"Dragman" de Steven Appleby

L’histoire : Depuis qu'il a trouvé, adolescent, un bas de sa mère dans le sofa, August Crimp a découvert deux choses. La première est qu'il adore porter des vêtements de femme. La seconde est que lorsqu'il le fait, il devient capable de voler. Oui, comme un super-héros ! Hélas, cette passion un peu obsessionnelle est contrariée par la peur du ridicule et de la réprobation générale. Si sa mère, puis sa femme venaient à l'apprendre, c'en serait fait de lui. Du coup, il range sagement dans des cartons les tenues et souvenirs de Dragman, le nom de guerre qu'il s'était donné.

De toute façon, la ville regorge de justiciers masqués. Mais voici que Cherry Mingle, la petite fille qu'il a sauvée d'une terrible chute du toit du Musée d'Art moderne un jour qu'il s'y était rendu en Dragman, réapparaît dans sa vie. Elle a encore besoin de lui, cette fois pour aider ses parents qui ont vendu leurs âmes à la mystérieuse compagnie Black Mist pour lui payer ses études. Dragman reprend donc du service et l'aventure (même si elle finit bien) ne sera pas de tout repos...

Comment partager sa vie entre le rôle de bon père de famille et celui de super-héros quand tous vos pouvoirs tiennent au fait de vous travestir en femme ?

La critique de Mr K : Très belle découverte que ce roman graphique anglais dégoté dans notre médiathèque. J’y suis allé de mon coup de poker séduit par la quatrième de couverture et la thématique générale. Moi qui n’aime pas les super-héros, je trouvais très séduisante l’idée qu’un homme obtienne des super pouvoirs en s’habillant en femme. C’est fun, frais et au final Dragman de Steven Appleby fut une lecture différente, une belle métaphore filée sur l’acceptation de soi et le pouvoir d’être heureux par ce que l’on assume. Franchement top !
 

August Crimp vit une vie rangée auprès de Mary sa femme qui ignore son secret. Il a rangé son masque, ses portes jarretelles et son costume moulant de super héros il y a déjà trois ans. August était Dragman, un être capable de voler quand il s’habille en femme. Mais le passé va ressurgir lorsque l’une des personnes qu’il a secouru réapparaît et lui parle de ses parents qui ont vendu leur âme à une mystérieuse société. August va bon gré mal gré reprendre du service en essayant de se faire discret car il a été mis au ban de la société des super héros et bien des personnes lui en veulent.

Passages intimistes, vie de tous les jours et exploits se croisent avec une trame très dense qui fait la part belle aux révélations et aux sombres complots. La caractérisation des personnages est une pure merveille à commencer par le duo dynamique et farfelu de Dragman et Dog girl qui se lance sur la piste d’une mystérieuse organisation qui semble se nourrir d’âmes. Par un savant jeu d’aller retour entre passé et présent, on comprend peu à peu les tenants et les aboutissants.
 

Sous ses aspects de comics de superhéros avec son lot de personnages rocambolesques, de sauveurs de la veuve et de l’orphelin, se cache une délicate histoire de coming out. L’ensemble s’apparente à une gigantesque allégorie sur la condition des drag queen dans nos sociétés pseudos inclusives. Derrière les péripéties, les scènes d’actions et les différents personnages, on distingue les obstacles et les oppositions à la libération de ses êtres différents qui bien souvent doivent se cacher des autres pour vivre comme bon leur semblent. C’est extrêmement fin dans le traitement et très émouvant aussi.

Il a fallu 18 ans à son auteur pour pondre ce petit chef d’œuvre. Drag queen lui-même, Steven Appleby a mis beaucoup de lui-même dans cet album qui conjugue son propos fort et juste avec une esthétique parfaite, un sens du rythme, des dessins simples mais très évocateurs, une fluidité de l'ensemble offrant une lecture optimum et bluffante dans son genre.
 

Détournant sans détour les comics américain pour proposer une vision neuve et un propos ô combien nécessaire, Dragman est une œuvre forte et sensible à la fois, une expérience unique en son genre et au final un grand moment de lecture. À découvrir absolument.