"Les derniers jours du Paradis" de Robert Charles Wilson
L’histoire : Alors que l'Amérique se prépare à fêter les cent ans de l'Armistice de 1914, un siècle de paix mondiale, d'avancées sociales et de prospérité, Cassie n'arrive pas à dormir. Au milieu de la nuit, elle se lève et va regarder par la fenêtre. Elle remarque alors dans la rue un homme étrange qui l'observe longtemps, traverse la chaussée... et se fait écraser par un conducteur ivre. L'état du cadavre confirme ses craintes : la victime n'est pas un homme mais un des simulacres de l'Hypercolonie, sans doute venu pour les tuer, son petit frère et elle. Encore traumatisée par l'assassinat de ses parents, victimes sept ans plus tôt des simulacres, Cassie n'a pas d'autre solution que fuir de nouveau.
La critique de Mr K : De la SF bien paranoïaque au menu de la chronique du jour avec un ouvrage de Robert Charles Wilson, un auteur que j’aime tout particulièrement et qui ne m’a jamais déçu. Les derniers jours du paradis ne déroge pas à la règle, on a affaire à un très bon roman qui même s’il n’est pas parfait propose un vrai trip de lecture aussi enthousiasmant qu’addictif.
2014. Tout débute par une scène des plus anecdotiques. Une jeune fille, Cassie, n’arrive pas à dormir et regarde par la fenêtre. Elle remarque un homme qui semble l’espionner de l’autre côté de la rue, regardant avec insistance dans sa direction. Au moment où il traverse la rue, il se fait renverser et tuer par un automobiliste. En s’approchant de la scène, elle se rend compte qu’il ne s’agit pas d’un être humain mais d’un Simulacre (aussi appelés Sim), un être hybride composé d’organes humains et d’un étrange liquide visqueux vert. Le doute n’est pas permis, la jeune fille et son jeune frère Thomas sont en danger, il faut fuir immédiatement sans même prendre le temps de prévenir leur tante qui les héberge. On en a après eux…
Cassie et Thomas sont orphelins. Leurs parents ont été assassinés il y a plusieurs années par des sims issus de l’Hypercolonie, une entité venue de l’espace qui semble contrôler le sort de la planète. Depuis son arrivée, plus de 100 ans auparavant, une paix durable semble effective depuis l’armistice de 1914. La Société Des Nations remplit son office et garantit un semblant d’équilibre dans le monde même si des conflits larvés peuvent éclater ici ou là à l’occasion. Peu de personnes semblent être au courant sauf les membres de la mystérieuse Correspondence society à laquelle appartenait justement les géniteurs disparus lors des massacres de 2007. Gare à ceux qui en savent ou en disent trop ! Ce réseau clandestin vit donc dans l’ombre, dirigé par le milliardaire Beck dont on ne sait au départ pas grand-chose si ce n’est qu’il a un fils Léo qui vit en dilettante et de petite délinquance. Cassie s’impose, le retrouve et voila les jeunes gens sur les routes pour retrouver Beck et savoir ce qu’ils doivent faire, sachant qu’ils sont désormais des cibles à priori à éliminer.
Le récit est mené tambour battant. On passe d’un point de vue à un autre, d’un chapitre sur l’autre. D’un côté, on suit les adolescents dans leur fuite éperdue avec son lot de galères pour se déplacer, se nourrir, se loger en suivant les indices laissés par le chef de la Correspondence society. De l’autre, ce sont les adultes qui sont à leur recherche dont l’oncle et la tante de Cassie, le premier ayant un rôle clef dans la communauté et les clefs de compréhension sur le phénomène de l’hypercolonie (qui s’approche dans son fonctionnement à ce que l’on peut observer dans certaines espèces d’invertébrés). Ça tombe bien, l’oncle est entomologiste. On navigue très longtemps à vue, l’auteur multipliant les ellipses, livrant les réponses au compte goutte au milieu de scènes souvent fulgurantes et parfois des révélations qu’on ne voit pas venir.
La psychologie des personnages est très poussée, on creuse vraiment leurs états d’âme, leur évolution aussi surtout chez les plus jeunes. Les changements sont à la hauteur des événements qu’ils subissent et Wilson s’y entend pour caractériser avec réalisme les humains qui peuplent ces pages où l’on croise aussi les mystérieux sims qui tour à tour font bien flipper (j’ai pensé tout du long au film L’Invasion des profanateurs ou encore Le Village des damnés) et étonnent aussi car derrière leur apparente unité, se cache une évolution non prévue. Certains passages sont bien hard SF pour expliquer la nature profonde de l’hypercolonie, donnant un aspect très réaliste au phénomène malgré son origine extra-terrestre. L’ensemble dégage du coup un sentiment d’urgence, de danger omniprésent et une paranoïa galopante qui prend de l’ampleur au fil des pages qui se tournent avec frénésie. C’est bien simple, on se laisse embarquer totalement et les surprises sont vraiment de taille dans les derniers chapitres. Chapeau bas.
L’écriture est toujours aussi subtile, efficace et la trame très bien menée. Le petit bémol tient dans le caractère répétitif de certains passages. Je pense que l’auteur a voulu un peu trop en faire, on pouvait sans doute élaguer un peu dans les 30 pages. Pour autant, on ne boude pas son plaisir et franchement on ressort vraiment heureux de cette lecture trépidante. Avis aux amateurs.
Egalement lus et chroniqués au Capharnaüm éclairé du même auteur :
- Les Chronolithes
- Mystérium
- La Trilogie Spin