"L'Homme gribouillé" de Serge Lehman et Frédérik Peeters
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L’histoire : Dans un Paris suffoqué par les pluies diluviennes, une mère et sa fille se lancent sur la piste d’un extraordinaire secret de famille…
À 40 ans passés, Betty Couvreur vit dans l’ombre de sa mère Maud, auteur de livres pour enfants. Pourtant, depuis des années, Maud subit l’emprise d’un terrifiant maître-chanteur, Max Corbeau. Betty l’apprend et se retrouve projetée dans une quête des origines en compagnie de sa propre fille, Clara. Voyage initiatique au pays des monstres et des merveilles avec au bout, peut-être, un secret venu du fond des âges.
La critique de Mr K : Nouvelle découverte fort sympathique au programme de la chronique du jour avec L’Homme gribouillé de Serge Lehman et Frédérik Peeters, bande dessinée dégotée à la médiathèque du coin. Ce récit oscillant constamment entre le récit familial, l’enquête policière et le fantastique m’a littéralement embarqué entre intrigue redoutablement maîtrisée et planches de toute beauté. Un beau coup de cœur pour ma part.
Betty a dépassé la quarantaine et vit sa vie comme elle le souhaite sans se complaire dans les clichés et les injonctions de la société. Elle navigue de mec en mec, s’amuse beaucoup et gère son boulot de maquettiste dans une maison d’édition. C’est une femme libre, indépendante qui vit tout de même sous l’ombre de sa mère, importante écrivaine de contes effrayants pour enfants. Betty est aussi la maman de Clara, une adolescente avec qui les rapports sont distendus. Sa vie n’est donc pas facile, elle semble avoir un vide à combler. L’irruption d’un maître chanteur insaisissable va faire basculer son destin. Sa mère se retrouve à l’hôpital plongée dans le coma et débute alors une quête des origines qui réserve bien des surprises…
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Un thriller fantastique ça ne se refuse pas surtout quand il est mené de main de maître comme c’est le cas ici. On démarre sur les chapeaux de roue avec une plongée dans le quotidien de l’héroïne, écorchée vive que l’on sent sur le fil du rasoir. Bien que classique, la caractérisation est efficace et Betty a du charme et du chien. Combattant ses démons et en recherche de sens pour sa vie, le récit va la mettre face aux questionnements intimes qui la taraudent depuis déjà bien longtemps avec en sous-texte la question des origines et du rôle plus que particulier réservé aux femmes aînées de sa famille. Au fil de la trame qui se déroule, elle va vraiment faire des découvertes ahurissantes donnant une densité et un côté imprévisible au récit.
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Les personnages secondaires sont tout aussi bien traités avec finesse, justesse, se répondant et se complétant parfaitement avec des rapports intergénérationnels touchants, attachants mais aussi parfois drôles et dramatiques. La comédie humaine est ici exposée, rehaussée d’une touche fantastique qui sublime les rapports évoqués jusque là, les transcendant et leur apportant une symbolique forte où chacun peut se retrouver malgré les différences sociales, économiques et culturelles. Les auteurs font forts dans le domaine en proposant au final une histoire universelle, porteuse de sens et émouvante au possible. Tension extrême, récit poétique à l’occasion, les relations mère-fille exposées dans toute leur complexité, le poids du passé et ses conséquences sur le présent sont au cœur d’une histoire à tiroirs assez jubilatoire.
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Et puis… cette œuvre est d’une beauté à couper le souffle. Que ce soit au niveau des dessins, du traitement des couleurs, des détails représentés dans des planches immersives et dynamiques, on prend son pied et on s’émerveille devant tant de talent déployé. Il est parfaitement impossible de lâcher le volume et l’on prend une claque magistrale. C’est profond, intense, sombre et lumineux à la fois. À lire !