là existent encore, donnent envie de croire en l’humanité et d’aller en salle obscure. Un pur bijou !

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