"Quand sort la recluse" de Fred Vargas
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L’histoire : "- Trois morts, c'est exact, dit Danglard. Mais cela regarde les médecins, les épidémiologistes, les zoologues. Nous, en aucun cas. Ce n'est pas de notre compétence.
- Ce qu'il serait bon de vérifier, dit Adamsberg. J'ai donc rendez-vous demain au Muséum d'Histoire naturelle.
- Je ne veux pas y croire, je ne veux pas y croire. Revenez-nous, commissaire. Bon sang mais dans quelles brumes avez-vous perdu la vue ?
- Je vois très bien dans les brumes, dit Adamsberg un peu sèchement, en posant ses deux mains à plat sur la table. Je vais donc être net. Je crois que ces trois hommes ont été assassinés.
- Assassinés, répéta le commandant Danglard. Par l'araignée recluse ?"
La critique de Mr K : Aaaaah quoi de mieux qu’un Fred Vargas comme lecture estivale ? Pas grand-chose, tant il est bon de retrouver le commissaire Adamsberg et toute sa brigade pour un long roman de près de 500 pages qui fait la part belle à une enquête tortueuse à souhait et le quotidien drolatique de l’équipe. Quand sort la recluse fait honneur à la série, il fait même désormais partie pour moi des tous meilleurs et je l’ai littéralement dévoré lors de nos vacances dans la verdoyante Corrèze.
Nouvelle affaire pour Adamsberg avec ces morts étranges imputées à des morsures d’araignée. Point commun, les victimes sont tous des hommes âgés qui ont fréquenté le même orphelinat. Pas de quoi s’inquiéter à priori, il s’agirait d’accidents. Adamsberg et un de ses adjoints adepte de zoologie n’y croient cependant pas, pour eux ce sont des meurtres. Ce genre de décès est très rare et la probabilité que plusieurs se produisent à quelques semaines d'intervalle est de l’ordre de l’impossible. De plus après les débuts d’enquêtes, une morsure ne suffit pas pour tuer un être humain. Tout cela est louche et cache quelque chose.
Il s’agit ici de l’enquête principale qui n’a pour le coup rien d’officielle. Adamsberg suit une fois de plus son flair légendaire et sa capacité à lire dans la brume. Cela ne plaît pas à tout le monde, à commencer par son fidèle adjoint Danglard qui freine des quatre fers. La brigade va s’en trouver divisée en deux, la tension est à son comble, une première dans un roman de la série. Les investigations se font donc en douce avec un luxe de précautions et les fausses pistes vont s’avérer nombreuses. Faux semblants, témoignages et flash-back désarçonnants, erreurs de jugements font de cette enquête un puzzle jubilatoire même si les personnages mangent leur pain noir.
Les personnages, c’est le point fort de tout ouvrage de Fred Vargas qui se respecte. On retrouve les éléments de la brigade avec un Adamsberg fidèle à lui-même, force tranquille, planant dans son genre, aux intuitions fulgurantes mais aussi aux errances parfois problématiques pour son équipe. Il va devoir en plus ici se confronter à l’opposition de Danglard, son second et la tension va être poussée à son paroxysme dans ce roman. J’adore toujours autant les interactions entre ces deux là et l’on creuse ici la force de leur lien malgré des scènes parfois bien brutales entre eux deux. Les seconds couteaux ne sont pas en reste avec des flics attachants, parfois complètement barrés et toujours le fameux chat Boule qui squatte la photocopieuse et qu’il faut nourrir sans faute sous peine de subir ses lamentations. Et les nouveaux venus, liés à l’intrigue principale, ne sont pas en reste avec un coupable bien retors et touchant que j’ai apprécié et à qui on a du mal à jeter la pierre. C’est ça aussi un Vargas, chacun a sa zone d’ombre et de lumière, on est loin du manichéisme de bas étage et l’on flirte au plus près de la complexité humaine.
Immédiatement, on est en terrain connu et conquis. La langue gouleyante, ironique et poétique de l’auteure fonctionne à plein. On se régale littéralement avec une caractérisation fine des personnages, une intrigue menée de main de maître et une langue délectable à souhait. C’est bien simple, il est très difficile (voire impossible) de relâcher ce livre avant d’en avoir fini avec lui. On est dans le domaine de l’orfèvrerie en matière de roman policier et tout amateur de Fred Vargas ne peut passer à côté. Un très très bon ouvrage.
Déjà lus, appréciés et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- L'Homme à l'envers
- Sous les vents de Neptune
- Dans les bois éternels
- Un lieu incertain
- L'homme aux cercles bleus
- Coule la Seine
- Sans feu ni lieu
- Ceux qui vont mourir te saluent
- L'Armée furieuse
- Temps glaciaires
- Pars vite et reviens tard
- Debout les morts
- Un peu plus loin sur la droite