"Carton rouge" d'Agnès Dumont et Patrick Dupuis
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L’histoire : Qui veut réduire Clarisse Dubois au silence alors qu'elle enquête sur la place des femmes dans le foot ? Et pourquoi ? Staquet et Ben Mimoun vont plonger à sa suite dans le monde des supporters du standard de Liège, quitte à découvrir ce qu'ils n'y cherchaient pas.
La critique de Mr K : Voyages en territoires belges avec mes retrouvailles avec le duo Staquet / Ben Mimoun pour une nouvelle enquête qui cette fois-ci va les toucher de près. En effet, Clarisse a disparu sans laisser de message ou presque ! Ben Mimoun reçoit par la poste une clef USB avec divers dossiers images et vidéos autour du foot. Clarisse, c’est cette journaliste indépendante dont s’est entiché Ben Mimoun, une femme vive, intelligente et indépendante qui n’a pas sa langue dans sa poche. Le trio magique est brisé et les deux hommes partent à sa recherche. Très vite, il la retrouve à l’hôpital, elle a été renversée par un automobiliste qui s’est enfui. Accident ? Tentative d’assassinat. Tout est ouvert.
Découpé en journées et s’étalant sur un petit mois à cheval sur deux années (la période des fêtes rajoute une saveur supplémentaire à l’ensemble), le récit prend son temps et s’attache au quotidien de chacun. Les auteurs, Agnès Dumont et Patrick Dupuis, s’attarde beaucoup sur les atermoiements de chacun, leurs pensées, leurs doutes aussi. C’est un parti pris certain et cela ne plaira pas à tout le monde. M’est avis que pour bien l’apprécier, il faut déjà avoir rencontré ce duo de choc et de charme à sa manière. L’enquête passe quasiment au second plan tant les auteurs tirent sur le fil des relations fortes unissant les trois personnages. Belle amitié entre deux hommes que beaucoup de choses auraient pu séparer mais qui finalement se sont reconnus et se respectent énormément. C’est l’occasion de petites bouffes, de coups à boire, de déplacements donnant lieu à des échanges de haute volée entre le vieux briscard à la retraite qui n’arrive pas vraiment à décrocher et le jeune flic qui doit enquêter sur son temps libre tant l’affaire entourant Clarisse n’intéresse personne.
L’enquête bien que finalement courte n’est pas dénuée de subtilité pour autant. Le milieu du foot semble impliqué notamment au niveau des supporters, cela donne lieu à quelques belles pages sur la nature humaine et sa propension à basculer dans l’irrationnel. On suit avec plaisir le cheminement des investigations qui bien souvent se heurtent à des portes closes, des erreurs de jugement et des fausses routes. La conclusion, sans appel, m’a plu et un peu désarçonné à la fois. C’est logique et implacable.
On retrouve dans Carton rouge toute la science de caractérisation de personnages du duo d’écrivain. Le triptyque de héros reste toujours aussi attachant et permet d’explorer les ressorts émotionnels qui nous meuvent avec des phases alternant anxiété et moments jubilatoires de franche complicité. Retrouver ces trois là c’est comme retrouver une petite famille, des personnages que l’on aime, que l’on apprécie et dont on veut connaître la suite de parcours. On fait aussi de nouvelles rencontres avec des protagonistes bien tranchés, des figures marquantes et parfois décalées. Spéciale dédicace à la voisine entreprenante de Ben Mimoun, chacune de ses apparitions est un vrai bonheur. On aime errer dans cette Belgique dépeinte avec tact, économie de mots et un sens de la contextualisation certain.
La langue y est pour beaucoup et malgré l’écriture à quatre mains aucun chapitre ou passage dépareille par rapport aux autres. La lecture est aisée, immersive, on se laisse porter par ce rythme langoureux et l’on arrive au mot fin sans vraiment s’en être rendu compte. Un bon roman policier dans la lignée des précédents.