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Le Capharnaüm Éclairé
14 octobre 2024

"Les Ames de feu" d'Annie Francé-Harrar

 

L’histoire : En étudiant des échantillons de sol récoltés à proximité des métropoles, Henrik avait suivi la progression de la catastrophe. La bactérie, aussi petite qu’utile, était anéantie en périphérie des usines. De sorte que, si des matières en décomposition se retrouvaient dans le sol, elles ne pouvaient plus être transformées en matière vivante. Les plantes et les animaux souffraient de la faim à leur tour. Seuls les humains, dans leurs tours, dans leurs habitats approvisionnés en air purifié, avec leurs aliments artificiels, pouvaient surmonter cela et y survivre. Eux seuls.

 

La critique de Mr K : Attention lecture rare et fortement appréciée en vue. Débarquée des années 1920 pour sa première traduction en français seulement en 2024, Les Âmes de feu d’Annie Francé-Harrar est un livre avant-gardiste pour son époque. L’auteure y mentionne nombre d’éléments et de développements politico-économico-sociaux qui aujourd’hui sont au cœur de nos préoccupations avec comme point central l’Homme et son rapport à la nature. Aussi brillant dans le contenu que moderne et accessible dans sa forme, voila une lecture qui m’a marqué et dont le souvenir restera longtemps graver dans ma mémoire.

 

Dans un futur indéterminé, la majorité des humains vivent désormais dans des métropoles dont le nom n’est plus qu’un numéro. C’est le règne de la Culture sur la Nature, le progrès est basé uniquement sur notre capacité à domestiquer voire à nous passer de la nature. Quelques irréductibles font le choix de vivre dehors, en milieu naturel, ce sont les "cabaniers" mais ils sont très mal vus et considérés comme des êtres inférieurs. La technologie a fortement évolué, le travail n’est plus qu’un lointain souvenir (on travaille qu’une à deux heures par jour), le goût de l’effort a disparu. Tout déplacement se fait quasiment uniquement avec des autinos, léger véhicule que tout le monde possède. Dans ces villes géantes, tout est calme, confort et union de tous, chacun est numéroté et le chef est côté à 50000.

 

Les deux principaux protagonistes sont Henrik 19530 et Alfred 6720. Le premier est un scientifique chercheur qui s’intéresse beaucoup à la Nature. Il n’est donc pas en odeur de sainteté surtout que ses découvertes lui laissent penser que la fin est proche, que l’incurie humaine va déboucher vers une apocalypse. Il attire ainsi l’attention du ministère impair garant de l’ordre et de la sérénité d’une société prospérant dans le déni du vivant. Cependant des premiers signes finissent par apparaître et vont précipiter les événements alors que le jeune Alfred lève le voile sur les buts réels des autorités et découvre avec son maître la splendeur et l’aspect sauvage de la nature.

 

Écrit en 1920, cet ouvrage ne fait pas du tout son âge. L’écriture est d’une vivacité et d’une modernité incroyables. La langue est souple, évocatrice sans jamais être pesante. Les thématiques abordées sont plus que jamais d’actualité avec un axe original dans le traitement de sa dystopie, le compost et l’importance d’une terre saine et d’un humus vivant. C’est la spécialité de l’auteure, scientifique reconnue dans son domaine et pionnière en terme d’écologie. L’évolution du récit tourne donc autour du respect essentiel de l’homme à la nature pour ne pas qu’il se perde en chemin. Il est aussi question de pouvoir, de volonté de conserver ses avantages économiques au détriment du plus grand nombre et même du monde.

 

Les personnages sont très bien caractérisés. On s’attache immédiatement aux deux héros qui se battent à leur manière contre un ordre des choses délétère et liberticide. On fréquente avec eux les coulisses des puissants, leur mépris de la Nature au profit de la sacro-sainte Culture basée sur la technologie mais sans aucun supplément d’âme. C’est aussi la rencontre avec les hommes des bois, exilés forcés ou volontaires selon le protagoniste, c’est le retour à la terre, à l’autogestion via l’agriculture et l’élevage. Ils sont heureux bien que reclus dehors.

 

Quand on arrive dans le dernier tiers apparaissent les stigmates du mal causé à la planète. On vire dans le fantastique bien senti avec des scènes saisissantes et une logique implacable. On referme le livre si vite qu’on ne s’est même pas rendu compte qu’on arrivait à la fin. Quel plaisir ! Une belle et grande nature pour une redécouverte littéraire essentielle.

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